« Callie Rose n'est ni Nihil, ni Prima. Et dans ce monde où chacun doit appartenir à une catégorie, à une caste, elle se sentira peut-être obligée de choisir son camp. Alors qu'elle appartient aux deux. Alors qu'elle n'appartient à aucun. »
Clairefontaine-en-yvelines
Terminer mon article sur Deschamps était devenu une mission impossible, vu le nombre de journalistes à qui il devait consacrer du temps et des entraînements qu'il devait assurer. La chaleur, cette matinée là à Clairefontaine, était telle que je dû abriter mon corps pesant de fièvre dans l'ombre des feuilles des arbres qui faisaient face au terrain. Mon regard vacillait entre le joueur qui s'entraînait énergiquement, son corps ruisselant de sueur et le croquis que j'avais entamé des colzas dont le vert s'étiolait en une lutte inégale avec le souffle brûlant de la fournaise qui nous avait envahis. Je dû me contenir afin de ne pas plutôt représenter le ravissement extatique que proposait le jeune homme qui avait marqué son omniprésence dans mon esprit, déjà assez perturbé.
Si on n'omet de prendre en considération le déséquilibre acquis de celui-ci, je dois avouer que ce qui m'a le plus perturbé c'était de la voir elle, ayant le même centre d'attention que moi. Seulement, avait-elle la même obsession que moi ? Avait-il intoxiqué ses pensées tel qu'il l'avait fait avec les miennes ? Souffrait-elle constamment de le désirer et de n'avoir statistiquement aucune chance de satisfaire un désir qui n'a d'autre issue que de se transformer en douleur ? L'avait-elle condamné à l'humiliation elle aussi ? En dévoilant au grand public ce qu'il avait voulu le plus cacher ? Etait-elle la personne qu'il méprisait, haïssait et maudissait le plus sans qu'il ne le sache exactement ? Etait-elle obligée de raviver cette haine pour se prouver à elle-même qu'elle était digne d'un journal ? Non, tout cela ne s'appliquait qu'à moi.
Elle était plantée là, au bord du terrain, insensible aux chauds rayons du soleil qui se projetait sur ses traits endurcis et à l'immonde chaleur qui m'avait faite capituler. Telle une belle écaillère d'un roman de Balzac. Telle un modèle de Rubens. Telle la madrilène qui a du un jour avoir conquis le cœur du suspect, comme les conquistadors espagnols avaient conquis les empires aztèques et incas pour les modeler à leur manière. La question qui me brûlait les lèvres était la suivante : était-elle la cause de la haine d'Antoine envers Benjamin ? Cette même haine qui avait fait de lui un suspect ? J'avais parfaitement compris la satire de l'homme jaloux qu'avait proposé Molière en 1662, bien que burlesque, elle était tout à fait juste et s'appliquait même aux temps modernes. Un homme qui se sent menacé sur le plan sentimental est prêt à tout pour éliminer son adversaire, à un degré un peu plus important si celui-ci avait été doté d'un brin de folie.
Ayant longuement observé Antoine, j'ai pu constater qu'il me ressemblait énormément. Il essayait toujours de prouver qu'il était capable de se surpasser. Il parlait peu et gardait constamment son masque pour éviter d'être cerné et comme moi, il n'avait pas le courage de se confier à qui que ce soit. Cela se comprenait parfaitement, ses proches ne pouvant être des dérivatifs adéquats à ses tourments. On n'avait pas confiance en lui. Et il ne cherchait pas non plus à leur prouver son innocence , par défaitisme. Je me reconnaissais parfaitement dans cette manière d'agir. J'ai toujours su que j'avais été la principale cause de dispute de mes parents, bien qu'eux même ne sachent pas que j'en suis parfaitement consciente. Mais je n'ai jamais rien fait pour empêcher leurs querelles d'évoluer jusqu'à avoir brisé leur couple. Par défaitisme. J'ai toujours préféré penser que je n'y pourrais rien de toute manière.
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A Drop In Your OCEAN | AG
Fanfiction"On provoque nous même ce qui nous arrive, et ensuite on appelle ça le "destin". Quoi de plus facile quand on choisit un chemin glissant que de prétendre qu'on y était destiné ?" L'être humain est en constante recherche pour obtenir aquérir...