Lettre 9 Bloch

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Monsieur de Saint Exupery            le 26 Août 1943

Marsa, Tunisie

Cher Antoine,

Je pense que nos courriers vont devoir s'espacer. En effet, l'étau se resserre, je le sens. La Gestapo est sur mes talons, je vais devoir changer de cache, peut-être repartir à Londres, ce qui devrait, je l'espère, faciliter notre correspondance.

En attendant puisque vous me parlez de la ligne Maginot :

Si nous n'avons pas eu assez de chars, d'avions ou de tracteurs, ce fut, avant tout, parce que l'on a englouti, dans le béton, des disponibilités d'argent et de main-d'œuvre, qui n'étaient assurément pas infinies, sans pourtant avoir la sagesse de bétonner suffisamment notre frontière du Nord, aussi exposée que celle de l'Est. On nous a apprit à faire reposer toute notre confiance sur la ligne Maginot. On préféra se hâter encore de couler des blockhaus en ciment, dans le Nord, qui, pourvus de défenses efficaces, seulement vers l'avant, furent pris par derrière. Nos troupes durent employer tous leurs efforts, à creuser, afin de couvrir Cambrai et Saint-Quentin, un splendide fossé antichar, que les Allemands atteignirent, un beau jour, en partant de Cambrai et de Saint-Quentin. Les Théoriciens, nous affirmaient que les cuirasses dépassent en puissance le canon, entendez par là, où la position fortifiée est pratiquement inexpugnable.

La ligne Maginot a été un gouffre financier totalement inutile. Nous nous sommes fiés au mythe de la défense imprenable.

Le gros de l'armée allemande étant occupé en Pologne nous aurions dû en profiter pour attaquer. Notre armée étant plus nombreuse, cela aurait peut-être changé le cours de la guerre. « La meilleure défense c'est l'attaque »

Beaucoup d'erreurs diverses, dont les effets s'accumulent, ont mené nos armées au désastre. Une grand carence, cependant, les domine toutes. Nos chefs ou ceux qui agissaient en leur nom, n'ont pas su penser cette guerre. En d'autres termes, le triomphe des Allemands fut, essentiellement, une victoire intellectuelle et c'est peut-être là ce qu'il y a de plus grave...

Dans l'attente de pouvoir vous recontacter,

Marc

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