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|| M comme Manque ||

...

Lettre n°1

À envoyer : dans une autre vie.

...

Mark,

Même les mots que je ne pourrai jamais prononcer ne peuvent décrire mes sentiments. Trop de choses qui vont et viennent sans cesse dans mon esprit, elles ne me laissent pas une once de répit. Je suis épuisé à force de penser comme un fou. L'idée de te quitter m'est insupportable. L'idée de ne pas avoir pu prononcer ne serait-ce qu'un mot en ta présence me déchire le cœur.

Du temps. J'en aimerais tellement plus. Quelques heures. Quelques minutes. Juste assez pour pouvoir goûter tes lèvres délicieuses, pouvoir te serrer dans mes bras quelques instants. Ne serait-ce que quelques secondes me suffirait.

Seulement voilà, la vie en a décidé autrement. Je pourrais dire que je la déteste tant elle nous aura fait souffrir, toi et moi, depuis notre venue dans ce monde sans même nous demander notre avis. Après tout, c'est le principe même de la naissance. Elle choisit elle-même nos origines, nos parents, et scelle parfois cruellement nos destins, ce qu'elle a sans aucun doute fait pour nous.

Naissance. Ce terme me fait sourire. Il rime avec tant d'autres.
Nuisance. Résonance. Espérance. Chance. Déchéance. Impuissance.

Cependant, il est indéniable que la vie fut un véritable présent pour nous. Elle nous a permis de grandir, d'apprendre, de marcher pour moi, de parler pour toi. De nous rencontrer aussi. De sourire, d'avancer, de nous battre côte à côte. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, je la chéris tant. Et pourtant, elle nous sera enlevée dans peu de temps.

Même ces quelques mots formés sur ce bout de papier déformé par le temps ne peuvent formuler ce que je ressens, ou même s'en approcher.

J'ai mal Mark. Tellement mal.

J'ai peur Mark. Peur de te perdre ou de t'abandonner avant, ne pouvant choisir.

Je souffre Mark. Je souffre à l'idée de ne plus jamais entendre le son de ta voix suave, de ne plus jamais ressentir tes mains délicates sur moi.

Je voulais t'écrire pour te faire sourire, mais je ne trouve pas la force. Comment, le pourrais-je, alors que seulement quelques murs nous séparent ? Comment, alors que je ne pourrais peut être plus me perdre dans tes yeux intensément bleus qui me font perdre la tête, pourrais-je continuer à garder espoir ?

Tout cela me semble dérisoire. On m'a toujours dit de garder la tête haute même dans les pires moments. Mais Mark, cela m'est impossible. Je ne veux pas, non, ne peux pas te perdre. Chaque morceau de mon être est rattaché à toi. Alors je t'en prie, ne me laisse pas, ne pars pas.

Ah, que suis-je crédule parfois. Avoir autant confiance en la vie est impensable. Nous ne sommes pas immortels, bien au contraire. Je ne peux pas t'interdire de partir avant moi, c'est si égoïste, car ce serait toi qui ressentirait alors ce terrible sentiment qui m'effraie peu à peu ces derniers jours.

Je ne peux pas expliquer à quel point je me sens confus. J'aimerais avoir ton ressentis aussi, mais c'est malheureusement impossible. Je pense d'ailleurs ne jamais être en mesure de l'avoir un jour.

Tu sais, les gens parlent. Ils espèrent sûrement que lorsqu'ils passent devant ma chambre et que j'ai les yeux fermés, je ne puisse les entendre.

Qu'ils sont ignorants.

Je ferme simplement les yeux car dans tous les cas, le monde m'ait inaccessible visuellement. Sur quoi d'autre pourrais-je me concentrer en dehors de ce même mur vide qui s'offre à moi jour après jour ? Qu'ils aient au moins la décence de m'apporter quelques pots de peintures que je puisse redonner vie à cette chambre mortuaire!

D'ailleurs, eux, ont perdu toutes perspectives d'avenir. Ils soufflent tout bas qu'ils n'y croient plus. Mais ces gens là sont censé nous faire garder espoir, comment peuvent-ils ne serait-ce émettre l'idée de le perdre ?

Tout est si calme, un vide bercé par un petit bip constant, tandis que les bruits de couloir me parviennent.
Ils m'agacent tellement, tu sais, ces gens qui se plaignent de ne pas avoir telle ou telle chose, de ne pas être comme ceci ou comme cela, d'être trop petit, d'avoir des jambes trop courtes ou un nez mal formé.

J'aimerais tellement pouvoir dire pour une fois de ma vie ce que je pense. Formuler mes pensées autrement que sur du papier, les crier, les hurler à en perdre haleine. J'aimerais juste pouvoir de leurs remettre les idées en place. Mais c'est impossible, je ne peux bouger. Comme toi.

Alors ils devraient garder espoir, merde.

Mark, je veux entendre ta voix une dernière fois, je t'en supplie.

Alors reviens, ne pars pas trop loin, ne les laisse pas te considérer comme un légume. Reviens. S'il-te-plaît... Je n'en peux plus. Mes yeux me brûlent à chaque heure de la journée. Je me sens tellement perdu sans ta présence.

Même si le moment est venu, laisse moi du temps. Mark. Je t'en conjure. Une heure ou deux, le temps que je puisse me délecter une dernière fois de ce délicat parfum qui émane ton cou, ou encore de l'odeur de ton shampoing, celui qui mêlent des senteurs de framboise et de vanille que j'aime a en perdre la tête. Ou que je puisse encore trouver l'inspiration en me perdant dans le bleu de tes yeux, aussi profonds que l'océan.

Je voudrais y plonger une dernière fois, pour marquer au fer blanc dans mon esprit cette sensation de me perdre en pleine mer à chaque fois que mon regard rencontre le tiens.

Que puis-je écrire d'autres que tu me manques désespérément ?
Rends moi fou de toi quelques secondes de plus.

J, 31/11/2017

Mille et une nuitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant