2/La Machine

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En sortant, D nous intercepte. Il n’a plus sa robe rouge. Il a toujours été le plus rapide pour changer de costume. C’est le magicien du déguisement.
« Félicitations mes amis. Je suis fier de vous. Je ne veux pas vous sauter dessus à peine que vous êtes libre, mais j’ai une mission très importante pour vous.
-Allez-y, on est à votre écoute.
-Demain, sur la place principale, à 12h00, il y aura une personne dénommée X. Vous le reconnaîtrez, il sera entouré de ses gardes.
-De ses gardes ? Nous ne serons pas assez forts !
-Ne vous inquiétez pas, vous aurez le niveau. »
S’il le dit, c’est que c’est vrai. Il faut toujours faire confiance à D. Il n’envoie jamais personne se faire massacrer, il prendrait quelqu’un de plus fort ou plus de personnes si ce n’est pas de notre niveau. Sauf dans le cas on l’on sert d’appâts. Mais il ne le fait jamais, c’est trop de gâchis. Nous sommes ceux en qui il a le plus confiance. Il nous dit des choses à nous et à personne d’autre. Puis il rajoute :
« D’ailleurs, j’ai quelque chose pour vous, suivez-moi. »
Nous nous demandons ce qu’il va nous montrer. D nous emmène jusque dans son bureau.
« Entrez et prenez place. »
On pénètre dans la pièce et s’assoit sur les deux chaises qui sont devant son bureau. Celle-ci est grande. Au milieu, collé contre le mur, est placé un gros coffre verrouillé. Sur son bureau, il y a plein de dossiers en vrac. Mais il y a aussi deux curieux petits objets. Il les  prend et nous les tend.
Ces deux objets sont identiques. Ils sont ronds et un peu plats. Ce sont des sortes de disques en métal jaune foncé.
J’en prends un pour regarder en détail de quoi il s’agit.
Le disque est divisé en deux : la partie supérieure est bleue claire avec un soleil dessiné, tandis que la partie inférieure est bleue foncée avec cette fois la lune et des étoiles dessinées.
Au centre, un gros bouton rouge, et une aiguille aussi de couleur rouge dont la pointe touche l’extrémité du disque.
« C’est une montre ? Demande A qui a lui aussi prit l’un des disques.
-Non. Il s’approche de nous et parle plus faiblement.
-C’est une machine à remonter le temps. Elle a été inventée en 1723. Elle marche à partir d’un cristal de Cryzilite qui est très rare et très petite. Il est à peine visible à l’œil nu. J’ai donc eu la chance d’en avoir. Ce sont les seules machines en Europe qui existent, car on a trouvé seulement deux cristaux. Certains scientifiques pensent que ça ne vient pas de Terre. Des cristaux aussi précieux ne tombent pas du ciel comme ça ! C’est ridicule !
Donc ce cristal, quand il est en présence de chaleur, il s’excite et nous emmène comme par magie dans le passé. Personne ne sait comment cela marche exactement.
Malheureusement, elle n’est pas absolue et permet de revenir au maximum 24h plus tôt dans le temps.
Pour l’utilisation, on met l’aiguille au moment de la journée d’avant où l’on veut arriver et on appuie sur le gros bouton.
Si je vous donne cette machine, c’est parce que j’ai confiance en vous. Faites attention à son utilisation. Ça pourrait être dangereux pour nous tous.
D’ailleurs, il y a un traître parmi nous, nous dit-il en baissant d’avantage la voix. Si vous avez le moindre soupçon, venez me voir.
Des questions ?
Un silence se fait entendre.
-Dans ce cas, bonne chance. »

A se lève doucement puis sort en fixant la machine qu’il a prise.
Comme lui, je sors les yeux fixés sur l’objet qui est entre mes mains.
Il m’attendait à la sortie.
« Tu y crois toi à ça ?
-Je crois à tout ce que dit D, je lui fais confiance, mais là… j’avoue que j’ai du mal.
-Sinon, tu pense que c’est qui le traître ?
-Je n’en sais rien. Le comble serait que je pense que c’est toi. Je ne peux pas te soupçonner, tu es mon meilleur ami depuis longtemps.
-Il faut toujours se méfier de ses amis.
-Oh arrêtes ça ! Tu sais que ce sont des sottises !
-Sinon… pour ce fameux X, on réfléchira au plan demain. Rendez-vous là où tu sais en début de matinée. Comme d’habitude. Si ça ne te dérange pas, il faut que je parte. »
Il a l’air vraiment pressé, il marche vers la sortie à toutes jambes, et me laisse donc tout seul.

Une fois chez moi, je pose la machine et mes récompenses de la cérémonie sur mon meuble, m’allonge sur mon lit et repense à ma journée, à être assassin suprême, à la mission, au traître, à A et surtout à la machine. Elle me hante. Elle m’observe. Elle me nargue depuis le meuble. Elle me questionne. Puis je décide de l’essayer. Je ne peux pas rester dans l’incertitude plus longtemps.
Alors je me lève, me dirige vers elle et la prend. Elle est assez petite pour tenir dans la paume de ma main et la manipuler seulement avec le pouce. Je regarde où se situe le soleil et positionne la flèche pour me ramener peu de temps en arrière.
Ça y est. Il ne reste plus qu’à appuyer sur le bouton. Mais quelque chose m’en empêche. C’est la peur. Ma main tremble. Que va-t-il se passer ? Et si la procédure rate ? Et si je me retrouvais bloqué dans un autre monde ? Et si c’était un piège ?
« Non ! ». D ne veut pas ma mort ! Si la machine n’est pas assez sûre, il ne me l’aurait pas donnée !
Je ferme donc les yeux, retiens ma respiration, fais le vide dans ma tête et appuie sur le bouton.

Contre toute attente, rien ne s’est passé. Pas de secousse, pas de sensation inconnue, rien. La machine n’aurait-elle pas fonctionné ?
Mais c’est quand j’ouvre les yeux que je découvre que je suis ailleurs. Je ne suis plus dans ma maison. Je suis sur un toit, pas très loin de chez moi. Suis-je mort ? Non, ce n’est pas le cas.
Je m’avance au bord pour regarder en dessous. Je reconnais, c’est la rue que je prends pour aller chez moi quand je rentre.
C’est bien cette rue, j’en suis sûr, car il y a moi-même dans la rue ! Il y a le moi du passé sous mes yeux !
Je me dis que ce sont des hallucinations, que c’est la fatigue. Je décide donc d’aller voir cela de plus près. Si c’est vraiment le moi du passé, alors je devrais pouvoir lui parler. Le temps que je reprenne mon souffle sur les évènements puis désescalade la maison et me dirige sans plus tarder chez moi.

Une fois arrivé chez moi, j’entre tout doucement, sans faire de bruit. Arrivé au niveau de la porte qui donne sur ma chambre, j’avance ma tête pour voir à l’intérieur. Je me vois allongé sur mon lit en regardant mon plafond ! Je me lève, prend la machine, hésite et… disparais en un clin d’œil !
À ce moment là, je me précipite dans ma chambre. Affolé, je regarde de partout, sous mon lit, dans les autres pièces, dans mes tiroirs. Puis je m’arrête, je suis devant le miroir accroché au mur de ma chambre, je regarde mon reflet. D’une main hésitante, je sors de ma poche la machine de Cryzilite, puis la regarde. Je sens mes jambes trembler horriblement, puis faiblir de plus en plus. Soudain, je me raidis. Je ne respire plus, je ne sens plus les battements de mon cœur, je commence à basculer en arrière petit à petit et, avant de toucher le sol, plus rien. Il n’y a que du noir.
Je ne sens ni plus le poids de mon corps, ni la gravité me faire effet, ni la moindre sensation ou douleur. Je ne suis même plus conscient pour le remarquer.

La Machine de ChryziliteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant