III

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Je rêvais éveillée.

Je traverse ma maison sans rien voir autour de moi. Je m'affale sur le lit. Je garde la tête enfouie dans l'oreiller. Mon cœur est lourd, lourd comme un morceau de plomb. Malade aussi. Il faut que je dorme, je me sens trop fatiguée. Je me dévêts pour enfiler une tenue plus confortable puis je me glisse sous la couette. Je suis au chaud, douillettement installée. Tranquille.

Je ferme les yeux. C'est impressionnant tout ce que l'on peut imaginer. Cela peut être magnifique. Irréalisable. Instable. Flou. Abominable. Infernal. Nuancé.

Le sommeil ne vient pas. J'ai peur. Sans repos, où trouverai-je la force de me lever et d'ouvrir ma fenêtre les prochains soirs d'argent ? Je finis par lâcher prise. Je m'endors.

Les semaines passent sans que j'aie de rendez-vous nocturne. Désormais, la nuit, mes volets sont fermés. Les ouvrir me fait trop de mal.

Mais la lune me manque. Tellement. Ce qu'elle m'enseignait, patience et douceur, m'était vital. Cette absence cruelle n'est aucunement compensée. Le soleil est chaud certes, mais la tendresse de la lune ne fait pas partie de ses qualités. Je suis exigeante, il en possède déjà plus que moi. Non, ce n'est pas la patience, la douceur et la tendresse que je recherche, mais la patience, la douceur et la tendresse de la lune. En mon for intérieur, je suis certaine que ce manque n'est pas réciproque : je ne suis qu'une personne admirative parmi tant d'autres. De plus, si elle devait côtoyer quelques personnes, il s'agirait forcément des plus assidues, présentes chaque nuit à leur fenêtre. Moi, incapable de faire l'effort de rester éveillée en pleine nuit comme eux, je la laisse s'éloigner.

Pourtant un soir, je finis par trouver la force de me lever pendant la nuit. Au-delà de ma fatigue s'élève la joie de la revoir. Je me précipite, ouvre mes volets et ouvre la fenêtre. Je sens mes lèvres s'étirer et sourire : elle est là, belle comme la neige, précieuse comme un diamant, douce comme un voile de soie, tendre comme le miel sucré des abeilles. Sublime.

La voie lactée étale ses langes autour des innombrables petites lumières. Je m'émerveille de ce cadre splendide. Je la regarde, inspire profondément, puis lui demande, pressée car j'ai peur de la perdre à nouveau : « Je connais le monde noir auquel tu appartiens, tu me l'as conté au fil du temps. Mais tu restes pour moi un mystère. Je t'en prie, dis-moi qui tu es ?

- Rien de plus que toi.

- Alors dis-moi qui je suis.

- Je ne le sais pas.

- Donne-moi de tes nouvelles, les nouvelles de ta vie qui n'est rien de plus que la mienne, je veux te connaître et te connaître encore. »

Alors, la lune conte.


Et si nous rêvions éveillés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant