Chapitre 12

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Je me redresse sur le fauteuil du petit salon que je me suis approprié. J'ai laissé Nora accompagner Elia à l'infirmerie après mangé. Elle était à nouveau étrange, comme traumatisée. Je ne vois toujours pas pourquoi d'ailleurs.
J'ai les pieds posés sur mon sac, et je réfléchi au sujet de notre dissertation de philo dont le sujet est :  "dans quels aspects les hommes sont-ils différents es animaux". Suite à nos protestations, la prof à dénié nous laisser trois semaines pour le rendre. Me connaissant, si je ne le commence pas dès maintenant, je risque de devoir m'y mettre la veille au soir. C'est un sujet auquel je pense souvent, mais portant, ce soir, j'ai du mal à coucher mes idées sur papier. J'ai quand même écrit quelques lignes pour introduire ma dissert':
« L'homme, dès son apparition, était sûrement herbivore, ce qui expliquerait l'absence de moyens d'attaque naturel tel que les griffes ou les crocs des prédateurs habituels. La forme de sa mâchoire renforcent cette hypothèse. Il était peut-être voué à l'extinction, car, étant donné la façon dont il avait évolué, il lui était impossible de se défendre contre d'éventuels prédateurs. Il trouva le moyen de remplacer ses caractères physiques manquants par des objets faits par lui même. C'est sûrement à partir de là que son alimentation à changé. Au départ, il ne se servait que de pierres pour tuer ses proies, mais au fur et à mesure de la pratique et de l'évolution, ses outils et ses armes se perfectionnaient. Il est sûrement le seul animal à se servir d'armes, et surtout, c'est le seul à savoir utiliser et créer du feu. L'homme aurait ainsi tiré avantages de ses faiblesses »
"Liz ?"
Je me retourne, et découvre Nora qui m'appelle depuis l'entrée du petit salon.
« Oui, c'est moi, je répond tandis que Nora trottine jusqu'à moi, tout en parlant vite et d'un air embarrassé.
«  Euh, les gars nous demandent si on veut faire un jeu dans leur chambre...
- Un jeu ? Dans leur chambre ? Dis-je en me demandant bien qui pourrait nous demander de venir dans leur chambre, surtout qu'il est bientôt 19h15, et qu'on doit retourner dans nos chambres respectives avant 19h30.
- Oui, un truc genre le jeu de la bouteille...répond-elle sans me regarder dans les yeux.
- Et c'est qui « les gars » ? je demande, de plus en plus intriguée.
- Bah, justement, c'est Luc, Arthur et, Maël. Elle se mord la lèvre en disant ce dernier nom.
- Eh bien ? Pourquoi cette tête ? Ma question a franchie mes lèvres sans que je puisse la retenir, et elle me paraît déjà bête.
- Tu sais bien... Elia, tout ça.
Je culpabilise un peu de l'avoir oubliée, mais je rappelle à Nora qu'Elia est à l'infirmerie, et qu'on est pas obligée de lui raconter qu'on a passé la soirée avec son ex et ses amis.
Elle me fixe soudain avec un regard grave, puis semble hésiter :
- Tu as peut être raison, mais en même temps, il y a de fortes chances qu'elle en entende parler non ?
- Peut être, mais dans ce cas là on lui expliquera.
- Okay. En plus, ce soir on est que toutes les deux sinon. Ça nous fera une excuse, c'est que je ne voulais pas rester seule avec toi.
Je l'imite d'un air sarcastique, me lève et la suit jusqu'à la porte qui mène au dortoir des garçons. Ce dernier est conçu exactement de la même façon que celui des filles.

        La bouteille de get vide posée sur la table basse de la chambre des garçons s'arrête soudain de tourner sur elle-même. Son bouchon pointe Liz comme la main de la raison l'appellerai à sa destinée. Arthur refait tourner la bouteille en verre, et celle-ci ralenti peu à peu, s'arrêtant presque sur Maël, puis terminant sa course en désignant Luc. Les regards vont de Liz à Luc, puis Maël lance :
«  C'est cool Liz, tu vas enfin pouvoir colorier le numéro 152 "embrasser un garçon" dans ton carnet »
Il a les yeux  rieurs, mais les coins de sa bouche forment un rictus étrange.
«  Hilarant. » Je répond.
Les autres l'interroge du regard, mais Maël leur répond d'un geste nonchalant de la main. Ils reportent leur intérêt sur Luc et moi, qui nous tenons toujours côte à côte, mais qui n'avons pas bougé.
Arthur brise le silence : «  Bon, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? »
Les autres renchérissent comme des gamins, en scandant « le bisou, le bisou ! »
Désespéré par le comportement puéril de ses amis, Luc se penche sur moi pour mettre fin à leurs enfantillages. Je frissonne légèrement quand ses lèvres pulpeuses touchent les miennes, plus par timidité que par un réel sentiment. Il les retire presque aussitôt. Aucune expression de perturbe son visage sombre. Nora, Maël et Arthur applaudissent.
« C'était pas si compliqué ! » lance Nora à notre égard.
« Tu verra quand ce sera à ton tour, je réplique en haussant les épaules. Bon allez, donnons sa chance à Nora » je fais en me saisissant de la bouteille, et la faisant tourner sur elle-même. J'ai peut être été un peu trop enthousiaste, et la bouteille ne s'arrête qu'après quelques secondes de course endiablée. Elle désigne une nouvelle fois Luc.
Puis, sous nos grands éclats de rires, elle s'arrête sur Maël.
« Allez, les deux meilleurs amis, à moins qu'il y ait plus que de l'amitié la-dessous ! » s'esclaffe Nora, ses yeux verts étincelants.
« La ferme » rétorque Luc, en souriant tout de même.
« Vous avez de la chance que ça soit tombé maintenant, parce que le prochain tour, c'est la galoche ! »
Arthur pousse Maël vers Luc. Ce dernier place une main devant leur bouche pour les cacher, et on entend un bruit sensé imiter le bruit d'un baiser, mais qui ne trompe personne.
« Triche ! Recommencez, on a rien vu » je dis en les pointant du doigt. Puis j'explose de rire, ne pouvant garder mon sérieux en voyant les deux concernés allongé par terre, les yeux embués de larmes de rire.
Arthur est le premier à reprendre son calme : « Bon allez, on fait comme si on avait rien vu, Maël, refait tourner la bouteille. »
Maël s'exécute, et me lance un sourire malicieux imperceptible par les autres.
Le bouchon s'arrête net en pointant vers Nora, et au deuxième tour vers Arthur. Nora se traîne sur les genoux jusqu'à Arthur, marque une pause, le regarde droit dans les yeux, puis l'embrasse. Elle se recule, et retire ses mains qu'elle avait posés sur les genoux d'Arthur. Elle regagne sa place en me lançant un clin d'œil. Arthur, lui, a l'air embarrassé, plus en tout cas que quand il m'a embrassé. Il s'éclaircit la voix et dit « A qui le tour ? Comme on l'a dit tout à l'heure, les prochains se roulent une  pelle ! »

Je sens que celui-ci  va tomber sur moi. Mon impression se confirme quand la bouteille me désigne. Luc la fait à nouveau tourner. Il me semble qu'elle ne va jamais s'arrêter. Qu'elle va continuer indéfiniment. Comme quand je rêve que je fais une chute interminable dans un trou dont je ne vois pas le fond. Un puits sans fin. Je suis des yeux le goulot jusqu'à en avoir le tournis. Je cligne des yeux, puis les rouvre, et découvre Maël, qui a perdu son sourire et a maintenant l'air un peu gêné. La bouteille est immobile. On se fixe un moment en silence, jusqu'à ce que Nora nous coupe :
«  Il le dégoûte tant que ça ? »
Je la regarde sans comprendre, puis secoue la tête, et en même temps qu'elle, mes pensées envahissantes.
« Pardon, j'étais ailleurs.
On avait remarqué, fait-elle en souriant. T'as oublié ta mission. »
Elle fait un signe de tête en direction de Maël, qui attends, les bras croisés. Je comprends qu'il ne bougera pas. Je me lève, passe derrière Luc, et m 'assois près de Maël.  Au moment où il allait se lancer, Arthur l'interrompt.
« Surtout ne lui mord pas la langue ! »
Nora et Luc explosent de rire à leur tour. Maël recule et semble alors hésiter. Il a l'air d'attendre que je fasse le premier pas. C'est vrai, comme il l'a souligné tout à l'heure, je n'ai jamais embrassé un garçon dans ma vie. À part peut être un petit bisou. Pourtant, à aucun moment je ne l'ai écrit dans mon carnet.
     Cependant, si je l'avait fait, je ne l'aurait sûrement pas colorier pour Arthur. Mais Maël... c'est pas pareil. Je ne supporterais pas de faire du mal à Elia, mais j'avoue que Maël me plaît. Même si je ne pense pas que ça aille au delà de cela. De toutes façons, je ne le connais que depuis deux jours. Si ça se trouve, c'est un psychopathe, peut être même qu'il met son lait avant ses céréales. Ça, ce serait impardonnable. Luc s'éclaircit bruyamment la gorge, en me ramenant à la réalité.
Je suis décidée, prête à me lancer. Ça peut paraître ridicule de flipper à ce point, juste pour embrasser quelqu'un. Mais temps pis. Il n'y a que moi pour entendre mes pensées. Je sens son souffle frais sur mon visage, tandis que je m'approche lentement. Il fait de même. J'ai la sensation qu'il y a des milliers de kilomètres qui séparent nos lèvres les unes des autres, et je suis surprise quand elle se rencontrent enfin. Les siennes sont chaudes, et douces. Sa bouche s'entrouvre légèrement et sa langue caresse la mienne.
J'ai conscience que ce baiser n'est qu'un gage, mais ce qui est sûr, c'est que Maël fait très bien semblant.  Il a l'air tellement vrai. Peut-être aussi que c'est qu'il est habitué. C'est le genre de gars qui change de copine comme de parfum: quand il se lasse de la première. En tout cas, c'est l'image que j'ai de lui, et celle que les filles ont influencé.
Je ferme les yeux, et me prête au jeu. Je savoure le goût de sa bouche. Au bout d'un moment qui m'a semblé un heure, j'ai soudain peur qu'il pense que je ne fais pas semblant.
Je décolle donc mes lèvres des siennes. Je me recule, les joues rosies par de gêne. Je retourne à ma place sans croiser son regard. J'ai peur de ce que je risque d'y voir. On tape brusquement à la porte. Je sursaute. Les garçons cachent frénétiquement les bouteilles posées sur la table de chevet aux endroits où ils peuvent – sous leurs fesses par exemple.
"Qui est là ? Demande Arthur d'une voix forte."
Nous sommes figés sur place.

La fille aux carnetsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant