17. Des mots de trop

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Durant le trajet, je continue d'ignorer superbement Ayden. J'essaie de savoir pourquoi je me mets dans tous mes états avec lui. Et malheureusement je ne trouve pas la réponse.

Il est à peine à quelques centimètres de moi, sa jambe touche presque la mienne dans l'étroit habitacle. Je suis tellement consciente de sa présence que j'ai l'impression que mon corps est figé. Quand le taxi change de direction, il nous rapproche involontairement et c'est à peine si je peux respirer tellement je me concentre pour ne pas faire le moindre mouvement vers lui.

Erin essaie de me faire la conversation, mais c'est peine perdue : je ne lui réponds que par onomatopées. J'ai l'impressions que chaque fois qu'il est dans les parages, mon cerveau déconnecte. Plus de neurones, parties en vacances. 

Comme je le lui ai demandé un peu plus tôt, Ayden ne m'adresse pas la parole jusqu'à ce que nous arrivions devant Les Bains. D'après ce qu' Erin m'en a dit, c'est la boîte la plus people de New-York, et elle vaut le détour. Ca ne me fait pas envie plus que ça, à vrai dire, je ne suis pas très fan des discothèques. Les gens bourrés qui te sautent dessus à la première occasion, c'est pas vraiment mon truc. La dernière fois que j'y ai mis les pieds, c'était avec Léa et Sam, quelques mois plus tôt, et ça s'était mal terminé : il y avait eu une bagarre, et Sam avait pris par mégarde un jet de bombe lacrymogène en plein dans la figure. 

Là, ça a l'air très différent : un cordon rouge préserve l'entrée, gardée par deux armoires à glace telles que j'en ai rarement vues. Un physionomiste en costume cravate fait la pluie et le beau temps parmi les gens qui attendent dehors. 

Evidemment, Chuck va immédiatement le saluer, et nous entrons tous à l'intérieur en moins de deux minutes. C'est l'avantage de bosser pour lui : tout le monde déroule  le tapis rouge dès qu'il fait une apparition. Pourtant, les garçons, Ayden compris, n'ont fait aucun effort vestimentaire. Ils sont tous en jean et tee-shirt, des boots ou des baskets aux pieds. Erin me prend par le bras et nous entrons les dernières. L'obscurité m'aveugle un moment, je mets du temps à m'adapter à la pénombre. Un employé salue chaleureusement Chuck et Ayden (j'en déduis qu'il doit être un habitué des lieux), et nous conduit comme je le pensais... dans le carré VIP. 

On nous sert du champagne sur une petite table carrée entourée de fauteuils moelleux. De la où je me trouve, j'ai une vue parfaite sur la piste de danse. Je me dis que ça me permettra de faire semblant de m'occuper, ainsi, je n'ai pas besoin de faire la conversation. 

J'observe sans les voir les gens qui se trémoussent, je ne me sens pas du tout dans l'ambiance. A vrai dire, je me demande un peu ce que je fous là... Fait chier, il faut toujours que la mélancolie me prenne quand je suis censée m'amuser ! Autour de moi, tout le monde discute du concert, sauf Ayden, qui semble simplement essayer d'écouter par dessus le volume sonore. Quand je lui jette un oeil, il a exactement le même air ennuyé que la première fois que je l'ai vu à sa table, au B54. Le même frisson me parcourt quand j'observe son visage. Je ne sais pas pourquoi je me sens connectée à lui, là tout de suite, j'ai l'impression que lui aussi a envie d'être ailleurs. Mais alors pourquoi est-il là depuis la fin du concert ? Rien ne l'obligeait à nous suivre, à ce que je sache, il est le seul d'entre nous qui ne soit pas lié à Chuck.

Erin sourit discrètement quand elle me voit l'observer. Je me rappelle son avertissement et me lève pour masquer mon trouble. A la recherche de toilettes, je parcours la boîte et me retrouve à l'opposé de notre table, derrière la piste de danse, sur une grande terrasse couverte. Elle est déserte... La tonnelle en fer forgé qui la surplombe, décorée de fleurs grimpantes, me donne immédiatement un sentiment de sécurité que je n'avais pas connu depuis mon arrivée à New-York. Dans la pénombre, je m'assois à l'une des tables et profite pour la première fois d'un sentiment de solitude étrange mais bienfaisant. J'ai l'impression que sur cette terrasse, rien ne peut m'atteindre, comme si j'étais dans un cocon. Et j'en ai bien besoin.

Alive - Tome 1 - Edité aux éditions HLabOù les histoires vivent. Découvrez maintenant