La vie d'un enfant.

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《-Qu'est ce que la vie ?
-Tu le sauras plus tard. Tu es trop jeune pour comprendre.》
Les adultes n'ont pas le temps pour ce genre de question.
《-Pourquoi j'existe ?》
Cette question a sûrement trotté dans la tête de plus d'un enfant.
《-Ne sois pas insolent, écoute et respecte les adultes.》
Cette phrase, tous les enfants l'ont déjà entendu. Certains la respectent, d'autres non. Une enfant avait décidé de ne pas la respecter, de passer outre cet ordre.
《-Pourquoi les respecter, alors qu'eux-mêmes ne le font pas. Je ne suis qu'une gamine conne qui ne comprends rien à la vie pour eux, alors pourquoi les respecter ?》se disait-elle.

C'était une enfant pleine de vie, assez débrouillarde, elle aimait aller à l'école et retrouver ses amis, même si son comportement laissait à désirer, ses notes la sauvaient.
C'était une classe unie, tout le monde jouait ensemble, la maîtresse n'avait rien à dire.
《-Bientôt l'entrée au collège...pensait-elle.
《-Ah, au fait au collège, on risque de ne plus traîner ensemble.》lui avaient-elles dit.
Elle allait se retrouver seule ? Pourquoi ? Elle n'aimait pas être seule. Elle était bien avec eux.

《-Nouvelle classe, nouveaux amis.》
Elle devait aller vers des personnes qu'elle ne connaissait pas, elle n'aimait vraiment pas ça.
《-Ah, mais je la connais elle, on était dans la même classe en primaire.》
Elle n'était pas seule. Elle était sauvée.
Au final, elle s'était faite une autre amie, ensemble, elles formaient un groupe de trois. Elle était heureuse.
Une année passa, puis une autre. Deux ans passés avec elles. Des disputes, des malentendus, des délires qu'elle n'avait pas le droit de savoir, des moqueries, des mises à l'écart, une tentative de suicide ; elle n'était plus heureuse, mais personne ne le remarqua, pas même ses parents.
Elle n'aimait vraiment pas être seule.

L'enfant décida de couper les liens avec la fille qu'elle avait rencontrée en sixième, elle ne supportait plus ses mensonges à répétitions.
《-Tout ira mieux maintenant.》Elle en était certaine. Une nouvelle année, une nouvelle classe, tout ira bien, un nouveau groupe s'est formé.
《-Tu l'aimes, alors pourquoi tu lui demandes pas de sortir avec toi ?
-Pourquoi à "elle" il lui a demandé, alors que moi, non ?
-T'as qu'à la virer.
-Non, elle me fait trop pitié pour ça.》
Elle était derrière elles, les mains dans les poches, les yeux fixant le sol. Elle avait tout entendu. Elle était encore ignorée. Mais elle ne disait rien, elle ne voulait pas être seule.

《-Je sais que mon père n'est pas le grand-père que tu voulais avoir, et je ne peux rien faire pour le changer, il a toujours été comme ça, et il va falloir que tu fasses avec... Bernard est parti, ma chérie... il est mort...》
Hein ? Elle ne reverrait donc plus jamais le seul homme qui a été capable de la comprendre, et de l'aimer avec son caractère ?  Non ! Impossible ! Elle ne lui a jamais dit qu'elle l'aimait ! Elle n'a pas eu le temps de lui dire le mot "je t'aime" ! Il faut qu'il revienne ! Il faut qu'elle lui dise à quel point il lui est vital !
Trop tard. La boîte de marbre s'enfonce dans les profondeurs de la terre. C'est fini. Elle n'a plus que ses yeux pour pleurer, elle sait que cela ne le ramènera pas, mais elle ne peut s'y résoudre.
Il faut qu'il revienne.
Elle avait besoin de lui.

《-Trop, c'est trop.》
Elle partit, et sa soi-disant amie ne le remarqua pas. L'enfant s'incrusta dans un groupe, mais elle avait du mal à se faire accepter. C'est alors qu'elle comprit, pour avoir sa place, pour ne plus être ignorée, il fallait qu'elle se fasse remarquer, il fallait qu'elle change.
Elle changea. Elle n'était plus l'enfant joyeuse qui aimait aller à l'école, elle était devenue l'adolescente irrespectueuse, insolente, immature, insupportable et aigrie, mais elle n'était pas seule.
Tout allait bien.

Personne n'a remarqué ce subit changement de comportement, ses parents disaient que c'était la crise d'adolescence, elle y crut.
Son frère, elle le repoussa.
Ses parents, jamais rien elle ne leur a dit.
Pour elle, tout était normal.

Elle voulait être seule.
Elle ne savait pas pourquoi. Elle aimait la solitude autant qu'elle la détestait.
Elle redoutait chaque matin, car elle savait que les surveillants lui crieraient d'éteindre sa musique et de rentrer dans cette enfer ; chaque matin était le même. Chaque matin, elle devait quitter sa bulle, ce monde qu'elle s'était forgée pour survivre.
《-Tu n'es qu'un monstre d'égoïsme.》
《-Va te faire soigner.》
《-Il faut vraiment que tu ailles voir une psy !》
Tous ces mots censés la faire réagir, inconsciemment, la blessaient. Ses propres parents ne la comprenaient pas.

《-Un jour, je serai Présidente de la République !》leur avait-elle dit, aux surveillants.
Ils avaient tous rigolé. Comment une future délinquante espérait pouvoir le devenir ? Elle qui jouait avec leur autorité.
Pourtant, elle avait un but. Un combat a mené. Pourquoi personne n'attendait son cri silencieux ?

《-Le brevet... bientôt la fin... enfin...》
Elle n'avait pas révisé, mais elle s'en moquait. Elle voyait le bout du tunnel, la route de l'enfer allait se terminer.

《-Tu te fous de moi ?! Je t'ai autorisé à rester à la maison pour réviser, et tu n'as eu que la mention assez bien ?!
-Et ton avenir ?! Tu y penses ?!》
Ses parents lui criaient encore dessus. Elle ne les écoutait pas, ou presque, seulement d'une oreille. Le monstre d'égoïsme en avait marre d'entendre toutes ses voix lui hurler dessus. Pourquoi ? Parce qu'elle n'acceptait pas d'être sous l'autorité d'adultes qui ne l'ont jamais comprise, ni aidée ? Ils n'ont fait que l'enfoncer un peu plus. Comment pouvait-elle leur dire pourquoi elle agissait comme ça ?
Elle-même ne le savait pas. Laissez-la rêver.

《-Donne moi ton téléphone.》
Son monde lui échappait à nouveau. Elle allait devoir rester dans cette réalité qu'elle détestait autant que la solitude qu'elle aimait.

Silencieusement, elle hurlait.
Elle ne voulait pas grandir, ni devenir mâture ; elle redoutait de devenir adulte. Ce n'était pas elle qui ne comprenait rien à la vie, c'était eux. Eux, les adultes.

《-L'entrée en seconde, nouveau départ.》
L'enfer, elle n'y était plus. Enfin, elle l'espérait, elle avait peur malgré tout. Il ne fallait pas qu'elle reste fermée, sinon elle allait encore se retrouver seule, et elle n'aimait pas la solitude, elle voulait qu'elle parte, qu'elle la quitte. Elle ne voulait plus être seule.

Le premier jour, elles étaient quatre.
Le deuxième jour, elles étaient huit.
Elle n'était plus seule, mais elle continuait d'avoir peur, alors elle ne s'attachait pas, elle ne voulait plus souffrir. Elle restait en retrait, comment être sûre qu'elles ne la laisseraient pas tomber ?
Plus d'une fois, elle douta, mais elles étaient toujours là.
Un jour, elles n'étaient plus que quatre, le doute se fit encore plus fort.

Puis un matin, elle ressentit le besoin de se confier à l'une d'elle, elle ne savait pas comment elle allait réagir ; elle s'en moquait, elle ne lui dirait que l'essentiel de son vécu, peut être qu'elle comprendra.
Elle ne comprit pas son message caché, elle s'en doutait. Tout ce qu'elle cherchait, c'était d'être écoutée, et cela, son amie s'en était aperçue. Elle ne l'a pas jugée, elle l'a entendue. Elle lui raconta un peu plus à chaque fois, l'adolescente avait l'impression de redevenir enfant avec elle ; enfin, quelqu'un savait qu'elle existait.

Plus les jours passaient, plus elle redevenait elle-même, elle pouvait être enfant sans avoir peur.
L'enfer était réellement terminée, et plus jamais il ne reviendrait.
Elle était sauvée, elles l'ont sauvée.
Elle l'a sauvée.
Comment la remercier ? Comment les remercier ?
Elle ne sait pas, mais elle sait qu'elle leur est à jamais reconnaissante, même si elles ne le sauront peut-être jamais.

《-Vis tes rêves petite enfant. Tu n'es plus seule, tu n'as plus à avoir peur, un ange aux ailes roses t'a sauvée. 》

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