C'est en sueur, épuisé et affamé que je ressort de l'usine. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il puisse être, mais il fait nuit noire. L'épaisse fumée sortant des hauts fourneaux persiste à s'enfuir dans le ciel gris, malgré les rares ouvriers restés à l'usine. Je joue avec les quelques pièces gagnées grâce à mon travail. Je suis forgeron dans une gigantesque usine. Celle-ci me fait presque peur, tant ses murs épais et imposant surplombe le paysage. À l'intérieur, l'air y est irrespirable : ce mélange âcre de fer brûlant, de charbon et de vieilles cendres donne le tournis ! De plus, mes mains sont affreusements abîmés à force de répéter les mêmes tâches durant des journées entières. Mais " ne nous plaignons pas, il y a toujours pire que misérable ", comme dirait mon père. Celui ci est ouvrier dans la même usine que la mienne, mais lui forge tandis que moi, trop jeune pour effectuer ce dur métier, je ramasse, balaye, frotte, nettoie... Je finis tout de même à la même heure que mon père et les autres ouvriers, une heure si tardive que nous ne sortons jamais, ni en été ni en hiver, avant le coucher du soleil. Parfois je le vois, à travers les vitres sales, l'astre rougeoyant, fatigué d'éclairer la vies des passants, se coucher lentement pour laisser place à la lune,la mine grise, triste tel un amour perdu à jamais. J'aime beaucoup la nuit, elle ne me fait pas peur, comme certains pourraient le penser.
Un peu plus tard, après avoir laissé mon père au bar d'en face l'usine, je rentre chez moi. Les beuglements des hommes ivres marchant dans la rue, ou même ceux des autres restés au bar m'empêche de dormir. Alors je réfléchis : je pense à mon avenir... Que vais-je devenir ? Si je dois resté à l'usine toute ma vie, vais-je aussi mourir pauvre et malade comme mon défunt oncle ? Après tout, que pourrais-je bien faire d'autres ?
Toutes ces questions tourbillonnent dans ma tête, jusqu'à ce qu'elles en deviennent affolante. Ainsi, je pleure. Aussi simple que cela puisse paraître, je pleure, je vide toutes les larmes de mon corps. Malgré tout, cela me fait beaucoup de bien. Seulement quelques minutes plus tard, je m' endors, bercé par les cris ivres des passants...
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