Yuuri Katsuki

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Vérifiant l'heure sur mon téléphone, je compris qu'il était maintenant de mon devoir, puisque je ne m'étais pas évanoui, de retrouver ma moitié. Instinctivement, je me retournai vers Phichit. Il somnolait, sa tête accotée contre le mur. Je m'en voulais d'avoir à le laisser seul. Un peu plus loin, je vit Emil Nekolas, le patineur tchèque, si ma mémoire était bonne, lui aussi endormi. Du haut de son mètre quatre-vingt trois, il fut difficile à porter, mais je parvint tour de même à le tirer jusqu'au banc le plus près. Je plaçai Phichit à ses côtés. Je jetai un dernier regard à mes camarades, puis couru dans ce labyrinthe qu'était l'aréna sans jamais m'arrêter.

Je trouvai vite la sortie de l'édifice. Mon cœur battait à toute vitesse. Une goute de sueur perlait déjà sur mon front. Je devais aller vers l'est, puis vers le nord. Comment pouvais-je seulement savoir tout ça? Toutes les cellules de mon corps me criaient de me ruer vers là-bas, sans avoir idée de ce que j'y trouverais. Malgré mes entraînements avec Victor, je n'étais pas très rapide. Le peu de rationalité me restant me fit d'abord observer les alentours. Des personnes étaient évanouies ça et là, bloquant parfois le passage. Les plus âgés se chargeaient de mettre les gens dans le coma en lieu sûr. L'une des lois les plus importantes pour notre société devait maintenant être appliquée; toujours donner priorité aux jeunes âmes perdues.
Cela impliquait le fait de les emmener là où ils devaient aller, même si un billet d'avion devait être cédé.

J'aidai de mon mieux à dégager la route. L'envie de partir était de plus en plus grande. J'étais tout de même déterminé à rester.

Un homme, qui devait avoir une quarantaine d'années à en juger son crâne dégarni, s'avança vers moi. D'une voix suave, il me proposa:

-Tu es à la recherche de ton âme sœur, hein? Si tu veux, je peux te conduire là où tu dois aller. Mon auto est tout près.

Je remerciai l'individu et embarquai dans sa voiture. Ne sachant pas le nom de ma destination, je lui disais simplement, au fur et à mesure, de quel côté tourner. Son anglais était hésitant, bien que cela soit le cadet de mes soucis. En moins de dix minutes, nous arrivâmes devant un bar. Je criai, plus fort que je ne l'avais jamais fait:

-STOP!

Je sentais mon ventre se tordre d'anxiété. Mes mains tremblaient suffisamment pour m'empêcher d'ouvrir la porte de la voiture. Une fois sorti du véhicule, je me précipitai à l'intérieur du bar. La faiblesse que je ressentais ne pouvait vouloir dire qu'une chose; ma moitié étais aussi ici. Je comprenais maintenant ce que mes parents avaient tenté de m'expliquer. Sans même s'en rendre compte, on était lié à notre âme sœur.

Le temps semblait passer au ralenti. Ma vision se troublait. Une goutte de sueur perlait sur mon front. L'anxiété me rejoignit de nouveau. Pourquoi rejoindre notre destiné devait être si ardu? Ma main droite crispée au comptoir me permettant d'avoir un certain équilibre, je fixai un à un les différentes personnes présentes. Puisqu'il était coutume de ne pas déplacer les jeunes dans le coma, sauf s'ils étaient en danger, certains étaient allongés sur le sol et d'autres avaient renversé leur verre. Une main ferme agrippa mon épaule.

-Yuuri! Je te cherchais!

Me retournant, je reconnu vite les cheveux couleur blé de Christophe Giacometti. Avait-il déjà retrouvé son âme sœur? Je me demandais bien de qui s'agissait-il. Il attrapa mon poignet et me tira en direction du fond du bar. Je peinai à le suivre. Il me tirait à une vitesse si grande qu'elle m'empêchait même de courir, mes pieds ne pouvant que trainer au sol. Chris dégageait une forte odeur d'alcool. Il était visiblement soûl. Je le priai d'arrêter. Il ralentit quelque peu sa cadence.

-Viktor est là-bas!

Lui jetant un bref regard, je ne put m'empêcher de le questionner:

-Tu as trouvé ton âme sœur?

-Non.

Sa réponse n'avait été qu'un faible murmure. Je l'encourageai à continuer ses recherches, mais il répondit:

-À quoi bon? Je ne crois pas avoir d'âme sœur de toute façon. Au moins, avant de mourir, j'aurai pu sauver Vik'.

La mention de Viktor me ramena à la réalité. Viktor. Je devais le retrouver. Mes forces étant sur le point de m'abandonner, je fis un dernier effort pour continuer à avancer. La chevelure platine de mon petit ami, que je venais de retrouver, n'était plus très loin. Je souris faiblement. Viktor avait l'air paisiblement endormi, recroquevillé sur lui même pour ne prendre que la moitié du banc. Je plaçai sa main dans la mienne. Les couleurs autrefois fades revinrent soudainement, vives et belles. Je me sentais moi aussi revenir à la vie, en quelque sorte. Mes forces étaient revenues. Ma mains brûlait, mais la chaleur semblait agréable et sans douleur. Des lignes bleus et vertes s'entrecroisaient pour former une marque splendide, qui me rappelait la mer.

Un éternuement retentit près de moi. Viktor, encore à moitié endormi, s'écria:

-Yuuri!

Il se jeta littéralement sur moi, ses bras enroulés autour de mes épaules. Mes mains se placèrent d'elles même dans son dos. De larges sourires éclairaient nos deux visages. L'étreinte dura près de cinq minutes. Alors que nous nous séparions, Chris nous dit:

-Bye! Moi, je vais profiter de mes deux derniers jours de vie.

-Tu ne vas pas chercher ton âme-sœur?

-Bof. C'est inutile.

-Écoute, Chris, tu as l'air fatigué. Vas dormir quelques heures à l'hôtel et demain matin, on en reparlera, ok?

Viktor avait mis de l'emphase sur le mot dormir. On aurait presque dit qu'il parlait à son petit frère, même si les deux étaient enfants uniques. Leur relation me faisait penser à celle que j'avais avec Phichit. Christophe sourit et répondit:

-D'accord. À demain! Et vous aussi, essayez de dormir un peu.

Il ricana et repartit.

Lost Souls (soulmates au/Yuri!!! On Ice)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant