Shade Empty cat

💫XIII. Angelique

Le vent ébouriffait son pelage. Le froid lui gelait les membres. La neige qui tombait recouvrait petit à petit son beau pelage sombre. Le félin leva les yeux aux ciel. Un ciel gris. Il avait perdu une autre facette de son âme. Il devait agir. Agir avant de sombrer définitivement dans les ténèbres, agir absolument.
Il jura devant cette saison froide, cet hiver interminable. Shade avait décidé de quitter la zone. Il ne voulait plus recroiser aucune de ses connaissances. Il s'arrêta aux abords de la ville. Panthère. Coeur de Panthère lui manquait, il ne pouvait se le cacher. Pourtant il se mit en marche, restant caché entre les buissons afin d'éviter les bourrasques.
C'est alors que son regard le titilla. Sa vision sembla se flouter. Il devenait à nouveau fou... possédé par... non, pas cette fois-ci.
C'était une forme dans le paysage devant lui qui se flouait. Et puis une silhouette se forma sous les yeux du félin. Une silhouette féminine, d'un joli beige pâle translucide. Ses yeux brillants ne laissèrent pas longtemps à Shade pour réaliser qui apparaissait tel un fantôme, devant lui.

« Â... Âme Lunatique ! »

La petite femelle hocha doucement la tête. C'était bien elle. La chatte qui malgré tout ce qui se passait, ne semblait jamais quitter le grand chat noir. Il secoua la tête, sur d'être victime d'hallucinations.

« Shade, je sais que ça peut paraître absurde mais il faut que tu m'écoute.

— Non, tu n'es pas réelle, ce n'est pas possible, elle... je t'ai tuée. »

À ses mots, il se rendit compte, encore une fois de l'acte qu'il avait commis au travers de l'Ombre. Il fallait arrêter de se cacher la vérité, c'était par cet esprit maléfique qu'il avait commis ce meurtre, mais c'était tout de même lui, Shade, qu'il l'avait commis.

« Je sais. clama-t-elle d'un calme surprenant. Je le sais et je ne t'en veux pas. Je sais que tu ne le voulais pas.

— Mais je l'ai fait et... »

Elle se redressa et le coupa.

« Arrête de te morfondre, tais-toi et écoute-moi. Je suis revenue dans ce monde dans le seul et unique but de te venir en aide. Tu sombres petit à petit dans les ténèbres et bientôt tu ne pourras même plus en revenir. »

Son pelage translucide était comme lentement recouvert de givre dû à la froideur du temps. Le mâle s'était tut, ne trouvant plus aucune autre solution que l'écouter.

« Tout d'abord tu dois faire le vide en toi, pour savoir qui tu es. Il faut te souvenir, Shade.

— Me souvenir ? il fronça les sourcils. Me souvenir de quoi ? »

Elle se pencha et murmura.

« Te souvenir de ton nom. »

Il se figea. Comment savait-elle que "Shade" n'était pas son vrai nom ? Il se remémora la scène de leur première rencontre. Avant même qu'il ne se fut présenté, Âme l'avait appelé "Shade". Il n'avait jamais cherché à comprendre comment elle avait été mise au courant de cela mais, ce qui était sûr, c'est qu'il n'avait jamais mentionné la présence d'un autre potentiel nom.
En l'occurrence, son vrai nom, son premier nom, son nom oublié.
Son regard se perdit. Si un monceau de lui se souvenait encore, il était possible qu'en cherchant bien, au plus profond dans sa tête, il le retrouve.
Il ferma les yeux, et, guidé par les douces paroles d'Âme Lunatique, le mâle noir entama sa trance.

Respiration lente.
Âme béante
Vision noire.
Tu n'y es pas.
Les yeux fermés,
Écoute les battements de ton cœur.
N'ai pas peur.
Oui, elle là,
Tu la vois.
Approche s'en toi.
Elle guide tes pas.
Mais ne t'emballe pas,
Elle ne restera pas.
Donc dépêche toi,
Concentre toi.
Ces images floues
Te tiennent debout.
Tout s'éclaircit,
Et tu le sens jusqu'ici.
Mais tard ce soir,
Ne perd pas espoir.

Tes souvenirs,
Finiront par revenir.

Il se réveilla en sursaut, haletant. Encore. Intérieurement, il jura. Comment pouvait-il se réveiller sans cesse en sursaut, en pleine crise de panique. Ses yeux brillaient d'incompréhension. Il se mit sur pattes. Il faisait totalement noir. Le félin s'ébroua, lança des regards inquiets tout autour de lui. Il n'y avait pas de neige ici. On n'y voyait rien.

« Y'a quelqu'un ? »

Seul son écho lui répondit. Il plissa les yeux, soucieux. Un tunnel. Humide. Il se trouvait dans un tunnel humide, où, s'écoulait lentement un maigre ruisseau. Il décala sa patte engourdie et ses coussinets frémirent au contacte de l'eau glacé. Shade froissa le museau. Un égout. Mais que faisait-il dans un égout ? Son estomac affamé s'était mis à le torturer. Une grosse masse de poils crasseux aux yeux rouges défila en trombe sous son nez. Il dressa les oreilles, son instinct de chasseur lui criait de sauter sur ce rat. Mais le rongeur, partis déjà à l'autre bout du tunnel, laissa échapper un cris strident, un cris de souffrance terrible... et puis plus rien.
Shade releva la tête.
Que s'était-il passé ?
Et où était Âme Lunatique...?

La pénombre s'éclaircit. Une silhouette se dessinait à quelques pas dans le fond du tunnel. D'un air mauvais, elle s'avançait. Seuls ses yeux de braise luisaient hardiment. Le rat gisait à ses côtés. L'eau sale qui s'égouttait là, apeurée, semblait fuir sous ses pattes de charbon. Enfin son pelage passa sous une fissure de lumière. Il était nuancé de gris, muni d'une large bande noire qui longeait son dos. Shade le reconnu. C'était le "chat aux yeux de braises" qui voulait sa peau pour une raison encore inconnue.
Un grognement sourd sortis de la gorge du félin noir. Mais qui pouvait bien être cet inconnu si sombrement familier ?
La voix de l'inconnu en questionna résonna dans l'égout.

« Tu as bien changé mon vieux. Tu n'a plus rien de la fougueuse bête noire d'autrefois.

La fourrure en bataille, les yeux rougis par la fatigue et, la carrure affaiblie, il est vrai que le beau mâle d'antan n'avait plus toute sa grandeur.
Il râla, d'une grosse voix dure, cachant son air démunit.

« Je ne te connais pas.

— Ça me déçois. Ça me déçoit que tu ne reconnaisse même plus ton viel ami. Ton frère Shade, nous étions des frères dans l'âme. »

Le chat noir eut un tremblement. Ils furent amis...? Vraiment ? La question sur son identité lui rongeait les entrailles. Après un instant dans le silence, il demanda, le sang bouillonnant à l'idée de connaître la réponse.

« Quel est ton nom ? »

Le mâle gris répondit en souriant, comme si prononcer ce nom lui procurait un malin plaisir.

« Dæmon. Je suis Dæmon, pour te servir Très Cher. »