Kingdom Hearts - The 13th Dawn

Chapitre XVII - Les Fleurs du Mal

Le cœur de Roxas refusait de se décrocher, dans sa poitrine. Il était comme une petite masse enflée et douloureuse qui frémissait dans sa cage trop étroite, grelotant sans relâche sous sa couverture de sang. Affolé mais immobile. Présent sans vraiment l'être. A portée de main, mais si peu palpable.

D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Roxas avait toujours tenté de contrôler cet organe en manque perpétuel de chaleur, qui sans relâche quémandait la brûlure d'un réconfort.

A l'aide de l'ecstasy, le blond avait choisi de ne connaître que l'euphorie, le bonheur, la joie. Une forme de contrôle manichéen. C'était si doux, si merveilleux de penser que tout l'amour du monde pouvait être concentré dans une de ces jolies pilules rondes, et qu'il suffisait de se laisser emporter par l'envie d'aimer pour avoir la sensation d'être aimé en retour.

Dans la rue, si Roxas donnait de l'argent, ce n'était au départ que pour ça. Simplement ça. De l'amour. Ça, et pouvoir maintenir à l'intérieur de lui toute cette tristesse qui lui pesait comme un poids mort, quitte à devoir payer la reconstruction de son cœur à l'aide de faux billets.

A l'époque, il aurait fait n'importe quoi pour que quelque chose vienne combler ce vide qui lui donnait l'impression de ne pas exister. La MDMA, c'était son salut. Avec ces cachets, il avait pensé chasser définitivement la solitude qui lui collait à la peau. Seulement, celle-ci ne cessait jamais de grandir et la drogue l'isolait malgré lui dans un ailleurs lointain. Un ailleurs où sa tristesse enflait lentement, toujours plus dévorante, plus avide, vorace comme un petit animal dont on ne peut remplir l'estomac mais qui continue de se gaver au risque de vomir.

Roxas devint ainsi chaque jour de plus en plus effrayé par le monde qui l'entourait. Il sombrait dans l'addiction que lui offrait ce refuge d'un simulacre d'amour jusqu'à ne même plus se rendre compte du gouffre dans lequel il se laissait tomber, certain de n'y trouver que le plaisir et la plénitude de l'ignorance. A son grand désespoir, ses périodes de délires devenaient pourtant chaque jour un peu plus longues tandis que ces cycles de bonheur fondaient comme une peau de chagrin, chaque fois un peu plus courts.

Il essayait de les retenir mais ils glissaient de ses mains, l'abandonnant à la fatigue, aux tremblements, aux vomissements et au trottoir. Il avait recherché, en vain, autre chose qui pourrait lui faire revivre l'électrisant sentiment de bien-être des premiers jours. Quelque chose de plus fort, plus amer sur la langue, qui le laissait planer encore quelques heures avant de disparaître à nouveau, inéluctablement. Cela ne donnait rien et la peine, le creux dans son cœur, était toujours là.

La solitude, le fait de n'avoir ni amis, ni but. Paumé dans cette fente vivante qui l'aspirait dans des eaux troubles, luisant de fausse béatitude.

Jusqu'à ce que quelqu'un le récupère, un jour. Le jour où il était rentré à la MS-13. Il avait alors appris à connaître une autre part de lui, plus disciplinée même si aussi curieuse, plus agile et mesurée, sans dépendance ni isolement. Une part de lui qu'il appréciait sans vraiment se l'avouer, parce qu'il haïssait la silencieuse docilité qu'elle lui imposait.

Roxas, dans sa nouvelle vie, avait rencontré des personnes qui le maintenait vivant autrement qu'à l'état larvaire. Lui, tout d'abord. Puis Xion, puis les autres, et de fil en aiguille il était devenu un peu plus lui-même, capable de se maîtriser pour conserver ce débris d'humanité qui faisait de lui Roxas, le Numéro 13.

Et personne d'autre.

Malgré la foule, les missions, il était quelqu'un. Il existait. Sa vie avait un sens et la tristesse n'avait fait que se rouler en boule au fond de lui, le libérant ainsi de cet insoutenable sentiment de néant. En se posant ses propres contraintes, en acceptant de ne plus chercher le contrôle perpétuel, il avait réussi à toucher du doigt un contrôle permanent de son cœur qui le satisfaisait partiellement.