Choisir : vt. Exercer son jugement, [...]

4

            Je ne peux m'empêcher de le dévisager. Est-ce qu'il m'a vue ? Reconnue ? Ça m'étonnerait assez. Je me demande ce qu'il fait là, avec cette fille. Enfin, d'un autre côté, ça semble évident, mais mon Monsieur Sexy avait davantage l'air du genre de gars à côtoyer des restaurants de luxe plutôt que des bars miteux au fond d'une ruelle. Puis je me rappelle où je l'ai rencontré et me dis que peut-être pas, finalement. Je trouve quand même ça bizarre de le voir ici. Et puis franchement, quelle était la probabilité de je le revoie ? Zéro. Niet. Nada. Et pourtant... Le couple me passe devant et tandis que la femme est toujours pendue au bras de Monsieur Sexy, celui-ci me jette un regard, sans doute dérangé d'être ainsi dévisagé. Il ne semble pas me reconnaitre mais m'adresse un signe de tête puis continue son chemin, entrainé par la pouffe qui lui sert de compagne. Quand même... Que pouvaient-ils bien faire là-dedans ? Ce pourrait-il que la femme soit... une « travailleuse du sexe » ? Si sa tenue pourrait le laisser présager, la prestance de son cavalier exclut presque tout de suite cette possibilité. Comme s'il avait besoin de recourir aux services d'une prostituée pour se donner du bon temps ! Vu son physique, il n'avait certainement pas besoin de payer pour ça. Des tonnes de filles devaient lui tourner autour et il ne devait avoir que l'embarra du choix. Je me sens un peu honteuse d'avoir jugé cette fille si vite, dans une vague assez incongrue de jalousie. Après tout, de quoi devrais-je être jalouse ? J'ai un copain qui me satisfait pleinement (la blague !), je n'ai pas besoin d'aller voir ailleurs. Mais je ne peux m'empêcher de penser que c'est mon Monsieur Sexy. C'est bien avec moi qu'il a plaisanté, quelques semaines plus tôt. C'est moi qu'il a draguée. Il est indéniable qu'un courant plus ou moins intellectuel est passé entre nous ce soir-là. Oh, qui tenté-je de convaincre ? Comme si j'avais le moindre espoir, la moindre chance ! Dès le début, j'avais été très claire avec moi-même : je ne reverrai jamais cet homme et je devais me le sortir de la tête. Et juste maintenant que je décide enfin de tenir mes bonnes résolutions, voilà qu'il réapparait ! Crotte et crotte ! Comme si je n'avais pas assez culpabilisé de penser à lui au lieu de Kenan.

Je décide de me secouer et, au lieu de rester plantée là, je rebrousse chemin et emprunte le même chemin que le couple. Mon intention n'est pas de les suivre, évidemment, seulement de sortir de cette rue finissant sur une impasse. Toutefois, une fois à la lumière de la grande avenue dans laquelle j'arrive, je ne peux empêcher mon regard de fixer la foule, à la recherche du couple. Il me semble les apercevoir au loin mais, de toute façon, ils vont dans la direction opposée de la mienne. Voilà, reprends-toi Alex ! Tu ne vas quand même pas laisser une « quasi » rencontre te détourner de tes nouvelles résolutions quand même ! J'ai envie de voir mon copain... Il me changerait sans doute les idées. D'un autre côté, je n'ai pas envie de le déranger s'il répète. J'opte pour la solution intermédiaire et lui envoie un message pour savoir s'il est libre ce soir.

« Non, on répète toute la soirée et les copines sont interdites. Pas de distraction, désolé. Bye. » me répond-il. On ne peut pas dire que je sois vraiment surprise, seulement un peu déçue. Mais je m'y attendais alors bon. Je sens que mon moral retombe et pour éviter la déprime, je propose aux filles de sortir.

« Un resto ce soir ? » leur envoie-je. Rebecca est d'accord, mais Anita a un repas de famille et Juliette ne peux sortir qu'à partir de 20h30. Je change alors mes plans et leur propose de se retrouver pour sortir ce soir, après manger. Je récolte trois oui, Juliette pose la condition de choisir elle-même la boîte. J'invite également Camille mais elle décline.

« C'est à cause de ta timidité ? » lui demandé-je. « Pas vraiment... Je me sens pas trop à l'aise dans ce genre d'endroit. » répond-elle. « T'as déjà essayé ? ». « Pas vraiment... ». « Alors viens avec nous ce soir, comme ça tu seras fixée. Si t'aimes vraiment pas, tu le sauras pour de bon. ». « Okay... ». « N'amène pas Alex, c'est soirée fille ! ».