Il ne savait pas ce qu'elle avait gagné, mais c'était le cas. Elle n'avait rien fait de spécial, mais elle l'avait fait.
Et il ne savait pas si c'était la nuit ou ce chat, mais il perdit. Et il lâcha prise, après toute cette pression. Il coula dans un moule solide et protecteur. Abandonnant.
Harry s'assit doucement sur un pouf qui trainait, prit délicatement le chat contre lui, le soumettant toujours à ses caresses attentionnées et réconfortantes. Il releva son visage de ses longs poils écrus, et croisa brusquement le regard joyeux de la jeune femme qui déposait avec précaution les deux tasses de thé au miel. Il la remercia, et prit entre ses doigts la longue cuillère ornée d'un petit oiseau vert, il sourit intérieurement et pensa à son tatouage gravé au torse.
« Je suis chanteur. » déclara-t-il soudainement.
Elle lui fit face, les yeux brillants et le sourire grand. « Il me semblait bien que j'avais déjà vu sa tête. » Mais elle ne dit rien à claire voix, elle s'installa simplement sur un autre siège, prêtant attention au brun, attendant le reste.
Et il ne savait pas si c'était la nuit ou ce chat, ou bien même ce visage encourageant, mais il continua.
« Je suis chanteur dans un groupe. Groupe extra connu et populaire, attirant toute l'attention des adolescentes et quelques autres exceptions. » Il baissa de nouveau ses yeux sur l'animal poilu, remarquant comme pour la première fois son pelage doux. Mais elle ne l'interrompit pas et attendit patiemment qu'il soit prêt, et il la respectait pour ne pas le brusquer. « Je suis le principal centre. J'aime cette image, j'aime contrôler mon personnage. J'ai horreur que les gens pensent que je ne suis qu'un vieil ado en crise qui ne sait pas ce qu'il fait et est embarqué par le star système. Et c'est bête qu'ils pensent ça, pour eux. » Il braqua ses iris jades dans ceux marron aux cils noirs et rallongés de la jeune femme. « Parce que je suis parfaitement conscient de tout ce que je fais. Absolument tout. » Il redescendit ses billes vertes, encore, accablé par d'incessantes images. « Mais je me suis fait avoir. Et j'ai déçu. » Il avala difficilement sa salive. « J'ai déçu tout d'abord mes meilleurs amis. Mais avant tout et surtout : ma mère. » Le jeune homme replongea une nouvelle fois ses yeux dans ceux de Filna, ne faisant que cet aller-retour. « Et qu'est-ce qu'il y a de pire que de décevoir sa maternelle ? Voir ses prunelles tristes et désespérées. Comme si j'avais changé... Que je n'étais plus son fils chéri et adoré. Que j'étais désormais un membre commun à la famille. Je n'ai plus cette place... Cette place, tu sais. » Il glissa ses doigts entre les poils blancs cassés de Boule, se terrant désormais dans le silence.
La châtaine était toujours face à lui, dans la même position que quelques minutes plus tôt. Rien n'avait changé. Elle ouvrit lentement sa bouche, réfléchissant profondément aux prochains mots qu'elle emploiera.
« Une mère, Harry, aime son fils malgré tout : les joies, les déceptions, les trahisons, et tout le reste. On n'arrête pas un lien maternel, on le blesse simplement mais on ne le coupe pas. »
Il refit pour la énième fois le trajet de la boule de poils à la jeune femme.
« Je n'y crois plus. » prononça-t-il faiblement, mais distinctement.
« Plus jamais tu ne me dis ça. Je veux que tu y croies. »
Il clôt ses paupières rapidement en signe d'accord. Il essayera.
Pas convaincue de sa réponse, elle se leva de son fauteuil et se positionna devant le bouclé. Elle souleva durement son menton, de façon à ce qu'il ne quitte plus ses yeux ambrés. Et elle lui demanda, déterminée, avec une pointe de provocation :
« Pourquoi es-tu ici ? »
Elle attendait une réponse précise. Elle savait ce qu'elle voulait entendre. Et elle savait que c'était la raison de sa venue ici. Et elle le pousserait à le dire de vive voix, quitte à le voir s'en aller par la suite, même s'il y avait plus de chance qu'il parte par l'angoisse.
« Pour me reposer. » dit-il timidement, essayant de fuir son regard insistant. Elle secoua la tête lui signifiant que ce n'était pas ça.
« Pour profiter de mes vacances ? » tenta-t-il. Elle inclina son visage sur la droite, lui indiquant que non, qu'il pouvait faire un effort et mieux.
Il soupira longuement et bruyamment. Il ne voulait pas le dire tout haut, il ne voulait pas réaliser. Il ne voulait pas se responsabiliser pour de bon.
« Je suis là pour prendre du recul. Pour me rappeler mon enfance que j'ai souvent passée ici. Pour revenir au temps où je n'étais qu'un chérubin innocent. Je suis venu ici pour prendre mes distances. Je suis ici pour réfléchir. Pour faire un point. Pour prendre le vrai air. Pour sortir de mon quotidien. Pour comprendre pourquoi je suis ainsi. Pour savoir si j'ai changé. Pour savoir si je veux que ma mère me retrouve comme j'étais. » Harry arracha l'emprise de sa main sur son menton, d'un geste féroce. Il se redressa précipitamment, éjectant au passage le chat légèrement endormi sur ses genoux, au sol, et se dirigea vers la porte d'entrée du studio ; il craquait totalement et s'enfuyait comme il le pouvait. Mais il finit d'abord sa déclaration. « Je suis venu ici pour me pardonner. »
La porte claqua, résonnant dans tout le petit appartement. Et Boule miaula tristement et partit en trainant les pattes dans son panier moelleux, il posa son museau sur ses bouts de pattes royalement ; lui montrant qu'il lui en voulait de l'avoir fait partir.
Mais elle ne prit pas en compte la réaction puérile de son chat, et puis c'est tout de même un chat. Seulement, Filna avait blessé l'égo d'Harry. Et elle savait à quel point cela faisait mal, mais elle l'avait poussé à parler. Ce n'était pas tant qu'elle s'en voulait, puisqu'elle était persuadée que maintenant il pourrait avancer. Par contre, elle ne souhaitait peut-être pas autant de dégâts ; elle l'avait surestimé.
Elle tomba rudement au sol, et se mit à penser, à s'en endormir, ce qui ne tarda pas. Et elle essaya de ne pas comprendre ses rêves perturbants qui lui rappelaient sa situation passée et qui la plongeaient encore un peu plus dans son pull remonté.
Laissant ces deux tasses intactes, remplies d'eau eux arômes de miel naturel, refroidir seules sur la petite table basse en bois clair.
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décombres // h.s
Fanfiction« Pour la première fois, depuis qu'elle l'avait rencontré en cette froide après-midi de février, il lui sourit. Ce fut une révolution. »