Les Dragons Jumeaux: Menteurs (T1)

Chapitre VIII - Je te crois, moi non plus ! (partie 4)

"Il ne faut pas de tout pour faire un monde, il faut surtout du pire, le meilleur est une option."

Lycruo dek'Lahra, Lettres à l'univers, 7000E, extrait

K U R A I    S U Z U K I

Je n'avais jamais apprécié le vide ou la hauteur. Lorsque j'étais petit me pencher par-dessus mon balcon pour admirer la vue me semblait si impensable qu'il m'avait fallu pas moins de dix ans pour y parvenir. Même si le problème s'était réglé avec le temps, je restais toujours un peu réticent quant aux activités de haute voltige, ce qui posait problème lorsque l'on habitait la capitale de la hauteur. Cependant, malgré une tendance plus qu'alarmante à rester terré à l'intérieur des bâtiments ou sur la terre ferme, je n'avais jamais vraiment pu tester à quel point j'avais peur de tomber. C'était maintenant chose faite. Deux fois. Je m'étonnais encore d'avoir proposé cette idée de se jeter dans le vide et je regrettais amèrement de ne pas avoir écouté Ryuuko.

J'étais à présent aveugle, il ne me restait donc plus que la sensation de chute qui me retournait le cerveau et me tordait l'estomac. Cela me semblait différent de la dernière fois, plus réel, plus effrayant aussi. Je remuais pathétiquement dans l'espoir de me raccrocher à une quelconque paroi ou au moins ralentir ma chute. Ryuuko ne semblait plus se trouver à mes côtés mais dans ma panique je n'arrivais pas à la localiser clairement, ou même à la localiser tout court. En temps normal, il était déjà compliqué de la débusquer ; alors si l'on y ajoutait les contraintes du lieu où nous nous trouvions et mon manque de concentration, j'aurais presque trouvé étrange que je parvienne à ressentir la moindre petite parcelle de son Aura.

La chute s'allongeait encore et encore, sans vouloir se terminer. Ce n'était pas pour me déplaire puisque je savais notre atterrissage prochain quelque peu périlleux, nos chances de survie dépendant du bon vouloir de X, tout comme l'avait fait remarquer ma camarade plus tôt. Ma panique des premiers instants avait laissé place à un sentiment de déconnexion totale de la réalité - ou du moins de ce qui m'entourait - et même si mes organes me remontaient toujours dans la gorge, je ne savais plus vraiment à qui cela donnait des nausées.

Soudain, quelque chose changea. Je ne fus pas immédiatement en mesure d'identifier la nature de cette transformation mais je me sentais encore plus mal, il me semblait que toute la misère du monde venait de s'abattre sur ma tête. Cela ressemblait à une Aura combative mais c'était bien plus puissant, presque différent tant le pouvoir qu'elle avait sur moi paraissait grand et impossible à contrer. Quelques secondes après une pression douloureuse s'exerça sur mes épaules et mon corps se sentit plus léger, alors que paradoxalement mon esprit ne cessait de s'alourdir sous le poids du mal-être.

Puis, enfin, la délivrance. Mes pieds touchèrent le sol, certes sans délicatesse, mais mes os avaient résisté au choc et je trouvais que cela tenait déjà du miracle. Je ne savais pas si je devais être rassuré du fait que X veuille nous garder en vie mais sur le moment, j'en venais presque à le remercier. J'attendis un instant, prêtant l'oreille pour tenter de déceler le moindre bruit qui m'indiquerait la présence de Ryuuko, mais je n'entendis que des grognements de créatures inconnues ainsi que d'autres sons incongrus, lorsqu'on considérait le peu d'êtres vivants présents dans cet espace.

Au bout de quelques secondes, l'étrange Aura gagna en puissance et je me retrouvai à penser, malgré moi, à toutes les affres que la vie m'avait fait souffrir. Il me semblait impossible de me concentrer et je me retrouvais frustré, en colère, mes mains se mettaient même à trembler alors que je ne parvenais pas à identifier la raison de cet énervement. Je brassai l'air autour de moi dans l'espoir d'atteindre cette source de mauvais sentiments qui me mettait dans de tels états. Malheureusement, malgré les bruits qui se rapprochaient et s'éloignaient de manière aléatoire, je ne parvins pas à mettre la main sur la créature qui produisait cette énergie.