Texte : la juive

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Elle marchait dans les rues désertes que les avions avaient bombardées. De la suie fumante était encore visible sur les trottoirs déserts et la neige peinait à effacer toutes les taches écarlates qu'elle avait reçues. Le crépuscule était arrivé, effaçant peu à peu dans la pénombre les corps à terre que personne n'avait retirés. Une cheminée laissait échapper des volutes brumeux rejoignant le ciel aux couleurs pastels. Un oiseau se posa, il avait l'air égaré et fatigué, le plumage ébouriffé et sali par la poussière. Personne ne se montrait. La fillette était seule, arpentant les ruelles.
<<Maman... murmura-t-elle. Maman, où es-tu...>>
Mais sa mère était loin déjà. Elle avait rejoint les nuages aux teintes orangées percés à de multiples endroits par les projectiles. Une pluie. C'était comme de la pluie. Une pluie de bombes annonçant la fin. L'enfant leva les yeux au ciel, frissonnant sous cette neige de poussière. Au loin, un tas fumant. C'étaient des livres. La jeune fille contourna cette montagne de cendres et trembla. Des adultes arrivèrent. Ils étaient trois et l'attrapèrent, lui disant que tout allait bien, qu'elle devait rejoindre ses parents en prenant le train. La petite naïve les suivit docilement, rassurée et apaisée. Dans le train, il y avait beaucoup de monde. La fillette était noyée dans la foule. L'odeur de charogne empestait mais personne ne se plaignait. Elle ne se plaignit pas. La paille humide aux relents peu attirants ne la gênait pas. Ou du moins, elle faisait mine de n'en rien paraître. Au bout de plusieurs heures insupportables, on les fit sortir. Ils étaient entourés de grillages hauts comme trois hommes. La fillette chercha sa maman des yeux. Elle ne vit que du brouillard et des inconnus. Les trois adultes qui l'avaient amenée dans le train les appelèrent.
<<Les enfants ! Venez prendre une douche !>> disaient-ils.
La jeune fille qui avait très froid ouvrit de grands yeux et suivit le petit groupes d'enfants de son âge. L'appel de la chaleur était plus fort que tout. On les conduisit dans une salle de douches étranges. La fillette n'y prêta pas attention. Ce n'est que lorsqu'elle appuya sur le bouton que le gaz s'échappa. Il était trop tard. Autour d'elle, certains s'effondrèrent, d'autres se mirent à frapper contre la porte devenue hermétique, priant et demandant pitié aux adultes. La fillette, elle, resta calme. Elle inspira profondément. Elle avait compris ce qui l'attendait. <<Maman, je te rejoins.>> déclara-t-elle avant de sombrer dans le brouillard. Des volutes de fumée remplissaient la pièce et les plus robustes commençaient à céder. La petite poussa un dernier soupir tout en souriant. Elle souriait à la mort. Grâce à elle, elle allait retrouver sa maman.
Dans cette pièce sombre, une petite mourut, contente et apaisée.
Une étoile jaune brillait sur son pull.

LuneGalaxie23

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