Elle se peignait devant la glace. D'un geste inconscient et consciencieux.
Elle se peigne les cheveux devant son beau miroir. Elle se peigne les cheveux à côté de sa grande fenêtre. Et le ciel est gris. Et la rue est pleine.
Les individus crient. Les individus chuchotent. Quelque chose se passe. Un événement, une intrigue, un mystère. On se précipite, on bouscule. On se hâte pour savoir. Là-bas, un drame prend place. Quelque chose de grand, assurément.
Elle penche légèrement la tête sur le côté. Sa main traine doucement sur sa chevelure. Ses paupières se soulèvent et sa bouche s'ouvre légèrement. Ses yeux doux cherchent à voir au loin. D'une main, elle déplace le rideau.
La brosse glisse le long de sa chevelure. Elle s'accroche parfois. Les cris résonnent dans la rue. Les pas précipités s'accélèrent. Une lumière arrive jusqu'à la chambre, douce et tamisée.
Elle fronce les sourcils et se penche de nouveau contre la fenêtre. La rue s'est remplie. Elle déplace silencieusement le tabouret et se rapproche. Son angle de vue est meilleur. Il y a un dôme au loin. Il est lumineux. Une lumière éclatante et brillante. D'un joli bleu. Que se passe-t-il... ?
Le dôme semble se mouvoir. Le bruit sourd résonne dans la rue. Ses yeux s'agrandissent. Elle est curieuse. Ses lèvres se séparent, son front se colle à la vitre. En contrebas, les voisins des paliers inférieurs font la même chose. Un enfant s'est arrêté dans son mouvement. Il a les yeux rivés vers le dôme. Et son chien attend.
L'air devient plus intense. Le temps semble suspendu.
La porte de l'immeuble craque doucement. Des pas se font entendre. Les lattes craquent, dans les étages inférieurs. Les pas sont pressés. Le doux vent du dehors vient soulever le journal posé sur la coiffeuse. Les mots se courbent. L'image se brouille. Et le visage de ce sénateur tué devient distordu, une nouvelle fois. Il ne sera jamais président des Etats-Unis d'Amérique. Pauvre âme.
Son regard effleure légèrement le papier mais revient rapidement aux événements extérieurs. Ont-ils un rapport... ? Sa main glisse sur ses longs cheveux blonds. La brosse les survole. Ramenés sur son épaule droite, ses cheveux caressent sa peau blanche. Là où on trouve le relief du corps, là où naissent les seins neufs d'une jeune femme. La robe délicate frôle le plancher, au rythme lent de ses mouvements. La moire se froisse et le bruit à peine audible se noie dans l'espace.
Il y a quelque chose de magique dehors. Elle ne sait pas quel type de magie encore. Les commissures de ses lèvres roses se plissent en un sourire. Sa brosse à cheveux rejoint ses genoux tandis que le bruit extérieur enfle. Les lattes de parquet craquent. On monte. On s'approche d'elle.
Elle tend le cou pour mieux voir, voir un peu plus, voir. Autour du dôme se sont amoncelés des individus, formant un groupe uniforme. Les flashs des appareils photo s'enchainent. Une forme brouillée et brouillante ; les voitures renversées ; des dalles du sol enchevêtrées dans une cacophonie étrange ; le sol troué ; les petites flammes langoureuses ; des messieurs patients, la main levée on ne sait pourquoi. Voilà ce que montreront les images. Elle se demande si elle les verra le lendemain, dans le journal. Si les photos se courberont comme celle du jour même. Si on relatera un événement étrange, comme celui du jour même. Si on fera la nécrologie de quelqu'un. Comme celle du jour même.
Les lattes du parquet craquent. Sa brosse à cheveux retrouve sa main et sa chevelure est à nouveau parcourue par les dents de la brosse. Ils semblent se démêler petit à petit. La porte grince et les lattes du parquet craquent. Le miroir le reflète en arrière-plan. Elle tourne légèrement la tête. Sa bouche est légèrement entrouverte, ses yeux sont curieux. Quelques pas font craquer les lattes du parquet.
Et dehors, c'est la cacophonie. Le dôme s'agite, les chuchotements croissent, les flashs retentissent, les pas se précipitent. Un bruit sourd se fait entendre, quelque part dans le sol troué. Une pensée effleure vaguement son esprit. Est-ce le Metropolitan ? La lumière de la chambre devient plus éclatante. Les pas s'approchent et la brosse glisse tout doucement.
Et ses lèvres glissent. Et ses lèvres s'éloignent. Une dernière fois.
Elle voit la mince tige de bois dans sa main. En ont-ils une similaire ? Certainement. Il lui en a parlé. Il lui a décrit. Il l'a initiée à ce monde-là. Tout doucement la mince tige de bois se lève.
Une acclamation retentit dans la rue. Résonne entre les murs. Se propage sur les pavés. Du fond du sol troué s'élève un animal aussi superbe que terrifiant. Il s'élève dans le ciel grâce à ce qui semble être des ailes. La forme est indistincte. C'est qu'elle le voit du coin de l'œil.
Les lattes de parquet se sont arrêtées de craquer. La douce brise s'engouffre dans la chambre grâce à l'entre-bâillement de la fenêtre. Elle s'évapore dans la pièce, couvre avec une lenteur manifeste le lit aux draps défaits, qui expose un amour récent. Cette jolie robe jetée à terre. Ces collants laissés pour compte. Cette veste masculine abandonnée au sol. La sensualité.
C'est le ciel qui gronde désormais. La lumière bleue du dôme s'est métamorphosée en éclairs jaillissants. La foudre éclate au-dehors, illuminant les intérieurs. Elle les expose et les réunit dans leur intimité et leur singularité les plus profondes. Plop-plop-plop. L'eau goutte.
La main se fait plus sûre sur la baguette. L'index rejoint la naissance du pouce. Le poignet se serre.
Plop-plop-plop. La pluie tombe sur New-York. Les dalles se tachent de tâches humides. On cherche à se protéger. En vain.
Sa bouche n'a pas bougé. Ses cheveux attendent. Et le bras se tend.
Le ciel pleut. Il recouvre de gouttes les manteaux. Les toits sont mouillés. De fines particules d'eau atteignent les draps du lit.
Ses yeux sont curieux. Ses paupières se soulèvent et sa bouche s'entrouvre. La baguette pointe tout droit sur elle. Le geste est assuré.
Les vitres petit à petit se brouillent. Bientôt, on ne voit plus la rue. Ni ce qu'il s'y passe.
La main est sûre. Le poignet se serre. Le bras se tend. Et la baguette la vise. Il ouvre légèrement la bouche.
Oubliettes.
Elle se peignait devant la glace. D'un geste inconscient et consciencieux.
Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroirUn à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde mauditEt vous savez leurs noms sans que je leur aie dit
Et signifient les flammes des longs soirsEt ses cheveux dorés quand elle vient s'assemble
Et peigner sans rien dire un reflet d'incendieAragon
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La phrase en italique provient de l'œuvre d'Aragon, Aurélien, et les quelques vers sont tirés du merveilleux et splendide poème du même auteur, Elsa au miroir, qui m'a inspiré cet OS et dont je suis tombée amoureuse.
Un OS écrit à l'occasion d'un concours.
L'époque de cet OS, que je crains ne pas être assez claire, est celle des Animaux Fantastiques et se situe, pour celles et ceux qui ont vu le film, à la fin de ce dernier.Hélas, comme la semaine dernière, je ne peux vous permettre la publication d'un nouveau chapitre la semaine prochaine. Vous le croyez, vous, si je vous dis que les deux premières épreuves de mon concours ont été reportées à cause du cyclone de Nouvelle-Calédonie ? Aux samedis 22 & 29 avril. Moi-même j'ai encore du mal à digérer.
Mais du coup, je vais devoir rester encore plus concentrée donc j'ignore si j'aurais le temps d'écrire d'ici mercredi.Je m'en excuse.
En espérant qu'il vous a plu,
Laura.
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Nos souvenirs immortels
FanfictionQu'est-ce qui nous rattache à la vie ? Des espoirs, des sentiments, des souvenirs, rien de plus. Qui nous parcourent inlassablement, nous inspirent et nous éprouvent. Fred est mort, mais George non. Fred n'est plus là, mais George demeure. Qu'est...