Chapitre 11

3.2K 323 43
                                    

Un peu à l'écart, je fixais ma vie étudiante sombrer sous mes yeux, tel un navire englouti par la mer. Autour de moi, les rires et les discussions allaient bon train, les élèves piaffant d'impatience pour ce qui semblait être un événement excitant. Pendant ce temps, moi, je tirais une tête de six pieds de long, me retenant à grand peine d'exploser le nez de Caym, qui me couvait comme une mère poule.


- Je ne pensais pas voir un descendant de Salomon ici, siffla Adélaide, son regard glacial traversant ma silhouette.


Une sorcière. Dans mon lycée. Dans ma classe. À Saint-Quentin, en plus ! Les chances que cela arrive étaient presque nulles. Pourtant, dans ce coin du monde où la magie semblait m'éviter depuis toujours, voilà que le hasard, ou plutôt une malédiction, semblait me suivre de très près. Et il ne me lâchait pas.


- Je ne suis pas un descendant de Salomon, pestais-je, tout en donnant un coup de coude à mon colocataire. Juste une victime collatérale d'une famille de fous...


Les yeux de la magicienne m'examinèrent de haut en bas, scrutant chaque détail de ma tenue comme si elle tentait de percer un secret caché. Puis, elle croisa les bras sur sa poitrine, ses lèvres se tordant en un sourire cruel. Son rire éclata, perçant le silence pesant.


- Tu empestes la magie noire, se moqua-t-elle, un éclat malveillant dans les yeux. Au début, j'ai cru que tu étais un de ces humains hantés par un fantôme. Mais maintenant que je vois ton "compagnon" et ton aura...


Elle s'interrompit un instant, comme si elle savourait le moment. Puis, d'un ton chargé de haine, elle ajouta :


- Je comprends pourquoi Sir Uriel m'a fait venir dans cette école.


Caym, enfin lâché par mes soins, s'avança brusquement, s'interposant entre elle et moi. Son apparence démoniaque éclipsa tout ce qui l'entourait : la chemise déchirée, maculée de sang noirci et de suie, le pantalon en lambeaux, le sabre pendu à sa cuisse gauche, bien trop petit pour sa carrure mais suffisant pour semer la terreur. Quand il se tenait près de moi, il devenait plus imposant, un être tout droit sorti des ténèbres.


- Écoute-moi bien, petite merdeuse, cracha-t-il, en attrapant le menton d'Adélaide, la forçant à le regarder dans les yeux. Tu as deux minutes pour partir, sinon je te tue...


La menace, glaciale, n'eut pas l'effet escompté. D'un geste vif, Adélaide dégaina une lame invisible et trancha les doigts du démon. Un cri de douleur résonna dans l'air, tandis que les phalanges tombées au sol se tordaient avant de se dissiper dans un nuage de fumée rougeâtre, avec une odeur nauséabonde d'œuf pourri.


- Je vais te... gronda Caym, son visage déformé par la rage.

- Me tuer ? Pauvre vieux, tu n'arriveras jamais à me toucher !


Je savais que, normalement, j'aurais laissé Caym se faire démolir par cette sorcière. Mais là, quelque chose n'allait pas. L'air était lourd, électrique, et le ciel au-dessus de nous semblait se plomber, tandis que des murmures fantomatiques me parvenaient comme un voile oppressant, m'étouffant. C'était comme si le monde autour de moi se déformait, vibrant d'une énergie qu'aucun mortel ne devrait ressentir.


- Ils arrivent, hurla une voix dans ma tête, rauque et tremblante.

- Nous devons fuir... vociféra une autre, plus lointaine.

- Fuir qui ? demandais-je, ma voix à peine un murmure.


Je n'entendais presque rien d'autre que ces voix spectrales. Les lèvres d'Adélaide et de Caym bougeaient, mais aucun son ne sortait. Seuls les échos des esprits m'arrivaient aux oreilles :


The Lovely Fallen AngelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant