Le coffret

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La devanture du magasin d'antiquités me faisait face. J'examinais la vitrine d'un œil attentif, admirant tantôt cette chaise en bois précieux, tantôt ce porte-plume finement ouvragé. Ne pouvant arrêter là ma contemplation, je décidai d'entrer. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je poussai la porte grinçante, dévoilant ainsi une salle spacieuse où s'entassaient par milliers des bibelots plus extravagants les uns que les autres. On s'aventurait dans un angle, et la pièce semblait s'agrandir : d'autres objets apparaissaient et cela continuait sans fin.

Un détail cependant clochait. Il n'y avait pas un seul client dans cette étrange boutique. Mais pire encore, j'étais la seule personne ! Pas même un vendeur pour me conseiller, m'inciter à choisir telle ou telle breloque...

Tout était silencieux. On eût dit que l'endroit retenait son souffle. Je me sentais comme épié. Anxieux, angoissé même, était le mot qui me définissait à ce moment. M'apprêtant à quitter ces lieux inquiétants, je me dirigeai vers la sortie. Mes pas résonnèrent contre les murs et, par je ne sais quel hasard, mes yeux se posèrent sur un article que je n'avais pas remarqué.

C'était un coffret en bois, d'if au premier coup d'œil. Quelque chose en lui me fascinait, il dégageait une sorte d'aura qui me captivait, qui m'envoûtait. Je fis volte-face, déposai sur le comptoir les quatre-vingt-neuf euros et quatre-vingt-dix centimes qu'il coûtait puis revins chez moi.

Posé sur un guéridon, devant moi, le coffret semblait me défier. Voilà près de deux heures que mes yeux scrutaient inutilement sa surface gravée de signes inconnus. Oh ! Bien sûr, j'avais découvert quelques détails, telle son ancienneté d'une centaine d'années estimais-je.

Mais c'était tout, je n'arrivais même pas à déchiffrer les inscriptions qui ornaient cette boîte, si ce n'est le chiffre romain en son centre :

XXII

Je me heurtais à une autre difficulté majeure : impossible d'ouvrir ce coffret. J'avais pourtant tout tenté. En l'absence de serrure, je fus contraint d'essayer de forcer le couvercle avec un pied-de-biche. Sans succès. Le projeter avec force contre un mur ? Il rebondissait et finissait sa course au sol, intact. Le brûler ? Aussi improbable que cela puisse paraître, le bois résistait aux flammes. L'entailler avec une hache peut-être ? Celle-ci m'échappait des mains à l'instant où elle effleurait l'objet.

Ce problème ne possédait aucune solution. Impossible de venir à bout de cette maudite vieillerie. Désespéré, je tâtais distraitement la paroi, lorsque mes doigts glissèrent sur un angle plus abrupt. À mon grand étonnement, alors que j'appuyais seulement un peu plus fortement, sur celui-ci, il y eut un déclic, suivi d'un bruit d'engrenages qui s'entrechoquent. Non, il suffisait de presser une partie de la chose ? Jubilant, comme si cet acte était une victoire sur un adversaire particulièrement coriace, je poussai le couvercle et regardai à l'intérieur.

Le lendemain, la concierge entra dans l'appartement, non fermé. Étrange... D'ordinaire, le vieux collectionneur s'enfermait à double-tour dans son refuge, comme il se plaisait à l'appeler. Elle esquissa un pas, intriguée. Le domicile était désert, la seule nouveauté se trouvait sur une table : une boîte en bois, finement sculptée. Reconnaissable entre tous, le chiffre romain XXIII flamboyait. Elle fit le tour de la table et poussa un cri d'effroi : le corps sans vie du propriétaire des lieux était couché à terre. 

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