Chapitre II: Ryuuko

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     "Tu sais il n'est pas méchant au fond, seulement conditionné par la haine des gens."

Naolia Kirigan, Discussion dans le Pré au Papillons, extrait


R Y U U K O    T S U K I H I M E 

     Rien d'intéressant de son côté. Enfin pour peu qu'il ait cherché. Aucun élève véritablement doué dans sa classe ni aucune Aura double, ce qui était rare. Mais il ne pouvait pas se tromper, d'après lui. Parce que lui il ne doutait pas. Parce qu'il était toujours sûr de ce qu'il faisait, même quand il avait tort. Il ne remettait jamais rien en question, ne discutait jamais les ordres. Il pourrait tuer un innocent et penser pendant toute sa vie qu'il avait raison. La preuve, il l'avait déjà fait. Ce n'était pas pour fausser votre avis c'était juste un constat. Je constatais que l'on avait fait un mouton du lion qu'il devrait être. Je me fichais pas mal de savoir comment.

     - Voilà.

     Nous étions arrivés devant la maison des personnes qui nous hébergeraient. Je savais que dès qu'il sonnerait à la porte il remettrait son masque souriant, tout comme moi, il jouerait le parfait grand frère. 

     Celui qui n'avait pas honte de sa sœur, celui qui ne haïssait pas sa sœur et celui qui n'avait pas peur de sa sœur. Oui, dès qu'il aurait sonné à la porte il jouerait ce genre de rôle. Et moi, je jouerait la réciproque, la petite sœur attachée à son frère qui l'adorait et le chérissait. Je ne détestais pas mon frère, je ne déteste personne en fait, à part l'Homme au manteau noir peut-être...

     Nous traversâmes un jardin plein de buissons ordonnés et d'arbres verts où les floraisons des pommiers et autres fleurs donnaient un peu de couleur en ce début de printemps. Au bout d'une courte allée menant à un petit parking où une voiture stationnait, un chemin de terre remplaça les graviers.Je remarquais déjà un pan du mur d'enceinte effondré au-dessus duquel il me serait facile de sauter pour partir sans passer par le portail.  Au fond du jardin se dégageait une bâtisse en pierre qui avait dû être blanche à une époque. De grandes fenêtres couvraient  les murs et je pouvais apercevoir plusieurs chambres, un salon et d'autres salles du genre à travers les vitres. La porte, de bois massif, était imposante et probablement d'origine vu son état. Une petite cour pavée s'étendait devant la maison et les marches du perron étaient tellement usées que l'on aurait dit une patinoire.

     Iviky sonna à la porte alors que je remettais mon sourire de façade sur mon visage. Je n'étais pas habituée à sourire. Aussi quand je m'étais créée cette identité je m'étais souvenue que pour avoir des échanges verbaux avec les gens il était plus pratique de savoir sourire. Donc Ryuuko souriait tout le temps. Je ne pouvais pas sourire dans une situation précise: trop compliqué et surtout trop révélateur; il aurait fallu, en plus, simuler certains sentiments. Donc Ryuuko souriait tout le temps. Et notamment lorsque la porte s'ouvrit sur une femme bien en chair à l'attitude dégoulinante de gentillesse maladive. 

     Il y eut des milliers de "enchanté(e)", "Bonjour", "Vous avez fait bon voyage ?" et autres banalités dont je ne m'occupais pas jusqu'à l'instant où je reçus un coup de coude non ménagé dans les côtes, mon frère me rappelait à l'ordre. Après quoi je dus saluer poliment la femme et son mari tout en gardant mon sourire(ce qui, en toute sincérité, était sûrement la plus grosse perte de temps de l'univers; et je pesais mes mots). J'aurais été mille fois mieux toute seule. C'était  plus facile lorsque j'étais seule: pas de "bonjour" ni de "bonne nuit" ou de "comment vas-tu ?". Toutes ces formules si inutiles ! A l'échelle c'était comme dire "Il fait froid". Personne ne s'en occupait de saluer les autres. C'était seulement histoire de faire bonne figure, de paraître poli. C'était là le plus important: le paraître. Le faire-semblant, moi, ça m'épuisait. 

Les Dragons Jumeaux: Menteurs (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant