Tu avais encore un peu de sang sur les lèvres, et je ne pouvais pas me détacher des tes yeux en colère. Tes doigts blancs étaient serrés de fureur, tandis que tes sourcils se rejoignaient tellement fort qu'un trait sombre barrait ton front.Tu as craché des mots acides, ceux dont tu sais qu'ils font mal.
Tu voulais les faire souffrir. Plus que tout.
Tu voulais qu'ils aient mal autant que toi, que cette peine et cette violence sortent de ton corps et de ton esprit. Comme un enfant, tu te défendais par les mots et les poings.Moi, comme un idiot, je voulais te voir heureux.
Que tes yeux verts rencontrent les miens, que tu y vois la paix, le calme et que je sois un phare dans ta tempête.
C'était présomptueux et je me sentais stupide d'espérer ainsi. Mais tes sourires, tes mots si beaux lorsqu'ils étaient doux et tes rires m'ont persuadé qu'il y avait de la tendresse chez toi. Même si tu semblais en avoir si peur que tu refusais de passer pour un lâche, un faible, un dépendant.
Alors, pour être dans le clan des victorieux, tu devenais cruel.
Il y avait tellement de choses que je n'osais pas te dire.
Que le sang dans ta bouche, j'aurais voulu que ce soit le mien.
Que les hématomes sur ta peau, j'aurais préféré les faire moi-même.
Que cette rancœur amère que tu avais contre la vie, j'aurais aimé la faire disparaitre par mes baisers.
Mais je me taisais toujours ; sûrement parce que je savais que tu n'étais pas prêt.
Ce jour-là, quand tu t'es battu encore, mon cœur s'est serré. Parce que lentement, je te voyais devenir plus impulsif, plus violent, plus bestial, et ce que j'avais trouvé en toi, cette bonté triste se retrouvait noyée par ton instinct de prédateur.
Alors je devenais mauvais, effrayé de ne pas pouvoir t'aider, de ne pas trouver les mots justes, les bons gestes.
Une nuit, alors que nous étions encore jeunes et où le soleil se levait à l'est, tu m'as embrassé. Pas longtemps, juste comme ça. Si rapidement, mais pourtant si humainement que c'est resté dans ma tête pendant des mois.
La douceur de tes lèvres sur les miennes, la chaleur de ta peau, le ton de ta voix ne m'ont jamais quitté.
Même après que tu sois mort, un matin de mai, je ne t'ai pas oublié.Ce texte a été écrit pour le receuil "La Galerie des Portraits" de allonsbriserleciel
N'hésitez pas à y jeter un oeil, il regorge de choses fantastiques.
VOUS LISEZ
Nocturne
RandomMordre la vie, Aimer les autres, Parler aux humains Pour les comprendre. [recueil de textes, images, poèmes, musiques]