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J'aime bien les jours de pluie. Derrière la fenêtre, je regarde les gouttelettes glisser sur la vitre. Elles la heurtent puis glissent, tout doucement, elles laissent une longue trainée d'eau, comme les escargots qui laissent une longue trainée de bave derrière eux. Et, parfois, elles se rejoignent, s'agglutinent et font un bout de chemin ensemble. La vitre est toute mouillée de pluie. Elle ressemble à une toile pleine de petits miroirs. Mais ce que je préfère, c'est regarder au-delà de ce tableau, car au-delà de ce tableau il y a la vie. Une vie grouillante de pas empressés et de chaussures. Je vois les jambes aux pantalons secs, aux pantalons détrempés. Je vois les souliers, les escarpins, chaussures de ville, chaussures de campagne, chaussures lustrées, chaussures sèches, chaussures détrempées. J'entends le bruit des passants qui marchent dans les flaques, des échos de voix. Au-dessus, loin, le ciel gronde. Aucun éclair. Un peu de vent. 

Plic. Les gouttes de pluie remplissent la chaussée. Ploc. Elles remplissent le tableau, elles remplissent les vêtements. Sous moi le sol est tiède. Une odeur humide flotte. Silence doux que seule la pluie habille.

Je me rappelle. Un jour comme celui-ci, j'ai eu le plus beau cadeau du monde. Dehors, la tempête, le courroux des nuages, l'eau qui martelait la forêt près de la ville. Je ne sais plus quelle ville. J'étais trop jeune. Et j'étais dehors. Seule, dégoulinante. Le froid et la peur me collaient à la peau. Je m'étais perdue. Autour de moi, le vent giflait le paysage et mon corps. Ma mère m'avait abandonnée sur le bord de la route.

Le plus beau cadeau du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant