Nature humaine

163 21 17
                                    


[ Nouvelle écrite à la base pour un concours auquel j'ai fini troisième... J'étais en 4e donc ce n'est pas parfait mais bonne lecture quand même ! ]

Il embrassa sa femme et ses enfants, comme à son habitude. Il prit le chien et s'en alla pour sa promenade quotidienne. A l'extérieur, une brise légère caressait son visage et la température était des plus agréables.

Il fut bientôt l'heure de rentrer, et alors qu'il s'apprêtait à prendre le chemin du retour, un arbre, au loin, attira son attention. Peut-être était-ce à cause de son étrange silhouette, ou de son épais feuillage. Non, il n'en savait rien, il avançait vers cet arbre, comme possédé, hypnotisé par ce grand chêne, si imposant dans l'immensité de la forêt. Au fur et à mesure de sa progression, le chien commençait à grogner et tirer sur sa laisse pour reculer. L'homme tenta de le faire avancer, mais la bête résistait toujours. Il la lâcha. Sa seule préoccupation était d'avancer. Vers l'arbre.

Lorsqu'il ne se trouva plus qu'à quelques pas de l'être, des nuages noirs vinrent couvrir la nuit, le tonnerre se mit à gronder, des éclairs déchirèrent le ciel, le vent se déchaîna, une violente pluie s'abattit sur la terre, tandis que résonnaient les cris tridents des corbeaux. Pourtant l'homme n'en avait que faire. Il se tenait droit face à l'arbre, tel un soldat devant son supérieur, et attendait. La voix de la raison lui hurlait de s'enfuir, mais il ne l'écouta pas ; quelque chose dans cet endroit lui faisait penser qu'il s'agissait là de son destin.

Il commençait à grelotter car l'eau ruisselait le long de son corps et le vent s'infiltrait dans ses vêtements. Il observa attentivement l'arbre. Des crocs terrifiants qui semblaient vouloir le dévorer jaillissaient d'un trou béant, et deux grosses branches s'élevaient vers le ciel, tel deux bras menaçants, prêts à s'abattre sur leur proie. Au milieu du vacarme, il entendit un sifflement inquiétant, puis une voix. Mais d'où venait-elle ?

« Comment as-tu osé t'aventurer jusque ici ? »

Les éléments se déchaînaient toujours plus. Il fut projeté par terre, et un rire moqueur se fit entendre, mais il ne perdit pas son sang-froid. Il se releva et cria :

-C'est vous qui m'avez appelé, je le sais ! Qu'attendez-vous de moi ?

« Je dois te confier une mission de la plus haute importance. Si tu refuses, ta famille en paiera le prix... »

Des cris terrorisés lui remplirent soudain les oreilles.

Papa, ne nous fais pas ça. Cesse de nous faire souffrir. Je t'en prie.

Il ne savait si ces lamentations avaient été créées par la chose, ou si c'était vraiment eux qui le suppliaient. Cependant, il savait que si elles n'étaient pas réelles à l'instant présent, elles le deviendraient par sa faute.

-Arrêtez ! Je ferais tout ce que vous voudrez, mais je vous en supplie, laissez-les tranquilles...

Les cris cessèrent. La voix émit un ricanement satisfait. Une immense hache apparut alors dans les branches de l'arbre, pourvu à présent de ce qui ressemblait à des griffes. Pris de peur, l'homme écarquilla les yeux et recula. Les feuilles du chêne frémirent.

« Ta mission est la suivante : éliminer les humains. »

C'était forcément un cauchemar, tout cela n'avait aucun sens.

« Si tu faillis à ta tache, cette arme deviendra ta propre meurtrière. »

Pour toute réponse, l'homme fut pris de tremblements incontrôlables.

« Je vais te donner une faux, elle te conduira à tes victimes. Si tu tardes à leur enlever la vie, elles mourront dans d'atroces souffrances. »

La voix marqua une pause.

« Va ! Tu as une mission à accomplir. »

Il fut pris dans un tourbillon et projeté sur le sentier. Le chêne auquel il avait fait face avait disparu et il se demanda s'il n'avait pas imaginé toute la scène. La réalité le rattrapa quand il posa les yeux sur ses mains: c'était comme si la peau de ses membres avait été arrachée, il ne restait plus que les os. L'angoisse lui noua la gorge. Il les leva vers son visage, désespéré, et quand il se couvrit les yeux pour ne plus voir ces horreurs, le squelette de ses mains rencontra deux trous béants à la place de ses globes oculaires. Il était mort, réduit à l'état d'ossements. Il voulut hurler cette infamie au monde entier, mais un son venu d'outre-tombe qu'il ne reconnut pas franchit ses lèvres. Ou, ce qu'il en restait.

Il se releva lentement, un long manteau tombant le long de son corps, une capuche couvrant ce qui était autrefois son visage. Une faux gisait à ses pieds. Il hésita à la prendre. C'est alors qu'il se souvint des cris de sa famille. Il ramassa l'arme, qui se mit à vibrer, pour ne faire plus qu'un avec son maître. Ce dernier ressentit un étrange sentiment, qui prit peu à peu possession de lui. Il voulait tuer. Il se laissa guider par sa nouvelle compagne.

Il arriva devant une grande maison à l'orée d'une forêt. Il y entra et découvrit une famille. Tous pleuraient. Un enfant regardait dans sa direction, mais ne pouvait le voir. Il monta à l'étage. Dans l'une des chambres, un vieillard toussait et respirait difficilement. Il se tourna vers l'intrus et gémit un faible « non ». Il avait vu la Mort. Un reste d'humanité fit hésiter quelques instants la Faucheuse. C'est alors que le vieil homme se tordit de douleur. On aurait dit qu'il allait mourir, mais temps que l'être n'interviendrait pas, il vivrait. La lame traversa les airs et s'empara de l'âme du vieillard. La Faucheuse se sentit alors plus puissante.

Son arme la conduisit dans un petit appartement en ville. Devant elle, une femme dormait paisiblement. Elle était en parfaite santé, la Faucheuse le sentait. Alors pourquoi la tuer ? Peu importe, elle ressentait à présent un important besoin de tuer. Elle prit sa vie ; et se dirigea instinctivement vers sa prochaine proie. Plus Elle tuait de gens, plus sa soif de pouvoir croissait. Elle fauchait les humains tel un homme fauchant un champ de blé. Elle tuait tellement qu'elle même en perdit son âme.

Un jour, sa faux la conduisit devant une maison. Elle n'avait rien de plus que les autres, si ce n'est qu'Elle lui rappelait quelque chose. Des images jaillirent dans son esprit. Deux enfants sautant dans les bras d'un homme, une femme embrassant ce même homme, un homme heureux. C'est alors qu'Elle s'aperçut que cet homme n'était autre que lui-même, autrefois. Une lointaine sensation de nostalgie s'immisça en Elle. Comment avait-Elle pu oublier ? Elle passa la porte. Sur le canapé, ses deux enfants et sa femme regardaient la télévision. A côté de son épouse, un homme la serrait dans ses bras. Que faisait-il ici ? Elle comprit : cela faisait bien longtemps que l'homme qu'il avait été était parti ; on l'avait remplacé. Une effroyable rage s'empara d'Elle. C'était Elle qui aurait dû être là ! Elle voulut le tuer. Cependant, sa faux ne le réclamait pas. Elle voulait sa famille. Incapable de résister, Elle s'avança. L'un des enfants tourna la tête vers Elle et hurla. Les autres firent de même. Si Elle ne les tuait pas tout de suite, ils allaient souffrir. Elle fit encore deux pas. C'était la première fois depuis... qu'Elle était devenue la Mort, qu'Elle hésitait. Trop tard. Tous trois se contorsionnèrent sous des spasmes de douleur. Il le fallait. Elle éleva sa faux. Mais juste avant de frapper, Elle fit demi-tour, et se dirigea vers les bois, jusqu'à l'arbre maudit. Il y était, tel qu'Elle l'avait trouvé la première fois. Elle n'avait que trois mots à dire pour mettre fin à ce cauchemar, qu'Elle prononça, sans aucune hésitation.

-J'ai failli...

La hache apparut, et décapita la Mort.

Bazar d'histoiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant