Âmes jumelles

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Le monde qui s'offrit à Fréalia sentait la mort. De puissantes vapeurs nauséabondes émergeaient du sol, comme pour faire comprendre que tout espoir avait quitté ces ruines. Si Atraon regardait ce spectacle avec lassitude et détachement, Fréalia, elle fut circonspecte de voir autant d'atrocités, de tombes, de créatures hostiles et d'arbres morts protégeant les restes de ce qui semblait être toute une civilisation. Les pierres sur lesquelles ils marchaient étaient pointues, le chemin était dévasté, les ennemis nombreux et embusqués. Au-dessus de ce qui fut autrefois le monde, ils progressaient sur un sentier de désolation. Lorsqu'un moment de répit s'offrit à eux, Fréalia tenta d'en savoir plus sur le jeune homme.
- Alors...? C'était quoi ces veines bleues sur ton corps lorsque tu t'es écroulé dans le sanctuaire? D'où ça sort?
Après s'être débarrassé de quelques ennemis pas très dangereux, le jeune homme regarda devant lui d'un air grave.
- À vrai dire, je n'en sais rien moi-même. Lorsque le monde a décliné, une Âme Sombre a tué mon père. Je me suis alors mis à parcourir le monde, j'ai appris ses règles et j'ai juste survécu. Et quand j'étais aux portes de la mort, j'ai toujours senti une force s'immiscer en moi, puissante, chaleureuse, inexplicable... elle me donnait le courage d'avancer et de m'opposer à la Corruption. Comme si la Mort elle-même me refusait et voulait que j'accomplisse quelque chose. Et vous?
- Tu sais presque tout de moi. Jamais je n'ai pensé à me rebeller contre tout ce qui se passait hors du sanctuaire. J'étais au courant,  bien sûr, mais qu'est-ce qu'une femme comme moi pouvait bien y faire? Je n'ai ni magie surpuissante, ni grande habileté au combat. Je sais juste me défendre car les rares chevaliers qui arrivaient jusqu'au sanctuaire m'enseignaient des choses.
Atraon soupira en levant les yeux et pointa un immense humanoïde enveloppé dans une grosse armure.
- Ici, il ne suffit pas de se défendre. Il faut survivre. C'est la seule règle qui compte.
- Tu penses que des gens pourront endiguer ce fléau?
Il acquiesça et acheva un ennemi au sol qui jouait au mort et commençait à attraper la cheville de Fréalia.
- J'ai entendu parler d'un roi tellement puissant que personne ne pouvait le vaincre en duel. Ce roi se nomme Ornstein. Si quelqu'un arrivait à le trouver, ça nous procurerait un avantage.
Un cri glaçant retenti alors qu'ils avançaient sous un couvert suspendu au-dessus d'eux par des piliers. Atraon fixa l'horizon d'un air morne et invita sa nouvelle protégée à sortir son arme.
- Qu'est-ce? demanda-t-elle?
- Des harpies. Des femmes abandonnées des Hommes qui ont décidé de croire à une nouvelle humanité. Elles pensent qu'en prenant l'âme de ceux qui ne sont pas corrompus, elles seront libérées de leur tourment.
De grands oiseaux humanoïdes se dirigèrent droit sur eux à une vitesse plutôt impressionnante. D'une couleur grisâtre, leur visage fit frissonner la jeune femme: tordu par le tourment, leurs yeux étaient dépourvus de globes oculaires et leurs orifices remplis de ténèbres à l'état pur. L'une fondit sur Atraon, le saisit et le souleva sans problème, malgré sa lourde armure. Elle l'envoya percuter de plein fouet le mur derrière. Fréalia, plus préoccupée par le sort du malheureux que par le combat, ne vit pas les serres se refermer sur elle et transpercer son armure pour déchirer sa peau. Elle hurla de douleur, suspendue dans les airs. Mais alors que l'immonde créature prévoyait de la lancer dans le vide, une lame vint se placer entre ses épaules et expulser son coeur hors de sa poitrine. Si Fréalia réussit in extremis à se rattraper au rebord, la créature comme l'arme sombrèrent dans l'oubli. Seulement, deux autres créatures décrivirent des cercles dans le ciel, menaçant de tuer la femme. Atraon sortit de son perchoir artificiel et glissa sur le sol pour l'aider, attrapant ses mains. Il tira de toutes ses forces, mais les deux harpies restantes agrippèrent les jambes de la blonde dans le but de la faire chuter. La lutte dura ainsi un instant, la jeune femme hurlant que son corps soit ainsi étiré. Mais des veines semblables à celles qu'elle avait vues sur Atraon un peu plus tôt apparurent sur ses mains et il réussit à remonter le trio. Fréalia se redressa immédiatement et les décapita d'un seul coup. Exténué, le jeune homme posa son dos contre le mur et haleta alors que ses yeux viraient progressivement du rouge sombre au vert naturel.
- Tu m'as sauvée? Pourquoi? Tu ne me connais que depuis peu.
- Vous avez promis de m'accompagner pour tuer les Âmes sombres. Désormais, nous sommes liés, par un pacte et par les âmes.
Il empoigna virilement le bras de son compagnon d'armes et la considéra avec beaucoup de bienveillance et de respect.
- Dans mon sanctuaire, de tels mots ne sont jamais adressés à une femme.
- De là où je viens, homme ou femme importe peu. Ce qui compte, c'est le respect des valeurs, la bravoure et l'acier. Tout cela parle bien mieux que le genre.
- Tes mots sont réconfortants et emplis de sagesse. Peut-être que ce monde possède un espoir, finalement.
Atraon sourit et ils reprirent la route en affrontant les dangers ensemble, comme de véritables frères d'armes, commençant à nouer une véritable amitié et une confiance entre les deux protagonistes. "C'est dans l'union que l'espoir se solidifie", pensa Fréalia.

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