Troisième chapitre

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La matinée a été un calvaire. J'ai essayé d'aller lui parler, après le cours ennuyant de français, mais elle était introuvable. Et le peu de fois où je lui ai parlé, elle m'a directement répliqué "Arrête de me harceler" avant de s'enfuir. Nous venons de sortir de notre dernier cours du matin, et nous avons à présent une heure pour manger. Je vais profiter de cette heure libre pour lui parler. De toutes façons, elle ne pourra pas m'éviter éternellement. Nous avons les mêmes amis, alors nous devrons discuter ensemble un jour ou l'autre. Et vaut mieux que ça arrive vite, ou je vais m'énerver dans pas très longtemps. Léa est peut-être ma meilleure amie, mais je ne vais pas réussir à garder mon calme si elle continue comme ça.

Comme ma classe est la première des prioritaires aujourd'hui, je passe sans problème. Je devrais pouvoir parler avec Léa dans à peu près dix minutes normalement. Il faut faire la queue pour s'enregistrer, choisir ce qu'on mange parmi les multiples choix d'entrées, plats, fromages et desserts. Tout ça ne prendra que sept minutes s'il n'y a pas de problèmes. Après, il faudra encore trouver une table, et c'est, d'après moi, une épreuve chaque jour. Ma cantine étant aussi celle des collégiens, il n'y a pas toujours de tables pouvant tous nous accueillir mes amis et moi. Même si nous ne sommes que cinq, c'est un combat que nous affrontons tous les jours pour pouvoir manger ensemble. Il faut repérer la table parfaite dans les deux secondes qui suivent la prise de pain, l'indiquer d'un regard aux autres, et partir à toutes vitesses sur les chaises encore vides. Mais quand je dis à toutes vitesses, je dis bien sûr vite, mais sans courir sinon avertissement, et assez discrètement pour ne pas montrer notre but à nos adversaires qui eux aussi cherchent une table. Tout ça demande des années et des années d'entrainement.

La queue ne semble pas trop longue, nous ne devrions pas attendre trop longtemps. A part si deux mecs décident de se battre ou que l'enregistreur ne marche plus. C'est assez énervant quand il fais ça. Jamais un seul surveillant n'est à cet endroit, donc nous sommes obligés de désigner quelqu'un de la file pour partir en chercher un. Sauf que quand on sort de la file, on est , de un, séparé de ses amis, et de deux, obligés de retourner tout au bout. Conclusion : on doit attendre plus longtemps pour manger, et on mange sans ses amis. Et notre cher enregistreur adoré a décidé de s'endormir aujourd'hui, maintenant.

Dès que quelqu'un crie "Marche plus!", tout le monde dans la queue se baisse, sauf une, Léa, absorbée par son téléphone. D'habitude, c'est plus une personne du fond, qui n'entends pas et donc ne se baisse pas. Une personne derrière elle que je ne connais pas lui tire le bras et elle lève alors les yeux de son téléphone. Elle soupire, range son téléphone dans la poche droite de sa veste, et s'en va chercher un surveillant. La règle est la règle, la personne qui ne se baisse pas quand on crie ça est ordonnée de sortir de la file.

Pendant qu'elle part chercher notre sauveur, je me retourne et discute un peu avec Clément, un des membres de notre "bande". C'est un grand brun aux yeux bleus très gentil. Si il connaît quelqu'un qui va mal, que ce soit son ami ou son ennemi, il l'aidera, même si ça doit lui coûter cher. Je me souviens avoir confondu amour et amitié avec lui alors que nous étions en 6ème. J'avais cru qu'il partait à Bordeaux pour ne jamais revenir et j'avais commencé à mettre de la distance entre nous. Mais j'avais juste mal compris une conversation qui parlait du déménagement d'un de ses amis. On en rigole encore! Qu'est-ce que j'étais naïve à cet âge là!

Alors que ma petite génie adorée Rose s'incruste dans la conversation, la voix du pire surveillant qui puisse exister sur terre retentit:

_ Donnez-moi vos noms et vous pourrez aller manger! Et TAISEZ-VOUS!!!

Quand Léa se place à la fin de la queue, je vais la rejoindre. Elle ne m'adresse même pas un regard, elle a les yeux rivés sur son téléphone. Le diable s'installe à côté de l'enregistreur et note sur un papier nos noms, prénoms et classes. Alors qu'on se rapproche de lui, je me penche au-dessus de l'épaule de ma meilleure amie pour voir ce qu'elle fait. Elle envoie des messages. Et je n'ai pas le temps de lire un seul mot de la conversation que l'écran devient noir et qu'elle se tourne vers moi.

_ On t'as jamais appris que c'était impoli de lire les messages des autres?

Et, devant mon silence, elle rajoute, pour me pousser à bout:

_ Ah oui c'est vrai! Ton père est parti avant que tu ne le sache!

Et elle se retourne pour donner son nom. Je n'arrive pas à y croire! Elle a vraiment eu le culot de parler de cet homme! Je suis en train de rêver là! Elle n'a jamais été aussi méchante avec moi! Les rares fois où l'on s'est disputée, on se disait des choses que l'on ne pensait pas, et qu'on savait que ça ne blesserait pas l'autre. Mais là, dans son regard, j'ai vu une haine profonde. Une haine qu'elle retient depuis longtemps, et qui est sorti dans ces quelques mots. Elle sait que rien que de penser à l'homme dont j'ai hérité des gênes, j'ai la nausée. Jamais elle n'aurait dû me dire ça, jamais elle n'aurait dû me faire aussi mal! JAMAIS! Je ne la pensais pas comme ça. Je ne pensais pas qu'elle était de ces gens qui utilisent les faiblesses des gens pour les affaiblir. Je croyais qu'elle était plutôt une fille qui ne fait jamais rien pour empirer la situation, une fille qui utilisent les points forts des gens pour les aider! Pas pour les enfoncer un peu plus!

_ Tu vas me donner ton nom ou tu vas faire la sieste, me crie le surveillant, et me sort de mes pensées sur Léa.

_ Oh euh... oui, oui bien sûr! Esther Reither, seconde 1.

Il le note rapidement après m'avoir gratifié d'un regard mauvais.

Je n'ai jamais compris pourquoi il avait ce métier! Il nous déteste tous, et ne manque jamais une occasion pour nous rabaisser! Jamais je ne l'ai vu sourire, ou complimenter quelqu'un. Je ne sais pas si il est comme ça depuis la naissance ou si c'est une certaine personne qui l'a rendu si odieux, mais plus loin de lui je suis, mieux je me porte.

Aujourd'hui, à la cantine, nous avons droit à purée de carottes, ou pâtes bolognaise. Je prends les pâtes, tandis que Léa, elle, prends la purée. Après avoir pris un yaourt et un bout de pain, elle part s'installer toute seule à une table. J'aperçois mes amis à une autre, avec deux places de libres à côté d'eux. Ils nous ont gardé des places, c'est gentil.

Mais je me dirige vers celle où est Léa, pose mon plateau en face d'elle, et m'assois. Je commence à manger mes pâtes, et ne supportant plus son silence, je lui dis:

_Franchement, qu'est-ce que t'as? Je t'ai absolument rien fait! Et tu sais quoi, je me suis trompée sur toi apparemment ! Je pensais pas que t'étais si méchante!

Elle me regarde avec un air de défi, se lève,prends la cruche d'eau remplie à côté de nous, et la verse entièrement sur moi.

Je suis trempée ! Mes cheveux commencent déjà à boucler, et toute la cantine s'est bizarrement tue. Je sens des centaines de paires d'yeux rivés sur moi et mes vêtements mouillés.

Manquerait plus qu'elle me renverse sa purée ! pensais-je.

J'ai parlé trop vite...

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Hello !!

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Bonne soirée !

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