chapitre un.

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On sait comment, au sortir du royaume d’Hadès et sur les conseils de Circée, Ulysse échappa par la ruse aux sirènes en bouchant avec de la cire les oreilles de ses compagnons et en se faisant attacher au mât de son bateau. Car on n’entend pas impunément le beau chant des sirènes : « celui qui les approche sans être averti et les entend, jamais sa femme et ses petits enfants ne se réunissent près de lui et ne fêtent son retour », prévient Circée. C’est Ulysse lui-même, échoué au pays des Phéaciens, qui fait le récit de la façon dont il réussit à triompher du danger. Si donc c’est en auditeur passif, ainsi que le soulignent Adorno et Horkheimer dans Die Dialektik der Aufklärung, qu’il subit le chant des sirènes, c’est ensuite en poète et conteur, succédant au divin Démodocos, qu’il en fait le récit. « Entendre le chant des sirènes, c’est d’Ulysse qu’on était devenir Homère », note Maurice Blanchot dans Le Livre à venir. C’est parce qu’il a subi l’épreuve du chant des sirènes et l’a surmontée qu’Ulysse est devenu aède. En sachant attacher son corps, en s’imposant des liens et des règles – peut-on aller jusqu’à dire : le carcan d’une forme – il surmonte l’épreuve qui le ramène en Ithaque. Les sirènes se trouvent au cœur du voyage initiatique qui mène Ulysse de la magicienne Circée qui tisse en chantant à sa femme Pénélope qui tisse inlassablement sans jamais chanter.

Chapitre deux....

~le chant des sirène~ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant