L'INCONNU

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"L'INCONNU SE TROUVE DANS LE MYSTÈRE DE TOUT CE QUI NOUS PARAÎT NOUVEAU...ÉTRANGER."
J.G

À bientôt 18 ans, je ne me connaissais toujours pas.

J'ignorais qui j'étais réellement, bien sûr, je savais qui j'étais dans la forme, mais pas dans le fond.

Depuis l'arrivée des envahisseurs il y a de cela 12 ans, j'avais perdu des notions fondamentales de ma culture...

Ils nous avaient imposé leur langue agressive, leur nouvelle religion monothéiste, leur vision du monde impérialiste, leur éducation stricte...

Je parlais mieux allemand qu'éwé, un dialecte de type soutenu au Togo...Togoland...

C'est de cette manière qu'ils avaient  rebaptisé notre terre après l'avoir redéfinie et divisée.


Évidemment, il y avait  des avantages : des infrastructures jamais vues faisaient apparition, dont des églises...
Je savais lire et écrire, j'apprenais la science et l'histoire, j'excellais à l'école, j'étais l'une  des rares filles à y être du fait de mon statut sûrement.

En effet, j'étais princesse d'Atakpamé, grand village dans le centre de notre territoire.

Mon père, le roi, était  un homme sage, ma mère, la reine, était la plus belle femme qu'il ne m'avais été donné de voir.

Chez nous, le couple royal n'avait le droit qu'à un unique enfant dans le seul but de ne pas avoir de conflit lors de la succession au trône.

Officiellement, c'était le cas...Officieusement, j'avais 13 demi-frères et demi-soeurs dû aux nombreux écards de mon père.

J'étais donc la seule pouvant  accéder à la fonction de reine, rôle très important et jalousé.

À l'âge de 6 ans, j'étais déjà promise à celui qui fut désigné pour être le prochain dirigeant à mes côtés.

Je ne le connaissais pas, je ne pouvais donc pas l'aimer, mais comme le disait ma mère, j'allais apprendre...je le devais.

Aussi, j'étais devenue très croyante, avec l'invasion des blancs, je m'étais convertie au christianisme ;  peu avant, au temps de l'esclavage et des traites negrières, nous nous étions tous convertis à l'islam.

Aujourd'hui, nous pouvions choisir, et moi j'avais choisi la voie de la religion chrétienne, j'étais de profession protestante, comme la majorité des allemands.

La plupart du peuple avait fait de même, mais, certains de mes proches étaient restés musulmans.

J'avais appris à faire semblant d'être favorable à ce que les colons  "faisaient pour nous", j'avais appris à être diplomate...

En tant qu'infirmière à temps partiel, je côtoyais souvent la race dite supérieure.

Pour moi, c'était plus une race d'hypocrite venue pour accomplir la 2ème vague de l'esclavage...

Pour la 2ème fois dans notre histoire, nous étions dominés, abusés, pillés...

-Nana, viens manger ! Ton fiancé se joindra à nous ce soir !
C'était la voix de Afua, ma mère, elle se nommait ainsi car elle était née un vendredi.

Je partis la rejoindre.

Voilà ce que ressentait notre héroïne à l'égard des colonisateurs, de l'inconnu, sans savoir qu'elle serait bientôt liée à l'un d'eux d'une manière qu'elle ne soupçonnait pas encore.

LEGACYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant