séquence 4

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          Ses pieds armés de ses bottes marron foulaient rapidement le sol neigeux, ses avant-bras s’entrechoquaient contre ses côtes, son souffle s’entrecoupait à une vitesse folle et sa poitrine s’échafaudait. Il sentait ses mollets tirer et ses muscles se tendre.

Quelques heures, simplement quelques heures. Il était arrivé ici dans ce coin peu côté, il y a moins d’un jour. Il était venu pour être tranquille, Harry ne voulait pas penser, ni même réfléchir. Mais elle a débarqué avec son sourire constant et sa mèche châtaine. Parce qu’il y a toujours cette rencontre, des plus niaises aux plus ringardes, mais elles arrivent. Le brun ne lui avait rien demandé, à part de lui rendre ses chewing-gums. Simplement, et voilà où il se trouvait.

Il surplombait absolument tout. Il était situé dans les hauteurs ; il ne savait même pas comment il avait pu tenir pour monter si haut, ni même comment il avait réussi à l’atteindre. Dans tous les cas, le cadet l’avait fait. Toutes ces lumières scintillaient faiblement et lointainement. Il retrouvait ce contrôle qu’il appréciait tant. Le pouvoir de diriger. D’un bout de doigt, il masquait ce qu’il souhaitait, comme si toute décision lui appartenait. Parce qu’il pouvait choisir.

Perché au sommet de cette montagne blanche de pureté, il prenait le vent, se laissant fouetter et percuter par la brise hivernale. Il ne savait pas ce qu’il voulait faire, il ne savait plus où aller. Mais surtout, Harry ne savait pas à qui pardonner.

Pour commencer, pardonner n’était ni dans son vocabulaire, ni dans sa nature ; le point était vite fait. Ensuite, il ne comprenait pas forcément son sens : pardonner ? et alors ? pourquoi ? Et surtout, en avait-il la force ?

Le jeune homme finit par s’asseoir, laissant l’humidité s’infiltrait à travers le tissu de son vêtement pour rencontrer froidement sa peau fragilisée. Observant particulièrement chaque éclairage blanchâtre, se disant que l’une d’elle, peut-être, correspondait à celle de Filna. Peut-être celle-ci, à l’angle au sud-est. Non. Ou bien, celle-là plus haut. Il n’en savait rien. Il ne savait même plus d’où il venait, ni par où il était passé. Et ne pas connaître son chemin du retour ne le perturbait guère plus que ça.

Il avait toujours voué une grande attention à l’amour. Ce n’est pas pour autant qu’il en devenait obsédé, non, mais il y consacrait une partie de son énergie. Du moins, à un certain temps. Puisqu’ensuite il avait pris goût à l’attente. Il patientait jusqu’à un beau jour, une jolie fleur pointe une de ses splendides pétales, il espérait surtout. Il l’avait souhaité de tout son cœur, mais les médias s’en étaient mêlés. Et quoi de plus humiliant que de voir partout qu’il était un homme trop sensible, niais, stupide, aveuglé ? Alors, il avait décidé de jouer ; et c’était mal retombé. Il avait voulu ; il avait trouvé.

Et alors, Harry avait perdu foi en lui, en sa propre personne, en l’amour qu’une personne pourrait lui porter. Il avait lui-même choisi de devenir ce qu’il était : ce garçon froid, distant, méfiant et renfermé. Quelque fois une nouvelle étincelle apparaissait, pour finalement repartir et cela expliquait ses humeurs changeantes. Néanmoins cette attitude devait flatter la personne qui la faisait naître, car elle était rare et sincère et surtout : signifiait quelque chose.

Filna lui avait permis de parler. Il ne lui en voulait pas tant, c’est lui qui l’avait fait. Mais il était en colère après lui ; il avait brisé la règle qu’il s’était imposé inconsciemment. Harry avait cédé. Il n’aurait jamais dû accepter ce chantage, il n’aurait jamais dû ressentir cette sensation lors de cette soupe (anodin que ça vous semble, lui y accordait une grande importance) ; il n’aurait jamais dû venir ici.

La dernière fois qu’il était passé dans ce village, il était encore un jeunet pur, innocent et simple. Et il n’aimait pas celui qu’il était devenu. Ca lui passera, se disait-il. Avec de l’aide, osa-t-il s’avouer.

Et ce fut sur cette dernière remarque qu’il se releva avec lenteur, prenant appui sur sa paume collée au sol gelé. Le bouclé observa une dernière fois cette majestueuse vue qui lui était présentée ; se promettant qu’il l’amènerait peut-être un jour, s’il se pardonner ; lui tourna le dos, et repartit tranquillement à travers les bois, n’ayant nulle peur de ce noir, de gémissement d’animal ou même de son avenir. Il voulait établir ses pardons.

                Elle avait repris son petit cours de vie. Elle partait chaque nuit, aux alentours de l’avant aube, elle allait à pied jusqu’au délicieux commerce où elle travaillait, elle faisait prendre forme à toutes sortes de chocolat avec joie, elle quittait son travail tout en l’évitant (non, pas celui que vous pensez), elle passait en coup de vent chez ses parents, y buvait un café, puis elle rejoignait son coquet logement à l’aide de ses éternelles chaussures blanchâtres, elle retrouvait son mignonnet de chat, elle le cajolait avec tendresse, elle mangeait un léger repas, et elle refermait son schéma dans son lit douillet.

Et en cette journée du plein mois de février, la sonnette tinta, un client fit son entrée et elle savait que aujourd’hui elle devait également s’occuper de la vente ; elle qui avait pour habitude de rester dans l’arrière boutique ; pour cette raison, elle se précipita une nouvelle fois dans l’autre partie consacrée à la vitrine et aux achats, où elle s’était déjà rendue tout le début de matinée ; et elle le découvrit là, les yeux pétillants, abordant ses bottines en piteux état, un jeans noir usé, une chemise bleu de différentes teintes, ses cheveux dans un désordre ambulant et il était beau. La porte claqua après son entrée et elle remarqua la chaine en argent agrémentée d’un avion miniature, qui pendait autour de son cou. Il devait avoir froid, pensa-t-elle, malgré cet air dur qu’il se donne.

Harry ne s’était jusqu’alors pas manifesté d’une quelconque manière. Mais en apercevant un coin de ses lèvres se rehausser légèrement, elle comprit qu’il était déjà passé plusieurs fois depuis la dernière fois. Et que, aujourd’hui, Harry la revoyait, enfin.

Il s’approcha du comptoir, y déposant calmement ses mains tremblantes. Elle lui sourit poliment, cachant son immense contentement.

« Salut. » prononça-t-elle délicatement, étirant encore son sourire resplendissant.

« Bonjour » répondit-il, avec des yeux aguicheurs et gourmands en direction de l’étalage garni que proposait la chocolaterie.

Filna le laissa explorer ses petites confections chocolatées, persuadée qu’il n’en était pas à sa première venue malgré sa concentration inébranlable. Il avait les yeux plissés et les lèvres pincées, on pouvait admettre que son choix lui était crucial. Il examinait méticuleusement chacune des pâtisseries alléchantes devant lui. La jeune femme scrutait avec attention les doigts d’homme qui se promenaient avec envie sur le verre froid de son présentoir. Et elle guettait le signe qui lui indiquerait qu’il aurait élu son achat. Tandis que le bouclé spéculait d’avance sur ces petites merveilles, il pensa que s’il avait plus d’audace, il aurait fait rapidement le tour de la vitrine et aurait engouffré avec avidité chacun de ses péché-mignons. Il éluda une dernière fois les produits et pointa déterminément son index sur un en particulier puis sur un autre et encore un autre.

« Je voudrais celui au chocolat et nougat, celui-ci avec des framboises confites, » récita-t-il en glissant sa langue rugueuse sur sa lippe inférieure sèche. « le doublement chocolaté, et puis surtout, un tour de téléski. » exigea-t-il doucement, connectant ses iris vertes, les paupières papillonnantes.

La châtaine lui offrit un sourire éclatant, toujours et encore, approuvant sa demande.

Harry était revenu de lui-même. Quelle avancée faisait-il ? Se laissaient-ils une chance ? 

décombres // h.sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant