ACTE III

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Trois mois ont passé. Rien ne s'est concrétisé, on est toujours ces deux mêmes adolescents empêtrés dans un manque de communication hallucinant. Tous les romans d'amour que j'ai pu lire dans ma courte existence me polluent la tête, je ne sais pas quoi faire. C'est dingue quand on y pense n'est ce pas Eole ? Elles ont toutes les embrouilles du monde qui leur tombent sur la tête ces héroïnes et pourtant elles trouvent toujours le moyen de s'en sortir toutes fraîches et toutes pimpantes. Et il y a moi, qui fais une montagne de la moindre émotion qui ose me traverser.

Il doit être dix-sept heures, tu n'étais pas sensé venir avant le soir mais tu es là. On vient d'avoir les résultats des épreuves anticipées du bac et on est fiers, rien ne peut venir entamer notre bonne humeur, c'est que je me sentirais presque invincible dis-donc... Alors on est là, enlacés, de l'eau jusqu'à la taille et protégés par les filtres colorés qui masquent nos yeux. J'ai le soleil dans les yeux Eole, si tu le savais tu aurais insisté pour qu'on change de position. Mais je ne dis rien, je fixe la plage par dessus ton épaule. Ta main se crispe dans mon dos, tu ne sais pas si elle est bien placée, si tu devrais la remonter ou l'enlever complètement. Je crève d'envie de t'embrasser et je sais que c'est ton cas également, de nous deux je suis celle qui calme les ardeurs et toi celui qui réprime les tiennes pour ne pas m'effrayer. Trois mois, trois mois que je te refuse jusqu'au plus innocent des baisers. Je crois que je ne suis pas prête, ça ne signifie rien mais c'est beaucoup pour moi, mon cœur implore le lâcher prise, ma tête l'ignore.

A l'intérieur de moi la bête demande grâce : « Ne vois tu pas qu'il n'attend que ça ? Depuis le temps qu'il patiente, pourquoi te rejetterais-t-il ? Merde, on te demande pas la lune non plus ! Enfin allez quoi, arrête de jouer à la fillette apeurée ! » Mais Eole, si tu savais... Je ne joue pas avec toi. Je t'accorde bien trop d'importance, je n'ai pas l'intention de te blesser et je m'en veux terriblement de ne pas être capable de surmonter mes appréhensions puériles. Je passe mon temps à douter de moi, de nous, de nous deux je crois que tu es celui qui aime le plus fort et je regrette de ne pas savoir montrer à quel point je t'aime moi aussi.

C'en est trop, je veux cesser cette résistance qui ne mène à rien. Je veux cesser d'avoir peur et de tout prévoir. Alors lentement j'embrasse ta joue. Ta respiration change Eole et je sais que tu te demande ce qu'il va se passer ensuite. Oserai-je ? Un autre baiser et mon cœur s'affole, j'ai fermé les yeux et je ne sais pas si ce dernier baiser a vraiment atteint son but. Je crois n'avoir eu que le coin de tes lèvres et pourtant j'ai envie de me noyer et de disparaître. Je meurs sous les assauts du jugement qui ne se porte pourtant que dans mon esprit. A ce moment précis, malgré les cris des enfants qui jouent et les éclaboussures de cet homme qui ne sait pas manier ses palmes, je veux croire que nous sommes seuls au monde Eole, seuls sur cette plage bondée.

Le message est passé, tu as finalement obtenu de ma part l'autorisation implicite que tu attendais depuis si longtemps. Alors tu prends les devants et dépose un baiser léger sur mes lèvres, au bon endroit cette fois. Je n'en peux plus, c'est trop pour moi, j'enfouis mon visage dans ton cou pour m'enivrer de ton odeur si particulière. Je ne veux pas que tu sentes ma gêne, je ne veux pas que tu lise ce que je ressens en sondant mes prunelles bleutées.

Je me sens bien, je suis heureuse, je ne regrette pas d'avoir attendu si longtemps, je t'aime, je te suis reconnaissante, je suis fière, c'était beau, c'était doux, c'était magique, c'était humide, c'était flippant, tout ça pour en arriver là.

Tomber (se jeter) à l'eau.

EoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant