ACTE VI

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 Nuit claire, lueur de lune et celle du lampadaire au coin de la rue se disputent le privilège d'éclairer nos corps. Peau à peau, sens en éveil, tes mains ont laissé une douce brûlure sur leur passage. Le sommeil nous guette, pourtant l'heure des révélations a sonné.

« Tu dors ? J'avais un truc à dire. Enfin... ça peut attendre demain sinon. »

Sans réponse, j'hésite à me lancer. Une légère pression de tes doigts sur mon dos nu m'incite à poursuivre.

« Hier, tu m'as demandé si j'avais été déçue par les résultats du concours. Je t'ai répondu que j'étais heureuse pour ceux qui l'avaient eu, mais que non, je n'étais pas déçue. C'était pas vrai. »

Tu le sais, j'ai salé ta chemise en enfouissant mon visage au creux de ton épaule. Pourtant tu n'as pas dit un mot et m'a serrée dans tes bras, comme tu le fais maintenant alors que je te tourne le dos.

« Je saurais pas te dire si j'ai été déçue véritablement. En tout cas pas de moi, pas vraiment. J'ai eu l'impression d'avoir déçu ceux qui croyaient que je pouvais réussir. Mes parents, ma famille, toi, le groupe, même certains de mes profs. Je vous en ai même un peu voulu. Voulu parce qu'au début je n'y croyais pas vraiment moi, j'étais même pas certaine de vouloir faire ça, mais au final vous m'avez tous persuadée d'y croire aussi. J'étais contente de ce que j'avais rendu en sortant de la salle, je m'étais amusée, qui sait, j'étais un peu fière de moi. Et au final je me suis pris une claque. La claque. »

Cette fois encore les larmes sont montées. Je ne sais comment les retenir. Ma poitrine s'agite de soubresauts incontrôlables alors que ma main s'agrippe rageusement aux draps. Contenir mes émotions. Allez quoi, on s'en fout. Y'a pas mort d'homme, pourquoi est-ce que je pleure ? Encore. Ridicule.

« Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles j'ai autant repoussé les révisions. Parce qu'au fond de moi j'avais l'impression que même si j'échouais, je préférerai qu'on dise de moi que j'étais juste une gandul, une flemmarde qui s'est pas donné les moyens de réussir plutôt qu'on pense que j'avais pas eu les capacités nécessaires. »

Tu ne dis rien Eole mais je sens que tu me serres encore plus fort. Je me sens mieux, tu m'apaises un peu.

« Après je me suis dit que j'aurais peut-être dû mettre ma fierté de coté, demander des conseils, des méthodes. Peut-être que c'est vrai au final, préparer seule un concours de cette importance c'est un peu suicidaire, même avec toute la volonté du monde. De toute façon, soyons sérieux un instant, j'aurais jamais eu l'oral. J'arrive déjà pas à parler aux gens pour leur demander des trucs anodins alors tu m'imagines moi, devant un jury dont l'objectif même serait de me mettre la pression pour voir mes réactions ? Nan ça colle pas... Peut-être qu'au final j'ai foiré les écrits pour pas avoir à me ridiculiser devant eux ».

Je suis toujours dos à toi, étendue dans ce lit qui nous fait comme un cocon. Je sens ton cœur qui bat contre mon échine, nos membres inférieurs sont inextricablement emmêles et le drap est encore humide de mes larmes. Tu n'as encore rien dit Eole, rien répondu. Mais j'ai le sentiment que cette nuit l'expression « se mettre à nu » n'auras jamais eu plus de sens, tant à la prendre au littéral qu'au figuré. On ne le sait pas encore mais pour la première fois je verrai tes yeux se remplir d'eau.


Tombent les masques.   

EoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant