THE SECRET OF BOOKS

CHAPITRE 3 : Revenez à moi de tout votre cœur...

-C'est toujours comme ça que vous passez vos journées ? S'interrogeait Sherlock Holmes en regardant à travers la vitrine.

L'ambiance de la boutique s'était nettement radoucie au courant de l'après-midi. Une légère brise printanière venait réveiller les odeurs d'ordures qui jonchaient la triste allée qu'était Kingly Street.

-À peu près, oui. Parfois j'ai monsieur Lanoix qui vient me dire bonjour. Un peu collant, dit-elle en fronçant légèrement les sourcils.

-C'est qu'il est secrètement obsédé par vous...

Elle le regarda, puis elle haussa timidement les épaules en rangeant un livre ou deux dans ses étagères parfaitement droites.

-Je sais et parfois ses pensées obscènes me font froid dans le dos.

-Pourtant, vous continuez à lui sourire comme une godiche, dit-il sèchement.

-Je ne peux pas me mettre à dos toute la rue, déjà que celui d'en face me jette des mauvais sorts !

Il rigola franchement. C'est vrai qu'elle n'était pas dans un quartier très fameux. La plupart du temps, les gens qui passaient par là étaient des alcooliques ou bien des personnes perdues, ou bien encore en fuite. Holmes s'amusa à penser que derrière son côté d'ange se cachait une force de la nature qui gérait toutes les intempéries qui s'abattaient sur sa boutique.

-Quel livre me conseillerez-vous ?

À cette question, le visage de son hôte s'éclaira de mille feux. Le cœur d'Holmes en avait raté un battement. Elle était rayonnante de joie.

-Vous voulez lire un de mes livres ?

Elle avait posé la question avec la voix la plus mielleuse du monde. Dans un léger déhanché, elle s'était assise en face de lui, sur la confortable banquette près de la vitrine.

-Je n'en ai pas le droit ? Ce serait un comble, non ?

Sourire ravageur au visage, Holmes espérait bien la séduire. Mais ignorante à ses charmes, elle se précipita vers une étagère du fond de sa boutique. On l'entendait fouiller parmi les bouquins pour trouver la perle rare. Elle revint quelques instants plus tard, un immense sourire aux lèvres accompagné par un peu - Holmes le voyait - de gêne.

Le livre qu'elle lui tendait était dans un état remarquable pour son âge. Comme pour un individu, Holmes le détailla étape par étape. Le titre n'était inscrit nulle part, sûrement juste à la première page à l'intérieur. Sa couleur verte et sa couverture en velours satiné ne pouvait que signifier qu'il datait d'au moins un siècle. Les bordures en feuilles d'or, très légères, lui donnaient vraiment une nouvelle jeunesse.

-Vous connaissez l'art de réparer des ouvrages ? S'étonna le jeune homme.

-Si mon souhait était de tenir une librairie, c'est la moindre des choses, vous ne pensez pas ?

Elle lui sourit tendrement, puis de nouveau assise face à lui, elle se permit d'ouvrir délicatement le livre à la première page.

- Logique déductive et inductive, par John Stuart Mill, dit-il très lentement.

-Il vous ressemble.

-C'est un grand philosophe, en son temps. Très intelligent, une vraie "machine à penser".

June fit un léger non de la tête pour lui indiquer qu'il se trompait sur l'interprétation du pourquoi ce livre en particulier.

-C'est surtout que son intelligence lui a fait défaut. Il était le Savoir, jusqu'à ce qu'il se soit rendu compte un jour... Que ce n'était pas son soi profond.