séquence 5 a

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          Harry savait exactement pourquoi il était venu ici : pour se retrouver. Ce dont il n’avait pas connaissance était la raison du rayonnement certain de Filna. Il n’arrivait pas encore à admettre qu’un être humain pouvait contenir autant de joie et de pétillant qu’elle en avait. Le jeune homme ne l’assimilait pas mais en tout cas, il la remerciait pour ça, et le reste.

          Ce n’était pas un rêve Harry était bel et bien revenu. Tous ceux qui le connaissaient un minimum, savaient que ce n’était pas de sa nature. Et si vous leur demandez alors, de donner une explication à son acte, ils en seraient totalement incapables, tout autant que lui. Il avait agi comme ci son choix avait été dicté par autre chose que lui-même et rien ne le justifier vraiment. Quoi qu’il en soit, il était revenu, malgré lui ou non.

Tous les deux avaient fait leur tour de téléski, et bien d’autres, comme l’avait souhaité le bouclé, la châtaine n’était pas contre ceci dit. Qui refuserait un peu de temps au beau milieu de la neige scintillante? En fait, peut-être bien Harry. Rien de ce qu’il faisait depuis quelques jours lui correspondait vraiment, mais pourtant il était content de le faire, alors peut-être bien que si.

Ce qui fut le plus surprenant, ainsi qu’inouï, fut tout d’abord que la native l’avait convaincu de se chausser de ski, et d’en pratiquer. Mais surtout les sensations qui l’avaient sillonné le premier coup. Une fois le haut de la piste atteint, il n’avait pas daigné regarder le flan large et pentu, il avait enfourché ses bâtons et s’était lancé comme ci plus rien ne le retenait au sommet, sans aucune pression, mais une peur envahissante. Ce ne fut que lorsque les bourrasques de vent s’enfouillèrent entre ses brins bruns, fouettaient avec audace son visage et s’engouffraient avec violence entre les failles de ses lèvres qu’il écarta enfin ses paupières, laissant la lumière s’infiltrait aux creux de ses pupilles. Le débutant explora de son regard l’étendue de la campagne gelée et sa beauté fantastiquement merveilleuse, et toute une accumulation fourmillante de sensations lui traversa son sang bouillonnant. Cette adrénaline renversante, la même qui l’avait parcouru lors de leur première prestation en tant que groupe ; celle qui désormais était dépassée et oubliée. Elle refaisait surface comme une vague longtemps plongée au plus profond de l’océan qui redonnait le sens à ce qu’ils faisaient ensemble. Celui qui devait les élancer aux devants des scènes les prestigieuses du monde. Avec son envie enfin retrouvée, Harry continua sa glisse revigorante.

Ils étaient également montés à l’aide du tire-fesses, évitant d’énièmes fois de goûter la neige tassée, redescendus en glisse sur leurs skis, ou du moins ils avaient tentés. Tout ceci partagé avec des fou-rires en tout genre : quand l’un s’écrasait sur le sol poudreux, que l’autre prenait une belle boule blanche en pleine figure. Lorsque l’un ratait son tour à la remontée et courrait après l’engin, que l’autre voulait se venger du froid reçu sur son visage mais qu’il se prenait les pieds dans un méli-mélo qui le faisait s’étalait à plat ventre contre la neige fraichement tombée où l’un l’y rejoignait finalement les larmes aux yeux par le rire puissant et clair.

Pendant les deux mois qui suivirent, ils firent presque tous les jours, des excursions à la station familiale sur la montagne. Et Harry s’offrait de plus en plus, apprenant, comme il le devenait, à avancer. Il ne voulait pas encore pardonner, mais il y gardait dans un coin de son système nerveux pour un soir où le sommeil ne lui viendrait pas. Il n’en parlait pas mais son groupe était en pause pour trois mois, il ne lui restait désormais que deux semaines. Deux infimes semaines pour profiter de cette jolie chocolatière, et à cette pensée lui vint un flot de belles paroles qu’il ne saurait tenir mais qu’il souhaitait jusqu’à la pointe de ses boucles effacées.

De son côté, Filna remarqua le plus important, mais surtout le réalisa, une fin d’après-midi où la brise était agréable et le soleil encore présent dans le haut-ciel, sur le chemin du retour qui les menait jusqu’au chaleureux bistrot de la vallée. Ils étaient encore vêtus de ces grosses combinaisons de ski, encombrantes et étouffantes, chaussés de ces bruyantes chaussures en fer et plastique, ces épaisses lunettes relevés sur leurs fronts leur permettant de tenir en arrière leurs chevelures emmêlées et transpirantes, et bien évidemment, ses longues et fines planches lissées sous le bras : chargés comme des mules. Cependant tout cet attirail ne l’empêcha pas de saisir ce petit détail qui ravageait tout. Les yeux du brun ne brillaient qu’en sa présence et son sourire.

Et ce fut une fois leur course acheminée et assis sur les chaises en métal argenté, dégustant avec plaisir leurs chocolats accompagnés d’une mousse généreuse et d’un supplément de coulis de chocolat, qu’elle fit le plus essentiel de son observation, le lien qui lui fit comprendre l’absolu et démarrer leur début. Cette confiance qui lui manquait été sous ses yeux depuis plusieurs jours, mais il fallait le temps au temps ; c’était désormais accompli : elle avait saisi. Elle était ailleurs, jetant des yeux attentifs au paysage qui lui faisait face. Ces montagnes environnantes et splendides, elles se succédaient à perte de vue, s’allongeant jusqu’au fin fond du comté. Filna avait toujours vécu ici, elle ne faisait donc plus tellement attention à ce qui l’entourait et pourtant, ce jour-ci où elle prit ce temps précieux et mémorable, elle perçut cette neige blanche et scintillante, au soleil. Tout était là, juste là. La neige ne brillait que sous l’influence des rayons lumineux de la boule enflammée. Observez un jour d’hiver et de froid, comme la poudre pâle est jouée de l’ombre des grands pins et des faisceaux radieux. Terne, éclatante. Terne, éclatante. Terne, éclatante.

Les jades d’Harry ne devenaient émeraudes flamboyantes que lors de son apport de rayonnement. Ses yeux verts ne s’habillaient de ce point ambré que et exclusivement lorsque Filna apparaissait. L’irradiation du jeune homme venait de cette femme châtaine et joyeuse. Elle était son astre lumineux.

Elle se trouvait toujours sur ce fer réchauffé, tremblante et parcourue d’un frisson exclusif et plaisant, elle accrocha ses doigts bizarres au poignet de la chaise, arrêta de sourire le temps de quelques secondes et le changement s’opéra : plus de petite nuance. La chocolatière le fixa tendrement, un sourire sincère perchait aux coins de ses lippes. Elle souriait pour de vrai.

décombres // h.sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant