Un poulet-garou et la bataille finale

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JB s'accrocha à ce qui lui venait sous la main, donc les barreaux de sa cage, tout en observant la scène.

Le diabolique docteur Von Brocoli venait d'être aspiré à l'extérieur comme une miette arrachée à de la moquette, connaissant ainsi la fin minable à laquelle tous les méchants secondaires sont promis. Toutefois, sa disparition prématurée présageait certainement d'un retour lors d'un prochain épisode. C'était important de le noter.

Un grand cercle s'était formé dans la carlingue de l'avion, découpé par une déflagration. Un justicier masqué, vêtu de rouge et de noir, dont la cape claquait dans le vent, et portant des armes bien tranchantes aux deux mains, sauta dans la soute.

Des légumineux tentèrent de barrer le passage à l'inconnu masqué, mais il en fit un carpaccio, une julienne, et une jardinière, ce qui donna d'ailleurs à JB de nouvelles idées de recettes.

(Et, peut-être, matière à de nouveaux épisodes).

Une nuée de chauve-souris entrait par ailleurs dans l'appareil, histoire de rajouter un peu d'ambiance. L'homme masqué avança jusqu'à la cage de JB et découpa une ouverture à coups de sabre. Le Wattpadien s'enfuit sans demander son reste ; de toute manière il fut aspiré à l'extérieur, comme une quantité invraisemblable d'objets qui volaient dans la soute.

Les légumineux ayant saisi la caisse de peluches Monstre Spaghetti au monastère bhoutanais, JB eut un instant l'impression d'être monté au paradis pastafarique, avec tout un tas de petits anges voletant autour de lui et disant « râmen » quand ils se cognaient entre eux.

Quant à l'individu masqué, il se débrouillait toujours aussi bien. Ce ne pouvait être que Gilgamesh. Le héros légendaire était venu le sauver. Il ne manquerait pas de chanter ses louanges ainsi que de lui offrir des caméos dans le Cycle des Voyageurs.

Dans le chaos qui l'entourait, JB vit passer des légumes choqués, ainsi qu'une boîte de cookies qu'il attrapa au vol. C'était décidément une très bonne journée, bien qu'il fût toujours en chute libre, ce qui constituait certainement un léger inconvénient à moyen terme. Il grignota un cookie tout en réfléchissant à ce problème.

L'homme masqué fixa un parachute à son dos, avant de l'ouvrir et de disparaître lui-même dans le ballet des chauve-souris. Il ne se souvenait pas que Gilgamesh avait quelque chose à voir avec les chauve-souris ; il ne manquerait pas de raconter toute l'histoire à Gorzül.

Enfin, JB atterrit au sommet d'une colline, plongée dans un soleil couchant. Gorzül l'attendait déjà. Il avait mis un costume rouge et noir ainsi qu'une cape parfaitement accordée, un peu comme Gilgamesh, en fait. D'ailleurs il portait des sabres identiques.

« Euh, depuis quand est-ce que tu t'adonnes à l'escrime ? Demanda-t-il.

— Quand le monde est envahi par les légumes parlants, il faut bien être polyvalent. Et surtout quand mon employeur se fait tout le temps enlever.

— J'admire toujours ta prévoyance.

— Heureusement que j'en ai pour deux. Je me demande comment des gens qui oublient de remplir le frigo pourraient sauver le monde. Je prends quelques initiatives, vois-tu.

— Tu n'étais pas censé retrouver Gudule ?

— J'ai essayé de les poursuivre, mais je les ai perdus de vue. J'ai donc préféré te sauver directement et mettre à profit l'ellipse pour compléter un plan d'action contre Rodolphe-Albert.

— Eh, mon paquet est vide, se rendit compte JB. Bon, on est où, là ?

— Pendant que tu étais transféré par les légumes, j'en ai profité pour réunir quelques amis à moi.

— Tu as des amis ?

— J'en avais avant que mon travail d'assistant ne me coûte l'intégralité de mon temps libre.

Gorzül rabattit la cape sur sa silhouette et désigna la troupe qui leur faisait face, en contrebas de la colline.

— Je suis un vampire-garou, indiqua-t-il, et j'ai donc des connaissances à la fois vampires et loup-garou. Ils vont nous aider à prendre d'assaut la forteresse de Rodolphe-Albert. Pendant ce temps, Gudule et CN feront de même. Nous savons que la betterave se trouve ici.

Espérons que c'était la bonne stratégie, ajouta-t-il, car ce pourrait être la fin du monde. Nous savons tous les deux ce qui est arrivé la dernière fois que vampires et loup-garous ont été réunis dans une fiction à grand succès. La Doomsday Clock s'est avancée de plus de cinq minutes.

— Ce sont les chroniques de Gudule, dit JB en agitant la boîte de cookies pour voir s'il n'en restait vraiment plus.

— Justement. Justement.

Quelqu'un s'avança jusqu'à eux et salua JB.

— Philippe, se dénomina-t-il.

— Vampire ou loup-garou ? Demanda le wattpadien.

— Hum, c'est une longue histoire.

— Poulet-garou, expliqua Gorzül.

— J'ai été mordu par un poulet radioactif, dit Philippe. Ça fait réfléchir. Depuis, je mange bio.

— Je vous comprends, dit JB.

La forteresse de Rodolphe-Albert se découpait devant le soleil mourant, tandis que la pleine lune apparaissait de l'autre côté.

— Je supervise l'attaque, expliqua Philippe.

— J'espère qu'elle aura bien lieu, dit Gorzül. La dernière fois, on a fait tout le trajet, tout ça pour finalement s'entendre dire que l'affrontement était annulé. Long week-end de déprime devant la télé.

— Quel est votre plan ? Demanda JB au poulet-garou.

— C'est très simple. On fonce dans le tas.

— Ça me paraît très sain.

Le soleil avait maintenant complètement disparu.

— C'est l'heure, dit Gorzül. Il est temps.

C'était la pleine lune. JB se transforma en chameau, car cela pouvait toujours servir. Gorzül se transforma en vampire, ce qu'il était déjà de toute façon. Philippe se transforma en poulet, ce qui était un peu plus original, mais lui permit de voleter au-dessus de la troupe hétéroclite en braillant des cris de guerre. Quelqu'un l'accrocha ensuite à une catapulte, avant de déclencher le mécanisme.

Le poulet-garou fondit en direction de la forteresse sombre tel un boulet de canon à plumes.

L'armée des vampires et des garous le suivit. On entendit des signaux d'alarmes au loin, ainsi que le décollage d'hélicoptères des légumineux.

— Si nous nous en sortons, dit JB, n'oublie pas de me racheter un paquet de cookies, je suis à sec. »

Il voulut l'agiter sous son nez, mais se souvint qu'il s'était transformé en chameau. Alors il dévala la colline, comme Gorzül, se retrouvant bientôt en plein milieu d'une pagaille indescriptible.

J'ai bien dit indescriptible.

Mais ne vous en faites pas, des détails vont suivre.

Les chroniques de GuduleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant