Lettre 4 Exupery

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Monsieur Marc Bloch le 1er juillet 1943

Siège de la France libre 4 Carlton Gardens

London, England

Cher Monsieur Bloch,

Je ne reviendrai pas dans notre Mère Patrie avant la fin de la guerre, je pars demain avec mon unité à Marsa. Je retourne enfin aux combats après des mois d'inactivité. Ne vous inquiétez pas, je continuerai à vous écrire pour notre projet.

D'ailleurs commençons à débattre, pour moi la Bérézina française de 1940 s'explique notamment par la futilité de certaines missions. Comme je l'ai écrit dans mon roman, Pilote de Guerre, « Nous sommes fin mai, en pleine retraite, en plein désastre. On sacrifie les équipages comme on jetterait des verres d'eau dans un incendie de forêt. ». En quelques semaines, mon groupe de reconnaissance a perdu 17 équipages dans des missions toutes plus inutiles, les unes que les autres, comme celle que j'ai exécutée « Ils nous envoient survoler, à sept cents mètres d'altitude, les parcs à tanks de la région d'Arras ». Dès que mon commandant nous a donné cette mission, mes frères d'armes et moi, avons tout de suite compris que c'était une mission sacrifiée. A quoi pouvait servir ces renseignements ? Aujourd'hui encore je me pose cette question ...

Si toutes nos missions ont été réalisées à des fins si pittoresques, nous ne devons pas nous étonner que la campagne de France soit une catastrophe pour notre armée.

Dans l'attente de votre réponse,

Saint Exupéry

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