Maman s'effondra à mes pieds et produisit un son d'os qui se brise lorsque sa tête heurta le sol. J'étais sous le choc, papa nous surplombait de tout son mètre quatre-vingt-dix et inconsciemment, je ressentis le besoin de le détailler afin de ne pas tourner la tête vers maman.
Papa était un homme séduisant, c'est maman qui le disait souvent, il était grand et musclé, tout en proportion. Il tenait son corps de son travail pour la police, je ne savais pas vraiment ce qu'il faisait, mais une aura de mort planait au-dessus de lui... Son visage était assez beau à regarder, une mâchoire carrée, des lèvres fines, un nez droit, des yeux d'un gris presque métallique et des cheveux blonds qui auraient probablement bouclé s'il ne les coupaient pas aussi souvent. Il posa les yeux sur moi et quelque chose dans mon expression lui fit prendre conscience de ce qu'il venait de faire. Il lâcha brusquement son arme qui s'écrasa dans un bruit humide près de moi attirant mon regard qui se posa sur ma mère. Son corps était flasque comme une marionnette à laquelle on aurait coupé les fils lui permettant de se mouvoir. Son visage était devenu livide, bien plus blanc que d'habitude, la balle avait éclaté sa boîte crânienne du côté droit, si bien qu'un seul œil était encore reconnaissable. Il exprimait l'horreur que maman avait ressentie lorsque le coup était parti, on ne voyait presque plus le vert émeraude de ses iris tant ses pupilles s'étaient dilatées.
Pour son travail, papa utilisait des balles spéciales. La balle avait probablement éclaté après avoir pénétré dans le cerveau. Le trou était impressionnant, je pouvais voir ce qui restait de son cerveau, du sang se déversait dans ses cheveux noirs les rendant poisseux.
Papa n'arrêtait pas de répéter d'une voix aiguë et paniquée que c'était notre faute, que nous ne lui avions pas laissé le choix.
En moi, quelque chose se brisa. La peur et la panique furent remplacées par le calme quand j'attrapais l'arme qui gisait dans le sang de ma meilleure amie, ma mère. Je ne dis rien. Le coup partit et pénétra dans la poitrine du monstre face à moi, puis le reste du chargeur la suivit et je continuais à appuyer sur la gâchette alors que le percuteur cliquetait dans le vide. Quand je reprenais mes esprits, des larmes mouillaient mes joues et je tenais toujours l'arme, mais contre moi comme s'il s'agissait de la seule chose à laquelle je pouvais me raccrocher.
Quand la police arriva, je n'avais pas bougé, où serais-je allée de toute façon ? Je levais les yeux vers le binôme et les détaillais, laissant à mon cerveau le devoir d'emmagasiner le plus de choses possibles alors que j'étais sous le choc. Une femme se tenait à l'extérieur sous le porche, nous étions nous, au pied de l'escalier juste devant la porte d'entrée... Elle avait des cheveux blonds tirés en arrière par une queue-de-cheval, des yeux bleus avec quelques touches de gris, une bouche fine et le teint pâle.
L'homme qui l'accompagnait s'accroupit près de moi et je vis ses lèvres bouger comme s'il tentait d'établir le dialogue, mais je ne l'entendais pas. Je m'efforçais de le détailler afin de me raccrocher à la seule chose qui me semblait aussi réelle que le bout de métal entre mes mains, aussi froid que les morts qu'il venait de créer. L'homme devait faire un mètre quatre-vingt-cinq à tout casser, il avait de grands yeux verts, une barde de trois jours sous un sourire bienveillant. Ses cheveux étaient aussi noirs que ceux de maman, mais bien plus courts. Je ne lui donnais pas plus de vingt-cinq ans. Il eut un léger froncement de sourcils en voyant mes petites mains autour de "son" arme du crime. Après avoir enfilé une paire de gants chirurgicaux, il avança ses mains vers les miennes qui se resserrèrent instinctivement contre le métal froid. C'est alors qu'il essaya de détacher mes doigts un à un et comme s'il n'avait attendu que ça, la panique me submergea, me prenant à la gorge et je me mis à hurler en me débattant. Je savais qu'il ne me voulait aucun mal pourtant, mais la petite fille que j'étais refusée de lâcher l'ancre qui la maintenait dans cette réalité aux allures de cauchemar. Soudain, mon corps ne se trouvait plus pelotonné entre l'escalier et le mur mais tenu fermement contre le torse de l'agent de police qui avait tenté de me prendre l'arme. Je recommençais à me débattre, lançant mes jambes vers l'arrière et frappant avec mes talons dans ses genoux, ce qui lui arrache un grognement de douleur. Il avait de la chance de me ceinturer, comme ça, je ne pouvais que le frapper de mes petits pieds nus et griffer ses bras. Et je pris conscience que pour pouvoir lui lacérer les avant-bras, j'avais dû laisser tomber l'arme et cette constatation me stoppa net. J'arrêtais de me débattre et laissais l'homme me prendre dans ses bras et je me mis à sangloter contre son torse alors qu'il m'amenait jusqu'à l'ambulance garée devant la maison.
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Les chroniques de Lily Aldridge: Nuit sans lune
ParanormalLily a vu mourir ses parents alors qu'elle n'était âgé que de six ans... Cet événement lui révélera des dons que sa mère avait toujours essayer de cacher au reste du monde. La jeune femme a aujourd'hui dix-neuf ans et reste hanté par ses souvenirs...