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   PARTIE I: LE RÉVEIL

Asah se réveilla en sursaut. Le rêve qu'elle faisait chaque nuit, depuis plusieurs jours, avait empiré. C'était devenu un cauchemar. Elle avait vu sa mort. Elle avala sa salive et passa sa main sur son visage pour retirer toute la sueur qui dégoulinait. Elle prit une profonde inspiration et se leva. Rien n'était réel, souffla-t-elle. D'autant plus qu'il se déroulait dans une autre époque, un autre temps, là où régnaient les anges et les démons. Peut-être avait-elle passé trop de son temps ce week-end à regarder les séries de Supernatural et Fallen. Les histoires d'anges, de démons et de vampires, elle adorait ça.

On frappa à sa porte.

- Mademoiselle, c'est l'heure de se réveiller.

- Merci Ève. Je suis déjà sur pied. Sais-tu quand rentres mon père ?

- Je ne sais pas, il n'a toujours pas appelé.

Asah se rendit dans sa salle de bains d'un pas lent. Ève était sa gouvernante. Elle vivait seule avec celle-ci dans un appartement de luxe, à Londres, qui donnait sur une vue exceptionnelle de la Tamise. Son père était un grand homme d'affaires et voyageait souvent entre Londres, Paris et New-York. Elle le voyait rarement. D'ailleurs, depuis quant remontait leur dernière discussion. Un mois ? Un an ? Elle n'en avait aucune idée. Mais tout avait changé depuis ce jour tragique.

Asah avait six ans à l'époque, elle avait insisté pour que sa mère l'emmène au marché de Noël. La petite famille avait prévu de s'y rendre, tous ensemble, le lendemain, car son père était en voyage ce jour-là. Mais Asah était tellement impatiente de rencontrer le Père Noël qu'elle avait pleuré à chaudes larmes, jusqu'à ce que sa mère abdique. Elle se souvenait, comme si c'était hier, des lumières qui brillaient de mille feux, des chansons qui résonnaient dans toutes les rues, de la foule, de la queue immense pour rencontrer le roi des festivités et de cet homme.

Il tenait un bébé enroulé d'une couverture de laine dans ses bras. Asah l'avait tout de suite trouvé bizarre. Il était en nage et ne semblait pas heureux en ces jours festifs. Il n'arrêtait pas de faire des allées et retours, secouant le bébé, comme si quelque chose le contrariait. Puis, il s'était approché du stand du Père Noël, ses yeux devenaient de plus en plus rouge comme s'il retenait ses larmes. Ce qui l'intriguait. Elle ne pouvait détacher son regard du sien. Et brusquement, elle vit une lumière époustouflante puis une chaleur suffocante l'asphyxia. Ce n'était pas un bébé qu'il tenait dans ses bras...

Quand elle reprit connaissance, elle était seule dans un lit d'hôpital.

Une centaine de personnes furent grièvement blessées, une cinquantaine avait trouvé la mort, dont de nombreux enfants, et Asah était une rescapée « miracle », comme l'avaient dit les journalistes. On l'avait retrouvée sous une pile de corps et elle respirait encore. Quant à sa mère, on ne l'avait même pas pu identifier. Elle était redevenue poussière.

Depuis sa sortie de l'hôpital, son père lui avait rarement adressé la parole. Après tout, elle comprenait. Sans ses caprices, sa mère aurait toujours été vivante.

Asah s'aspergea le visage d'eau. La douleur de la mort de sa mère était toujours présente, elle agressait son esprit, lui rongeait son cœur, car indirectement, elle l'avait tuée.

« Tu es une abomination! ».

Son cœur bondit. Chaque fois qu'elle pensait à la mort de sa mère, ces mots raisonnèrent dans sa tête, comme un coup de massue. Quelqu'un lui avait lancé cela à la figure le jour de l'enterrement. Qui ? Elle ne le savait plus. Mais cela lui avait fait prendre conscience qu'elle était la responsable.

Asah avait tout gardé pour elle et dans ses moments de remords, elle avait songé à s'ouvrir les veines avec un couteau une fois. Manque de peau, Ève était apparue dans la salle de bains avant qu'elle ne passe à l'action. Elle lui avait alors dit que ce n'était pas de sa faute mais celui de cet homme, ce terroriste.

Elle avait fini par s'en convaincre, mais parfois, la douleur se réveillait et le mot « abomination » ne cessait de tourner en boucle dans ses pensées.

Asah entra dans la voiture, il était temps d'aller au lycée. Comme d'habitude, Ève s'arrêta trois avenues plus loin pour récupérer Abby, son amie d'enfance. Sans elle, Asah serait devenue folle. Abby savait trouver les mots justes pour la réconforter et c'était tout son contraire. Si Asah était mince et brune, Abby était plutôt ronde et blonde. C'était une fille d'une extravagance sans limite. Elle se moquait de toutes les critiques qu'ont lui faisait et les changeait d'ailleurs en blague. Des blagues avec lesquelles elle avait fait des mini-sketches et posté sur youtube ce qui la rendait très populaire.

- Coucou, ma puce ! s'écria Abby en entrant dans la voiture.

- Bonjour, Abby.

- Alors ! Prête pour le grand jour !

- Le grand jour ?

- Asah, ne me dit pas que tu n'as pas pris tes affaires !

Asah se mordit les lèvres. Ses affaires en effet, toute sa classe se rendait en Écosse pour un voyage scolaire d'une semaine. Contrairement à son amie, ce voyage ne l'enchantait pas.

- Comme toi, j'ai mis mon sac dans le coffre.

- Tu devrais te réjouir un peu plus. Nous allons rester une semaine hors de l'établissement et je pourrais voir des roux !

Asah gloussa. Son amie adorait les garçons roux. Bien qu'il y en ait dans le bahut, Abby était plutôt attirée par les Écossais.

- Tu as apporté une robe de soirée ? Il y aura un bal et j'espère pouvoir danser avec l'hôte des lieux.

- Tu crois que l'hôte des lieux sera jeune, beau et roux, rit Asah.

- Laisse-moi rêver ma puce.

Ève fit démarrer la voiture et quelques minutes plus tard, les jeunes filles étaient devant leur lycée, prenant leur bagage et se rendant dans la cour.

- N'oublie pas de me téléphoner, cria Ève.

Asah acquiesça, après tout, elle était sa seconde mère. Du haut de ses quarante ans, Ève était une femme divorcée. Son mari l'avait quitté pour une autre et quand la famille d'Asah lui avait proposé un boulot à plein temps comme gouvernante, elle n'avait pas pu refuser. C'était une aubaine. Un nouveau départ pour elle. N'ayant pas d'enfant, elle considérait Asah comme sa propre fille.

La cloche sonna mais seul les trois classes de onzième année restèrent dans la cour comme leur avaient ordonné leurs enseignants.

Madame Burke, la principale ne tarda pas à arriver avec les professeurs pour leur expliquer le bon déroulement de leur voyage et comme d'habitude, Mike Rohkeus, celui qu'Abby avait surnommé le Maladroit, arriva en retard et trouva le moyen de tomber avec sa valise. Depuis le collège, ce garçon avait toujours été très malhabile, comme si un sort le poursuivait.

Il s'excusa et alla se mettre en rang. Il était dans la seconde classe et le major de l'école. Toujours seul, il ne se mélangeait pas avec les autres et passait son temps fourré dans les livres. Asah se demandait s'il n'allait pas avoir le cerveau ramolli avant même d'avoir pris de l'âge.

- Bien, nous allons vous distribuer vos badges et vous vous dirigerez en silence vers les autobus.

Les heures suivantes, les élèves se trouvaient dans l'avion.

Le voyage dura deux heures. Une fois arrivés à Edimbourg, des autobus les conduire au château de Steenhive, dit le Château de Granite, leur hôtel pour la semaine.

Lorsqu'Asah descendit du bus, elle contempla le château et ses alentours, son cœur palpita. Un frisson de terreur parcourut son corps, une boule se forma au creux de sa gorge.

L'environnement ressemblait comme deux gouttes à celui de son cauchemar. Et sur la plus haute tour du château, elle crut apercevoir, en deux battements de paupières, un ange aux ailes noires lui sourire d'un air menaçant.


L'ange des Ténèbres - T1 (sous contrat/ Edité )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant