Chapitre quatre: Inde

56 17 2
                                    

13 Mars, 10h12:

Je me réveille à ses côtés, comme tous les jours depuis notre escale à Istanbul.
Aksel ronfle à côté de moi.
J'aurais aimé le connaître plus tôt.
Son visage endormi est la seule chose qui me restera après ma mort.
Car oui, aujourd'hui est mon dernier jour sur cette misérable planète.
Je le sais.
Mon état s'est détérioré depuis quelques semaines. Je lui ai tout caché, les vomissements, la fièvre, la douleur, mon corps devenu squelettique...
Mais je ne pourrais plus le lui cacher très longtemps.
C'est notre dernier jour.
Alors je vivrais et vivrais, jusqu'à ce que la mort nous sépare.

***

13 Mars, 11h24:

Le petit déjeuner à encore viré à la bataille de nourriture.
Et il a rit. Et bon dieu, quand il rit, c'est comme si tout les sons alentours se taisaient pour devenir les orateurs de ce doux son, admiratifs qu'une si belle mélodie puisse exister.
Et je crois que son rire tonitruant emplira mon esprit pour l'éternité.

Je vais le lui dire.
Ce mot qui signifie tellement pour lui.
Mais qui ne signifiera plus rien pour moi demain.

Je voulais absolument voir la fête des couleurs en Inde. C'est à New Delhi que nous avons fait escale, et je suis heureuse de partager mes derniers moments avec cet homme qui, il y a trois mois, m'était encore étranger.

Tout a changé. Comme si ce n'était plus moi et mon ancienne vie, mais une nouvelle personne, avide de vivre, et heureuse d'être encore là.

Ce sont mes derniers mots dans ce petit journal.
À celui qui a pris le temps de le lire, ne soit pas triste de mon départ.

Nous nous retrouverons un jour.

                                              Anna

C'est ce que tu as écrit dans ton carnet, à la dernière page. Comme si tu avais tout planifié depuis le début.
Comme si tu savais exactement ce qui allait se passer. Tu le savais d'ailleurs, j'en suis sûr.

Je me souviens de ce moment où tu m'as dit ce que j'espérais entendre depuis le début de ces trois merveilleux mois.

«-Aksel....

- Chuuut... Garde tes forces, on arrive bientôt à l'hôpital. »

Un petit rire à répondu à mes inquiétudes.

«Aksel... Je vais mourir... Alors je dois... Je dois te dire quelque chose avant... »

C'est à ce moment que tes poumons ont commencé à lâcher.
Tu toussais à travers tes paroles.

« Aksel... Je t'aime... Depuis la.... Première fois que je t'ai vu... J'ai su... J'ai su que c'était... Toi.... »

Ta respiration s'était ralentie.
Tu répétas encore une fois un dernier « Je t'aime », puis tu arrêtas définitivement de respirer.

Tu es morte dans cette ambulance, trois mois après notre rencontre.

C'est un agent de police qui m'a donné ton carnet.
J'ai d'abord refusé de l'ouvrir, les souvenirs de toi encore bien trop récent, bien trop douloureux.

Alors, je suis rentré chez moi. Et j'ai essayé de retrouver toute ta famille, pour leur annoncer ta mort.
J'ai cherché ton nom partout sur internet. J'ai passé des appels, épluché des annuaires.
Puis, après des mois et des mois de recherches, je me suis finalement retrouvé devant un petit pavillon en bord de mer.

Ta mère a pleuré lorsqu'elle a apprit la nouvelle. Elle m'a expliqué que ton père était mort depuis des années, et que vous étiez en conflit depuis.
Qu'elle n'avait jamais pu te dire à quel point tu lui manquais.

Je suis rentré chez moi.
Et j'ai ouvert ton carnet.
Je l'ai lu.
Je l'ai relu.
J'ai pleuré aussi.
J'ai tapé dans les murs.
J'ai hurlé de douleur.
J'ai ris.
Toute notre aventure s'étalait sur ces quelques centaines de pages. Tu y recensait tout ce que l'on avait fait, ce que l'on avait vu, toute tes impressions.

Je crois que je n'avais jamais vraiment compris à quel point l'amour pouvait être douloureux. Jusqu'au moment où j'ai compris que nous ne serions plus jamais réunis.
Jusqu'au moment où j'ai compris que tu étais partie.

Pour toujours.

Un souffle de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant