Chapitre V: Collision

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" Finalement, on ne sait rien sur personne. Parce qu'on est obligé de croire ce qu'on nous dit sur les autres, sur soi-même. Et dans cet univers où l'on peut tout falsifier comment savoir qui on est vraiment ? En quoi une identité qui nous est donnée à notre naissance serait plus légitime qu'une identité que l'on a nous même décidé d'adopter ? Moi je sais: le monde et les gens en général, moi compris, aiment à savoir qu'ils nous contrôlent. Or on ne contrôle pas ce que l'on ne connait pas."

Amalia Yenshy, Mémoires d'une ombre, extrait

     Cinq minutes ne s'étaient pas écoulées depuis qu'ils étaient sortis de cette étrange maison et Gus et Kurai avaient écopé d'une migraine carabinée couplée à un acouphène monstre. Le garçon aux cheveux noirs formula, d'une voix moins forte que d'habitude, que c'était surement l'endroit où ils étaient coincés précédemment qui causait cela. Pourtant Ryuuko ne semblait nullement affectée par le phénomène qui frappait les deux garçons. Surement se sentait-elle bien trop préoccupée par ce qu'il venait de se passer.

     - Alors maintenant tu vas pouvoir nous expliquer avec précision ce qu'il s'est passé parce que personnellement je n'ai pas compris grand chose...

     Le trio était installé dans la chambre de Kurai, assis en tailleur sur des poufs disposés par terre au milieu de la pièce. La décoration était sobre, un peu trop même. Évidemment Ryuuko se serait doutée que son ami n'était pas du genre à accrocher des photos au mur ou à étaler sa vie avec des posters ou des choses du genre - et d'ailleurs elle même n'en faisait pas davantage - mais il n'y avait réellement rien dans cette salle qui la différenciait de la chambre d'ami qu'elle occupait depuis trois jours. La monotonie des murs blancs n'était brisée que par des rideaux noirs opaques, un parquet ancien de bois ciré et des draps gris anthracite. Le reste n'était que verre, métal et plastique aux couleurs plus ou moins claires mais toujours monochrome; que ce soit l'armoire, la table de nuit, la lampe de chevet, le bureau et même les coussins sur lesquels ils s'étaient posés. Cet arrangement contrastait étonnamment avec les boiseries et les antiquités qui occupaient la quasi-totalité de la maison. 

     Si Ryuuko avait eu le temps, tout comme Gus, de détailler la chambre de leur hôte c'est que ce dernier ne semblait pas pressé de parler. Cela faisait bien dix minutes qu'ils étaient arrivés et pourtant malgré l'insistance presque indélicate de son ami, Kurai ne trouvait pas ses mots, ne savait que dire.

      Car Gus, lui, était plus que déterminé à connaître le fin mot de l'histoire. À présent qu'un homme avait fait son apparition au milieu d'un panache de fumée pour leur annoncer qu'ils allaient jouer à une espèce de chasse à l'homme s'était un mètre quatre-vingt deux de curiosité qui forçait Kurai à prendre la parole. Il avait attaché ses cheveux brun un peu trop longs en mini-queue de cheval pour qu'ils ne lui tombent pas dans les yeux et était, pour une fois dans sa vie, assis à peu près correctement dans son fauteuil de fortune. Et il attendait ainsi, ses yeux toujours rivés sur la personne censée éclairer toutes ces interrogations. En face cette même personne n'avait jamais semblée aussi mal à l'aise qu'à cet instant, bien qu'elle essayait de le cacher. Il fallut encore deux minutes pour rassembler ses idées et formuler ce qu'il avez à dire avant de se lancer.

     - Je ne suis pas humain, je viens d'une autre planète.

     C'était, certes, succinct mais cette phrase rassemblait les principaux éléments qui, d'après Kurai, allaient poser problème. S'il arrivait à faire accepter ça aux deux autres alors il n'aurait plus qu'à détailler son histoire. Et il se disait que c'était sûrement la meilleure manière de procéder; les faits d'abord, les explications ensuite.

Les Dragons Jumeaux: Menteurs (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant