1/La Cérémonie

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Je cours. Je cours, mais je ne sais pas pourquoi. Je suis dans une forêt, il y a du vent et de la pluie. L’orage est l’élément manquant pour ce calvaire. C’est justement pourquoi un éclair retentit au loin. Je m’arrête. J’essaye de réfléchir. Pourquoi suis-je là ? Comment suis-je arrivé là ? Et où suis-je surtout ? Sur un chemin de terre, tout boueux, d’où ressortent mes traces de pas. Soudain, des hurlements de loup, des plus effrayants résonnent entre les arbres. Je sens un frisson remonter le long de ma colonne vertébrale. Je n’envie guère croiser leur route. Mais c’est en craignant quelque chose que cela arrive et vois au bout du chemin qui s’efface dans l’obscurité surgir deux monstres gris poilus, mélangeant un loup et un ours. Ils s’arrêtent, me fixent, montrent leurs crocs ensanglantés, puis s’élancent à vive allure dans ma direction. Sur le coup, je ne tente ni de reprendre ma course, ni à chercher où me cacher. Certes je comprends maintenant pourquoi je courrais, mais je ne pense ni même à ceci. À vrai dire, je ne pense à rien. Je fixe juste les bêtes féroces se précipiter sur leur repas et sens mon cœur résonner dans tout mon corps à une vitesse folle.

Les monstres sont maintenant proches. Tellement proches que leurs gueules sont grandes ouvertes et sont déjà en train de me bondir dessus. Soudain j’entends une voix hurler, la voix d’une personne. Mais je n’arrive pas à distinguer à qui elle appartient et d’où elle vient à cause du bruit que font les monstres. Je crois que la personne hurlait mon nom. Mais cela n’a plus d’importance maintenant. Je sens déjà leur haleine de fauve, puante au fond de leurs gorges.

Je me réveille en sursaut. J’ai des gouttes de sueur qui coulent de mon front jusqu’au bout de mon nez. Je respire rapidement. Entrant dans ma salle de bain, je m’observe, souffrant, dans mon misérable miroir.
« Arêtes de faire mauvaise mine, ce n’était qu’un simple cauchemar ! ».
Je me rince le visage, puis fais ma toilette.
Je prends le gros morceau de pain posé dans ma cuisine et n’en fais qu’une bouchée. Je me vêts et pars pour un grand évènement. Aujourd'hui, je vais être promu maître assassin avec A. C’est une classe très élevée dans notre organisation. Au dessus il y a assassin suprême. Ce sont eux qui sont les plus forts, la dernière classe que l’on peut être. Moi, c’est mon rêve d’être promu assassin suprême. Mais la vraie classe la plus élevée, c’est dirigeant assassin. Il ne peut y en avoir qu’un seul. Et c’est lui seul qui promut les assassins en mains propres. Sûrement pour montrer un signe de respect envers les assassins et les remercier de leur fidélité. Être dirigeant assassin, c’est très dur. Ça n’a rien à voir avec « assassin ».
En tout cas, pas directement. Le mot « dirigeant » lui, dit tout. C’est donc cet assassin qui décide qui tue qui, quand, comment. Il décide qui est promu, qui est accepté dans l’organisation, qui ne l’est pas et gère toutes sortes de conflits. Il doit sûrement connaître des choses que personne n’aurait imaginé une seule seconde. Le laboratoire à machines par exemple, a été dévoilé il y a peu. Là-bas, des prototypes infernaux sont créés sans cesse. Son existence nous a été cachée depuis plus de trente ans il paraît. Enfin on pense, car personne n’était là il y a trente ans. C’est surtout pour cela que l’on se doute qu’il a plus d’une dizaine de secrets qui ne doivent pas se savoir.

Une fois arrivé au repère, il est un peu plus de midi. La cérémonie a lieu en début d’après-midi. Il ne faut donc pas que je traine trop.
Le repère, c’est un grand manoir en bois, dont la base est en pierre. Sur ce sujet, nous ne sommes pas tous d’accords. Certains trouvent que c’est magnifique, d’autres que c’est une horreur, d’autres que ça lui donne un air unique, d’autres ne s’en préoccupent pas. C’est le plus gros débat dans l’organisation. Et ça dure depuis longtemps. Moi je trouve cela  assez laid.
La porte aussi est en bois. À sa droite se trouve un carré avec les chiffres de 1 à 9. Et par un mécanisme avec des bâtons et des roues très compliqué que personne ne comprend mais génialissime, il faut pousser les bons numéros dans le bon ordre pour que la porte s’ouvre.
Les numéros sont gravés sur de petites pierres carrées dans le grand carré. Chaque année, on tire au hasard quatre chiffres. En ce moment c’est 1 ; 9 ; 7 puis 6.
Je m’approche, appuie sur le 1, attends que la pierre ressorte du mur, appuie sur le 9 etc.
Certes, c’est long, pas très pratique, et ça prend de la place, mais c’est très sécurisé. Bien plus que de distribuer une clef à tout le monde que l’on va perdre au bout d’une semaine.
J’attends quelques secondes, on entend des bruits étranges. Et quand ça se termine, on peut entrer.

La Machine de ChryziliteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant