Je sais ce que je vais voir. Un ciel étoilé vaut tous les sommeils fragmentés du monde, et bien malheureux celui qui ne saurait profiter de ce spectacle. La main sur le rebord de ma fenêtre, je l'observe. Et je la vois.
La lune. Elle rayonne elle aussi, d'une blancheur grisée. Elle ensoleille l'obscurité sans nuages. Elle est belle. Secrète. Douce comme la fourrure de mon chat tant aimé. Elle brille d'un éclat nuancé, qui n'est ni immaculé ni entaché, mais d'une pureté qu'on ne peut ignorer. Fascinante.
La lune n'est pas complètement seule : entourée d'un cortège magique de points de lumière, elle éclaire ce qui reste dans l'ombre en l'absence du disque doré.
Je l'envie. Quand les Hommes s'assoupissent, elle prend soin des oubliés, de ceux qu'on laisse dans le noir, ceux que la société du jour n'accepte pas dans la clarté, ceux qui veillent jusqu'au matin, attendant un signe. Et ce signe est juste sous mes yeux écarquillés. J'aimerais avoir cette faculté d'aider ces personnes invisibles, mais n'en suis-je pas une moi-même ? Certes, j'embrasse l'horizon ensoleillée chaque matin et estime vivre le jour, mais ne suis-je pas moi-même éveillée cette nuit comme ceux que je qualifie d'« invisibles » ? Finalement, à leur instar, j'attendais un signe. Ce que je crois, ce que je juge, ce que je pense, n'est que le fruit de ce que j'ai imaginé. En changeant ma manière de considérer les choses et la manière dont je me considérais, je me découvre semblable à ceux que j'estimais différents.
Seule dans la nuit, je la regarde. Elle, personne n'en parle autant que le soleil. Les rares bribes à son propos, lorsqu'on l'évoque à l'école entre amis, sont toutes similaires : « La lune, non, je ne la connais pas. Elle est discrète, peu de gens la remarquent. » Pourtant, c'est elle qui a accroché mon regard. Sa douceur, sa tendresse, sa lumière mystérieuse m'attirent, ses rayons, mélanges de blanc et de noir, incarnent à mes yeux les nuances de notre monde. Néanmoins, seules en ses qualités. Magicienne ou rêveuse, elle m'incite à poursuivre ce que j'aime, à mettre de côté le travail pour laisser libre cours à mon imagination.
Silence.
Je suis là pour elle, comme l'unique spectatrice d'une représentation amateur. Je la soutiens. Je veux l'aider. Ce n'est sûrement pas qu'elle en ait besoin, mais juste parce que moi, à sa place, je me sentirais triste dans la nuit presque sans vie humaine. Elle se complaît dans cette existence, mais moi, je veux l'aider, je veux m'aider. J'en ai besoin. J'ai besoin d'avoir l'illusion d'être utile.
Et la jalousie me rattrape. Après tout, je suis bien incapable d'égaler tant de bonté et de douceur, de rester presque seule pour les autres au milieu du froid noir.
J'inspire une dernière fois l'air lumineux de la nuit, et ferme la fenêtre. Mais je garde mes volets ouverts.
Allongée sur mon lit, face à elle, je la dévore de mes yeux admiratifs avant de plonger une nouvelle fois dans le sommeil.
Je rêve éveillée.
Le lendemain. Réveil identique. Volets. Fenêtre. Contemplations. Commode. Porte. Le chat ne vient pas se frotter à mes jambes. Il se fait vieux maintenant, il dort toujours. Chemin. Je réfléchis. Je ne veux pas que mon chat meure, je l'aime trop pour supporter son départ. Forêt. Finalement, la lune et le soleil sont pareils. Ce qu'on dit à leur sujet diffère, ils ne se voient jamais, ils ne rayonnent jamais en chœur, ni de la même façon ni de la même couleur, et malgré tout leur fonction est analogue : ils éclairent et inspirent ceux qui prennent la peine de les remarquer. Vallons. Océan. Je reprends ma place habituelle et tends mon regard vers la boule de feu face à moi. « Soleil, si tu pouvais me parler de toi, que me dirais-tu ?
- J'aime vivre.
- Oui je le sais, c'est ce que tout le monde dit à ton sujet. Mais toi, que m'apprendras-tu ?
- Veux-tu vraiment le savoir ?
- Je veux te connaître. »
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Et si nous rêvions éveillés...
Short StoryPour tous ceux qui tiennent à une personne en ce monde. Pour tous ceux qui veulent aider une personne en ce monde. Pour tous ceux qui aiment la splendeur et la beauté de notre univers mais l'abhorre parfois. Pour tous ceux qui peuvent octroye...