La résidence Elysée se trouvait à quelques rues seulement de mon nouveau lycée, une situation presque idéale, si l'on pouvait oublier le reste. À la veille de la rentrée scolaire, cela faisait déjà un mois que j'étais installé dans mon nouveau « chez moi ». Heureux d'avoir enfin quitté Caen, et surtout ma mère diabolique, je commençais à me sentir à nouveau moi-même, libéré. Enfin, je pouvais respirer. Ce qui me manquait le plus, c'était de voir les autres étudiants reprendre le chemin de l'école, moi qui n'attendais qu'une chose : que les cours commencent. Les vacances m'étaient apparues interminables. Rester enfermé dans le Nord, tandis que tous mes amis se prélassaient sous le soleil, pesait lourdement sur mon moral.
En Picardie, et plus précisément à Saint-Quentin, il n'y avait pas grand-chose à faire. On avait vite fait le tour de la ville, et mes modestes moyens d'étudiant m'empêchaient de m'offrir une escapade à Paris, pour profiter de ma dernière journée de « captivité ». Il était à peine huit heures et déjà l'ennui s'était installé. Mon studio, trop silencieux sans colocataire, semblait encore plus vide. Lors de mon emménagement, la secrétaire m'avait dit que la chambre juste à côté de la mienne était occupée. Pourtant, après un mois, je n'avais toujours vu personne.
Je laissai échapper un soupir, m'affalant sur mon lit qui semblait trop grand, les yeux fixés sur le plafond jauni par le temps et la solitude. Le silence de la pièce était pesant, et la lumière qui perçait à travers les rideaux fermés n'arrivait pas à dissiper l'ombre de ma lassitude.
— Encore une journée... murmurai-je, presque résigné.
Les heures allaient me paraître infinies. Et même si je l'avais voulu, je n'avais pas la moindre envie de sortir. À dix-huit ans, je n'avais aucune idée de ce que je pouvais faire de mes journées, ce qui était à la fois triste et déroutant. Il faisait beau, chaud même, un ciel bleu parfait qui aurait pu me donner envie de m'évader, de me rendre à la plage de Saint-Quentin pour flâner, exhiber mon joli minois et peut-être faire quelques rencontres féminines. Mais non, mes pensées se tournaient une nouvelle fois vers ma mère et sa passion dévorante pour la magie noire. Elle avait ce talent particulier pour me rappeler qu'elle n'existait que pour pourrir ma vie. Ce matin, à sept heures, un message de sa part m'avait tiré du sommeil, et depuis, mon esprit bouillonnait, incapable de se concentrer sur autre chose.
— « J'espère que mon petit cadeau te plaira », marmonnais-je en fixant l'écran de mon téléphone et en me redressant. Qu'est-ce qu'elle avait encore inventé pour m'emmerder cette fois ?
On ne choisit pas ses parents. Mais j'aurais sans doute mieux fait de partir avec mon père quand j'étais petit. Entre un géniteur lointain, à l'autre bout du monde, et une mère sorcière qui me traitait comme un cobaye, il y avait de quoi devenir fou. Pour mes cinq ans, cette dégénérée avait invité des esprits démoniaques à mon anniversaire, devant des camarades de classe humains, complètement paniqués devant le fantôme d'un ancêtre. Et ça, ce n'était presque rien comparé à son dernier exploit : quelques jours avant mon départ, elle m'avait « offert » un tatouage dans le dos, un symbole mystérieux, celui de notre famille. Depuis, mes pouvoirs, restés dormants jusqu'alors, se manifestaient dès que je fermais les yeux. Une gêne persistante, me rappelant à quel point je détestais ce côté « magique » de moi.
Entendre les fantômes n'était pas si terrible, surtout pour moi, l'illustre descendant de Frédérika Green. Ce qui était plus embêtant, c'était que j'habitais désormais dans une ville chargée d'histoire, où les âmes damnées semblaient errer dans les rues, se plaignant sans fin. Heureusement, je ne pouvais pas encore les voir et évitais ainsi les visions d'horreur qui accompagnaient souvent ces spectres. Ce n'étaient pas de simples esprits inoffensifs. Non, ils prenaient souvent la forme de leur pire cauchemar et cherchaient par tous les moyens à atteindre le paradis. Leur méthode préférée ? Rendre la vie des sorciers un véritable enfer, et je n'avais pas l'intention de laisser ça m'arriver, surtout la veille de la rentrée.
— Quelle magnifique créature que voilà...
Un frisson parcourut mon corps, mes yeux quittant l'écran de mon téléphone pour glisser lentement vers l'encadrement de la porte. Trop absorbé par mes pensées, je n'avais pas remarqué qu'elle était entrouverte. Ni la silhouette qui s'y tenait, accoudée au mur, me fixant d'un sourire étrange. Mon cœur loupa un battement. Un frisson glacé me traversa, me clouant sur place.
Il était plus âgé que moi, d'au moins cinq ans, et son regard était tout sauf amical. Ses traits étaient parfaits, presque irréels, comme si chaque détail de son visage avait été sculpté avec une précision presque démoniaque.
— Ta mère avait raison, dit-il en s'approchant de moi. Tu es sang-mêlé, mais tu as un corps qui ferait tomber le Diable lui-même.
Mes yeux s'écarquillèrent, et je n'eus même pas le temps de réagir avant qu'un cri étranglé ne m'échappe. Une longue paire d'ailes noires émergea de son dos, déployées majestueusement, frappant l'air d'une puissance morbide. Que faisait un ange déchu ici, dans mon appartement ? Et comment connaissait-il ma mère ? Un hoquet m'échappa alors que la créature, tout sourire, attrapait mon menton d'une main froide, ses ongles pointus s'enfonçant légèrement dans ma peau.
Ses iris roses, étrangement hypnotiques, plongèrent dans les miens. Il avait un visage diaboliquement beau, un teint pâle qui contrastait avec ses longs cheveux bruns, et son corps semblait tout droit sorti d'un rêve étrange, trop parfait pour être humain.
— Ne me dites pas que...
Avant que je puisse finir ma phrase, sa langue se déroula, se projetant sur mes lèvres, me forçant à goûter le terrible avant-goût de ce qui allait arriver si je ne réagissais pas rapidement.
— Je suis Caym, murmura-t-il, son corps me pliant en arrière, mes pieds presque décollés du sol. Et toi, Samuel Green, tu es mon nouveau jouet...
Les mots résonnèrent dans mon esprit comme un coup de tonnerre, mon cœur s'arrêtant un instant. Elle avait recommencé, et cette fois, elle était allée trop loin. Ma mère venait de vendre mon âme, non pas au Diable, mais à une créature bien plus démoniaque...
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The Lovely Fallen Angel
Paranormal- Couverture by @sinadana - Romance Fantastique Homosexuel - J'avais tout pour plaire : un joli visage, un physique avantageux et l'intelligence qui allait avec. Malheureusement pour moi, on ne choisit pas ses parents, ou plutôt, sa mère. Enchantere...