- Hé p'tit, tu y vas ou non ? interrogea une armoire à glace au chic complet gris.
Les yeux embués de larmes, Grégory leva la tête vers la porte qu'il devrait franchir au cas où il avancerait. Pris de violents tremblements, il mit en pratique son exercice fétiche : inspirer profondément, sentir l'oxygène parcourir ses poumons, fermer les yeux pour visualiser la scène dans ces moindres détails et projeter la voix sans retenue.
- Oui.
Sans répondre davantage à son interlocuteur, le jeune acteur traversa le couloir à grandes enjambées et frappa à la porte.
- Entrez ! lança la voix forte d'Hugo Hankins.
Ses doigts crispés sur la poignée, son fils poussa le battant.
Le bureau dans lequel il pénétra était à la fois sobre et élégant, les murs blancs immaculés et la moquette sombre ne laissant apparaître nulle facette de personnalité. Confortablement installé dans le fauteuil face au large bureau, le père de Grégory jugeait celui-ci du regard tandis que sa femme se tenait à sa gauche. Un immense sourire apparut sur son visage.
- Grégory ! Mais quel bon vent t'amène ? s'écria-t-elle en étreignant son fils dans ses bras.
Susan Haukins demeurait certes réticente envers les opinions de son fils, cependant elle n'en restait pas moins maternelle.
Un peu plus à son aise, Grégory se détacha de sa mère afin de reprendre la parole.
- Je me doute bien que ce n'est pas le bon moment pour vous rendre visite...
- En effet, renchérit Hugo. Nous avons réunion dans peu de temps.
- ...mais il me semblait important de venir vous voir en personne pour vous annoncer quelque chose, se rattrapa Grégory.
Ne faisant aucun effort pour cacher leur surprise, ses parents le dévisagèrent. Sa mère curieuse, son père méfiant
- Nous t'écoutons mon chéri, annonça Susan. Nos collègues mettent toujours du temps à arriver.
- Et bien...
Grégory déglutit, son pouls s'accélérait au fur et à mesure qu'il cherchait son discours. Il l'avait repassé dans sa tête de nombreuses fois, néanmoins le réciter sur l'instant était des plus délicat.
- Ce matin, j'ai reçu une lettre. Une lettre que je pensais ne jamais recevoir et qui habitait dans mes pensées jour et nuit depuis des mois. Pourtant, à mon grand bonheur, elle s'est retrouvée entre mes mains.
Le jeune homme se tut, attendant une réaction, l'ébauche d'un sourire.
- Que disait donc cette lettre ? insista Hugo, toujours aussi blasé.
Indécis, son fils doutait de plus en plus. Il n'était pas prêt à subir la colère de ses parents face à son choix, il faudrait un miracle pour qu'ils sautent de joie à la bonne nouvelle.
En revanche, il était prêt à commencer cette vie qu'il espérait tant obtenir depuis qu'il était monté sur scène. Il allait devoir affronter sa famille, mais c'était le prix à payer pour réaliser son rêve.
Alors Grégory entrouvrit la bouche et s'apprêta à dire ce qu'il ressentait au plus profond de son cœur.
Sauf qu'aucune réplique ne se fit entendre.
Parce que plus jamais un seul mot ne franchirait ses lèvres.
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Quand tout s'écroule...
Krótkie OpowiadaniaUne lettre, ce n'est pas grand chose dirait-on. Un texte impersonnel rédigé à la plume ou à l'ordinateur, écrit sans état d'âme, parfois émouvant, troublant, voire même irritant, mais jamais entrevu comme la porte du destin. Et pourtant, ce fut en...