- Le refus, c'est pour vous donner une contenance ? demanda-t-il, croyant comprendre, en s'appuyant sur la machine à café.
Il sortit un gobelet qu'il tendit à sa juge l'air malicieux et sérieux à la fois - bref, insaisissable.
- Quel refus ?
- De moi, de vous, de nous.
- Mais je ne vous refuse pas ! s'insurgea-t-elle sans assurance, incapable d'argumenter ensuite sans se dévoiler de trop.
Fred prit cela pour un encouragement. Il sourit et approcha délicatement son visage de celui de sa juge, qui baissa la tête sur son café. Elle reçut un baiser agréablement doux sur sa joue gauche.
Elle le fixa droit dans les yeux, paumée, et ne sut pas le voir amoureux. Non, aujourd'hui, il lui apparaissait joueur.
- Vous avez l'air reposé, dit-elle calmement.
Elle fulminait de doutes et de suppositions atroces.
- Et vous, tourmenté, rétorqua le commandant sans vraiment se tromper.
- Vous avez passé une bonne nuit ?
- Je n'ai pas dormi, j'ai réfléchi. Même un problème de maths ne m'avait jamais demandé autant de réflexion.
- Et qu'est-ce qui a suscité cette réflexion nocturne ?
- Vous, Alice, fit-il tout bas.
Le lieutenant passa et traça son chemin, voyant leurs regards s'échanger des sentiments subliminaux et fougueux dont eux-mêmes n'avaient pas conscience. Il s'imposa l'interdiction de les déranger ; pas par peur d'une sanction, mais c'était trop beau pour tout gâcher.
Elle soupira et jeta son gobelet après avoir tout bu d'une traite. Elle se pinça les lèvres, plissa les yeux, regarda ailleurs - le ciel, un peu moins bleu et moins joli que ses yeux à lui -, et puis, insatisfaite, elle retourna à l'existence masculine qui la scrutait.
- Qu'est-ce que vous attendez ? Que je vous saute au cou, que je devienne votre en un instant, avec votre nom de famille à la place du mien ? Vous avez un désir ardent de conquérir, c'est ça ? demanda-t-elle plus dépassée qu'énervée.
Fred fut surpris de voir comment elle réfléchissait. Ces possibilités avaient donc leur place dans sa réflexion à elle. Elle avait juste été plus rapide. Elle avait juste compris plus tôt, elle s'était approprié la relation chaste qu'ils menaient tant bien que mal pour prendre une distance qui le rendait fou - fou d'elle.
- Je ne sais pas avec qui vous avez passé la nuit, mais puisque je suis si froide, vous pouvez retourner à ses côtés. Elle vous tiendra chaud, elle, au moins, s'étouffa-t-elle pour son plus grand malheur.
Qu'était-elle à présent ? Une femme aveugle comme il l'avait été lui.
- Je n'ai rien sous-entendu, quand je vous disais que j'avais pensé à vous jusqu'à faire de ma nuit une nuit blanche. J'étais sérieux, Alice. Vous avez occupé mes pensées pendant des heures, et au petit matin, je souriais. Vous me l'avez dit vous-même, j'ai un air reposé. Et ça, c'est par ce que j'ai compris ce qu'on vivait vous et moi, et que ça va m'aider à vous ouvrir les yeux.
- Je n'ai pas besoin de vous pour ça.
- Vous avez conscience de notre relation ?
- ... Vous parlez d'un rien comme s'il s'agissait d'un tout ! Arrêtez avec vos grands mots, Marquand ! De quelle relation est-ce que vous parlez ? De celle qui nous unit pour enquêter ? Nous sommes co-llègues.
- Je croyais que vous me considériez comme un ami.
- Un ami, à la rigueur. Mais ne parlez pas de "relation".
- J'ai cherché dans le dictionnaire, et le mot relation signifie juste « rapport entre les personnes ». Pourtant je sens que quelque chose vous dérange.
Il avait perdu son sourire. Elle était trop désorientée pour qu'il continue d'être heureux de la faire se questionner.
- En effet, ma perception des choses fait que je vois le mot relation comme un terme qui complète « relation amoureuse ». Mais vous avez raison, il existe les relations amicales, se détendit Alice en constatant son erreur d'enfant.
- Je n'aurai jamais de place dans votre cœur, Alice. Vous venez de me le prouver.
- Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ? Nous nous voyons tous les jours, et nous mangeons parfois même ensemble. Vous êtes le parrain de mon fils, ce qui vous donne l'autorisation de passer chez moi par moments. Vous occupez une réelle place dans ma vie, Marquand.
- Peut-être, mais ce n'est pas celle que...
Le commandant s'arrêta de parler et secoua la tête.
- Ce n'est pas la peine de tergiverser. Vous avez été claire, et... Il n'y a rien à ajouter. Je rejoins Max et on file chez la fille du suspect pour qu'elle nous livre le lieu de sa planque.
- Attendez... chuchota-t-elle, un peu brisée.
Et puis, elle caressa sa joue avant de se fourrer gentiment dans ses bras, comme pour le consoler de n'avoir pas accès à son cœur - pas encore ?
Il huma son cou et ferma les yeux. Elle aussi. Il fallait mourir pour être amoureux.
C'était ce qu'ils mettaient en pratique.

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toujours là, mon amour
Fanfiction- J'te laisserai pas tomber. Que tu fasses des erreurs ne m'a jamais dérangé. À chaque faux pas, je serai là. Je te demande simplement d'être assez sûre de toi pour me dire que tu l'aimes... lui. V_23.12.16 M_03.05.17