Il fait froid. Très froid. Trop froid, pensa t-elle, le nez rougi par la morsure glacé. Elle serra son manteau autour d'elle et courut vers la maison, projetant de la neige partout autour d'elle. L'hiver était sa saison préférée mais ce soir, il faisait vraiment beaucoup trop froid.
Son sac à dos lui battant l'épaule, elle se réfugia dans le grand garage sous-chauffé et tambourina pendant un bon quart d'heure avant que son frère, un sourire narquois plaqué sur le visage, ne se décide enfin à lui ouvrir.
-Crétin, lâcha t-elle, en le bousculant au passage.
Elle fonça directement dans sa chambre et s'enfouit sous sa couette et les autres habitants de son lit. Elle entendait Mathias gémir en bas et les lourds pas de son autre frère qui se dirigeaient vers sa chambre. Elle se recroquevilla, sachant pertinemment ce qui allait suivre. Une seconde plus tard, un poids l'écrasait contre le matelas.
-Espèce d'éléphant ! grogna t-elle d'une voix étouffée.
Seul un éclat de rire lui répondit.
-Mais bouge !!! Tu pèse trois tonnes !!
-T'exagère ! c'est que du muscle !
-Du muscle, mon cul oui ! Si c'est que des muscles, alors moi je suis grande!
Une face ronde et souriante apparue.
- T'es vraiment mon lutin adoré ! , s'exclama Guilhem, les yeux pétillant de malice.
Elle se retourna d'un coup, ce qui fit tomber son frère, qui s'écrasa par terre. Elle en profita pour serrer fort les coins de sa couette, se rouler en saucisson dedans et l'écraser à son tour.
-Oeil pour oeil, dent pour dent !!
- Y'a que la vérité qui blesse, fit une voix étouffée sous elle.
-Et sinon qu'est ce que tu voulais?
-Te dire que c'était l'heure d'aller manger. Tu m'étouffe.
- Ok, dis à maman que j'arrive.
Elle roula sur le côté et libéra son grand frère. Celui-ci pris une longue inspiration avant de s'exclamer:
-Tu pèse lourd pour un lutin !!!
Et il s'enfuit en ricanant avant qu'elle ne puisse lui lancer un nounours à la figure.
La sonnette retentit en bas et elle entendit son père crier "Je vais ouvrir !", puis le bruit de la porte qui s'ouvre en grinçant.
Un coup de feu éclata et fit écho dans un profond silence. Il y eut des cris, un grognement de douleur, puis de nouveau un silence, rapidement brisé par une voix dure, aux intonations étrangères.
-Vous êtes tous là?
Sa mère poussa un cri et elle entendit des bruits de lutte. Une deuxième voix s'éleva:
-Tiens toi tranquille ou je bute ton gosse. Max, vas voir si on est seul.
Des bruits de pas précipités se dirigèrent vers l'escalier. Au moins, il n'allait pas vers sa chambre...
Elle se leva et se dirigea sur la pointe des pieds vers son sac d'où elle sortit son portable. Plus de batterie.
Elle réfléchit. Ils devaient être deux ou trois, elle ne pouvait pas appeler les secours et son père était bléssé. Ou mort. Une vague de panique la submergea. Elle avait du mal à retenir les sanglots et elle avait très peur de faire du bruit.
Il fallait qu'elle fasse quelque chose. Au dessus d'elle, l'homme se déplacait rapidement. Il allait fouiller toute la maison et elle était la seule à pouvoir les sortir de cette situation. D'après ce qu'elle avait entendu, ils étaient devant l'entrée. Elle pouvait donc sortir de sa chambre sans problèmes. Elle chercha quelque chose qui pourrait lui servir d'arme, mais ne trouva qu'une grosse bobine de fil de pêche. Tant pis, ça pourrait toujours servir...
Elle se glissa hors de sa chambre et se dirigea silencieusement vers la cuisine. Là, elle attrapa un petit couteau et prit le rouleau de pâtisserie en bois. Il fallait qu'elle trouve un téléphone et les seuls disponibles étaient à l'étage. L'escalier était à côté de sa chambre, invisible aux malfaiteurs. Elle gravit les marches, alerte. L'homme était dans la chambre de ses parents, apparemment en train de fouiller. Elle y jeta un coup d'oeil. Il était de dos et regardait quelque chose au dessus du lit de ses parents. Il était grand et ressemblait à une armoire à glace. Elle brandit son rouleau pâtissier, se rua vers lui et lui asséna un grand coup sur le crâne. Il resta debout une seconde avant de s'écrouler sur le lit. Elle baissa lentement le rouleau et regarda le corps de l'homme. Elle ne l'avait pas tué... si? Une respiration sifflante lui répondit. Rassurée, elle sortit le petit couteau et le fil de pêche. Elle noua les poignets de l'homme derrière son dos et les attacha avec ses pieds. Voilà! Comme ça il n'irait nul part. Maintenant, le téléphone sur la table de nuit. Elle composa le numéro d'urgences et se cacha sous le lit.
-Allô?
-Monsieur? Je vous appelle depuis chez moi, mon père est bléssé, on lui a tiré dessus.
- Tu as quel âge?
-16 ans. J'ai assomé un des hommes mais je ne sais pas s'ils sont deux ou trois.
-Je te préviens gamine, si c'est une blague, ce n'est pas drôle.
-Non, non, je vous jure que je ne ment pas ! Ils sont devant l'entrée et ils ont probablement un flingue pointé sur la tête de ma famille !
-Écoute moi attentivement. J'ai tracé ton appel. On arrive. Mais si c'est une blague, je te jure que tu vas le regretter.
-Dépéchez vous, je vous en supplie...
Il raccrocha. le silence était pesant. Il ne lui avait même pas dis combien de temps ils prendraient.
Soudain, la première voix retentit à nouveau.
-Max, t'as fini?
Le silence lui répondit.
-Will, vas voir ce que fait cet imbécile.
Ah, ils sont trois alors.
Il fallait absolument qu'elle sorte de sous le lit ou elle était piégée. Elle s'en extirpa fébrilement et chercha vainement une cachette. Celui-là était silencieux, elle ne savait même pas où il était. Un craquement sonore retentit devant la porte de la chambre.
Merci parquet.
En désespoir de cause, elle se jeta derrière le lourd fauteuil à coté de la fenêtre. Une fraction de seconde plus tard, la porte s'ouvrait.
Soudain, elle se rappela, derrière son fauteuil, qu'elle n'ait pas caché le corps.
Grillée...
Elle attendit le cri d'alerte ou une parole mais rien ne vint. Tremblante, elle risqua un coup d'oeil. Le nouveau venu ne ressemblait absolument pas au premier. Il ne devait avoir qu'un ou deux ans de plus qu'elle et était d'une beauté stupéfiante. Iréelle. Il avait les bras croisés sur sa poitrine et regardait le fauteuil d'un air réprobateur. Malgré son jeune âge, il était grand et très musclé.
Il sait.
Peut être qu'il ne l'avait pas vue. Peut être qu'il réfléchissais... Ses yeux glissèrent sur les liens de son complice. Les extrémitées de ses lèvres se retroussèrent légèrement.
-Joli travail.
Il décroisat ses bras et se dirigea vers le fauteuil.
Ça y est. Je suis foutue.
Elle se retourna, ferma le yeux et serra fort son rouleau. Quand elle les rouvrit une seconde plus tard, il était accroupi devant elle, un grand sourire aux lèvres. Elle le fixa, éblouie.
-Tu vas venir avec moi...
Il avait une voix tellement envoûtante... Elle hocha la tête mécaniquement et commença à se relever. Une pensée l'arrêta.
Pourquoi je lui obéi? Ils ont peut être tué mon père. Il est pas net...
Ébahie par son propre geste, elle brandit le rouleau et lui asséna un grand coup sur la tête. Il la regarda un instant, étonné, puis s'éffondra. Sans perdre une seconde, elle l'attacha de la même manière que son complice, se leva et tira le deuxième homme derrière le fauteuil.
Elle se releva, se retourna, et se retrouva nez à nez avec le troisième homme.