07:Skipping classes 2/2

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-Éli?

Le son de ma voix eut l'effet d'un réveille chez cette dernière. D'un bond, elle attrapa ma main et me tira vers l'extérieur de la boutique, avant de piquer un sprint.

-Hey! Vous ne pouvez pas partir en laissant le magasin dans cet état, le patron va me tuer! Entendai-je crier. Sûrement la jeune femme qui avait autant troublé Éli.

À une trentaine de mètres de l'entrepôt de sport, je tirai sur la main de mon amie pour l'empêcher de continuer sa course.

-Éli, qu'est-ce qui t'arrive,là?

Elle retourna la tête vers moi et je constatai qu'elle avait les larmes aux yeux. Face à ses lèvres tremblotantes et son visage écarlate, j'ouvris machinalement les bras pour l'inviter à ses blottir contre moi et ainsi, tenter de la consoler.

Elle sanglota quelques minutes contre mon torse, la tête sur mon épaule, puis plongea son regard imbibé d'eau dans le mien.

-Je... Je veux bien t'ex... T'expliquer mais... Sniff!... Promet-moi de ne le dire à personne. Sniff!

J'hochai lentement la tête. Éli s'éloigna de mon T-shirt trempé et entreprit le chemin qui menait à la sortie du centre commercial.

-Hum, on n'attend pas les autres? Interrogeai-je.

-Tu veux que je t'explique ou non? De toute façon, je vais leur envoyer un texto.

Tu m'étonne que je veux que tu m'explique. C'est vrai que la fille foutait légèrement la trouille avec son maquillage bizarre, mais de là à pleurer!

Sortis de l'immense édifice, nous montâmes dans la voiture.

-Démarre et suis les indications que je vais te donner, conseilla (ordonna, plutôt) Éli.

J'obéis.

Après environ une demie heure de route, nous arrivâmes devant un bâtiment laissé à l'abandon. D'après les lettres d'un gris poussiéreux qui ornaient sur le haut mur en briques devant nous, c'était un ancien collège.

-C'était mon école primaire. Et mon collège, murmura péniblement Éli. Une école qui "prouvait que les enfants et les adolescents pouvaient cohabiter ensemble". Le 12 mai d'il y a presque 3 ans, 8 personnes sont mortes par ma faute.

Je ne cillai pas.

Elle détacha sa ceinture de sécurité et sortit du véhicule. Je fis de même.

Nous nous introduisîmes dans le primaire-collège en ruine et commençâmes à marcher dans les couloirs. Les locals où il y avait autrefois des cours étaient dans un piteux état. Des bureaux et des chaises étaient éparpillés partout et quelques murs pouvaient laisser entrevoir la pièce d'à côté. Le carlage des corridors étaient arraché ou extrêmement fragile, les casiers qui jonchaient le sol étaient cabossés ou même tordus. Le plus surprenant était qu'à l'intérieur de ces derniers, des faits personnels d'élèves y était encore rangés.

Nous nous stopâmes dans un endroit où les carreaux du plancher étaient teintés de cramoisi.

Était-ce... Du sang!?

-C'est du sang?

-Le mien.

Éli parlait très bas. Comme si elle craignait que quelqu'un d'autre ne l'entende.

Lentement, elle ouvrit sa veste et souleva le T-Shirt qui était en dessous.

Je n'en crus pas mes yeux.

-C'est une cicatrice que tu as là, n'est-ce pas? Dis-je en pointant la ligne rose pâle et invraisemblablement droite qui lui divisait le ventre de bas en haut.

Elle confirma, les yeux dans le vague.

-La jeune fille du magasin de sport est la sœur du type qui m'a fait ça, avoua-t-elle en désigna la blessure. C'est en partie pour ça qu'elle m'avait reconnu.

-En partie?

Éli baissa les yeux, mais continua:

-Le garçon qui a fait ça était mon petit-ami. La première -et la dernière-  personne dont je suis tombée amoureuse. C'est aussi lui qui a tu...tué les 8 enfants. Ils avaient tous en bas de 12 ans. Ce garçon s'appelait Seb... Sebastian.

Elle s'addossa à un mur et glissa par terre, les mains sur le visages, les larmes coulant à flot. Quant à moi, je déglutis.

-C'est bête. Je m'étais promise de devenir plus forte et de ne plus jamais pleurer, Surtout pour lui, gémit-elle.

Je m'agenouillai pour être approximativement à sa hauteur.

-Je peux te poser une question?

Éli hocha faiblement la tête.

-Tout à l'heure, tu as dis que c'est de ta faute si les enfants sont morts. Mais maintenant,tu me dis que c'est l'autre qui les a assassiné. Comment ça se fait?

- Je l'ai aidé. Je lui ai fournis les armes et un plan B au cas où sa tentative ne fonctionnerait pas. J'ai aussi couvert ses arrières.

Elle lâcha son visage, passa ses bras autour de ses genoux et déposa sa tête sur ceux-ci.

-Si tu savais à quel point je suis rongée par la culpabilité! Il m'avait promis de ne tuer personne. Il m'avait dit que c'était seulement pour créer un peu le foutoir.

-Avec des armes?

-J'étais jeune, naïve et...(elle soupira) surtout très amoureuse. J'avais une confiance absolue en lui, justifia-t-elle.

Un mec normal aurait pris ses jambes à son coup et serait déjà loin. Au lieu de ça, moi, Sam Carter, pris Éli dans mes bras et la berçai doucement pour  atténuer son chagrin. Comme avec un bébé.

Elle me fis également part de ce qui s'était déroulé après sa sortie de l'hôpital. Le fait que ses parents l'ont renié et son emmenagement chez son frère Ethan.

Nous quittâmes l'école main dans la main et avec une seule idée en tête : ne plus jamais y retourner.

********************

Arrivés chez Éli, cette dernière releva ses iris bleues océan en ma direction.

-Sam?

-Oui?

-Je peux t'avouer quelque chose?

-Encore?

Elle fronça les sourcils.

-Vas-y, me repris-je.

-Je...Hum... La première fois qu'on s'est parlé, je t'ai trouvé un peu... Cinglé.

- Cinglé? Tiens, j'aurais parié que c'était plutôt "taré".

Je ne pus m'empêcher de ricaner moi-même à ma blague quelque peu... Médiocre.

-En fait, je crois que je le suis assez. Au revoir, Éli.

-Au revoir, Sam.

Et je partis avec le sentiment que le mot "semblant" qui caractérisait notre amitié venait de s'effacer.

              

                                                  -Sam Carter

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