7. Watch me

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Je l'observe à la dérobée : il est plus grand que moi, assez large d'épaules. Ses cheveux bruns, ou du moins ce que je peux en distinguer, sont en bataille, coiffés sur un côté. L'une de ses mains disparaît dans la poche de son sweat à capuche, l'autre tient une cigarette. Je remarque qu'il a des écouteurs dans les oreilles, très bizarre dans ce genre d'endroit où on vient normalement pour s'amuser en groupe. Pourtant, il est seul dehors, et n'a pas vraiment la tête de quelqu'un qui a envie de s'éclater.

 Sûrement dérangé par mon entrée dans son champ de vision, il lève les yeux et me surprend en train de le dévisager. Je détourne le regard, un peu honteuse, pas assez vite pour ne pas entrevoir le petit sourire en coin qui se dessine sur ses lèvres pleines au fur et à mesure que j'avance vers la porte. Moi qui suis du genre à psychoter chaque fois qu'on me regarde, je me demande pourquoi il sourit. Est-il en train de se moquer de moi? Pense-t-il que je suis en train de mater? Je m'ordonne intérieurement d'arrêter de me poser des questions inutiles, et je retourne à l'intérieur du bar.

Je retrouve Chris, Tara, Drew et Mary dans une discussion très animée sur la nouvelle copine d'un de leurs amis commun qui semble complètement barrée. Ils sont écroulés de rire sur la table, des larmes coulent sur les joues de Tara tellement elle rit. J'entends Mary dire:

- et là... devant sa mère, sa propre mère, elle enlève son tee-shirt pour lui montrer son nouveau tatouage! J'ai cru qu'il allait avoir une attaque!

Apparemment, ce gars a tiré le gros lot en matière de respect... Je me rassois en souriant, amusée de les voir rire comme des gosses. Je les soupçonne d'avoir bu quelques verres de plus en mon absence.
Tara me demande si tout va bien, et les regards se tournent vers moi. Mary me pose des questions sur ma venue à New-York, et ce que je vais y faire. Je leur parle de ma vie en France, ma mère, mes études. Je manque de m'étouffer avec mon mojito quand tout à coup Mary me demande: 

- C'est vrai qu'en France, vous n'avez pas l'eau courante ?

Oh. my. god. Sérieusement ? Sa question est tellement inattendue que Chris explose de rire et lui répond ironiquement :

-Non, en France on ne se lave pas. C'est pour ça que je n'ai plus jamais voulu y retourner. Trop de microbes!

Au ton de Chris, Mary comprend que sa question est un peu déplacée. 

- Désolée, je ne voulais pas vous vexer. Je n'ai jamais osé te poser cette question, mais j'ai toujours voulu savoir. C'est ce qu'on raconte, ici: les français sont obsédés, et ils n'ont pas l'eau courante.

Même a New-York, une ville censée être ouverte sur le monde, certains clichés ont l'air d'avoir la vie dure. Je rassure Mary sur mon hygiène, je lui dis que la prochaine fois, je lui montrerai des photos de ma salle de bains. Elle est un peu gênée, sa question n'était pas méchante mais simplement curieuse, mais je suis tout de même un peu vexée de l'image que nous avons ailleurs dans le monde. C'est la première fois que je suis confrontée au fait d'être une étrangère, c'est plutôt perturbant. Je ne veux pas qu'elle reste mal à l'aise, alors je lui démontre que notre mode de vie n'est pas si différent du sien.

Autour de nous, le bar ne désemplit pas : certains, qui n'ont pas pu s'asseoir, sont en train de boire un verre debout. Plusieurs groupes de filles, un peu éméchées, font bouger leur corps au rythme de la musique qui se déverse dans la salle. Mes quatre chaperons sont en plein débat sur le coût de la vie qui ne cesse d'augmenter. Je m'ennuie un peu et j'ai parfois du mal à suivre la discussion, je ne me suis pas encore vraiment faite à leur accent. J'ai chaud, le bar est blindé de monde et la température de la pièce a du augmenter de plusieurs degrés au fil des heures. Je me lève et adresse a la table:

Alive - Tome 1 - Edité aux éditions HLabOù les histoires vivent. Découvrez maintenant