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J'ai passé la journée à y penser. Je n'écoutais même plus les cours ni Laury qui n'arrêtait pas de me parler.

On est tous les deux de la même famille. On a le même nom de famille ce qui veut dire qu'il est soit mon frère soit mon demi-frère. Mes parents me l'auraient dit si j'allais rejoindre mon frère quand même ? Surtout que lorsqu'on était petit c'était mon voisin avant de devenir mon meilleur ami. C'est quoi cette histoire encore ? Moi qui pensais venir à Boston et vivre une vie à peu près normale, c'est mal parti.

Lorsque la cloche sonne, je décide de sortir aussi rapidement que possible pour ne croiser personne. Je n'ai qu'une envie c'est d'appeler mes parents pour éclaircir tout ca.

Je suis stoppée dans mon élan par des bras musclés qui m'attirent dans un des multiples couloirs de ce lycée. C'est sans étonnement que je me retourne et découvre Curtis affichant une expression inquiète. Je n'ai pas envie de lui parler, ce n'est pas avec lui que je dois régler ça, mais avec nos parents.

J'essaye de me débattre pour sortir de son étreinte mais c'est peine perdue.

Sans un mot, il m'attrape la main et me fait sortir du lycée, nous dirigeant vers sa voiture. Toutes les filles me regardent avec jalousie. Si elles pouvaient me mitrailler de balles rien qu'avec leurs yeux, je serais déjà morte. Seulement si elles savaient que ce n'est pas du tout ce qu'elles pensent. C'est bien pire et ça ne sera pas une partie de plaisir.

Le trajet jusqu'à l'appartement se fait dans un silence de mort. Ce n'est pas un silence gênant parce qu'on a rien à se dire, au contraire. Aucun de nous deux parle car aucun de nous deux ne veut aborder le sujet et pourtant on va bien être obligé.

Une fois la porte passée, je me dirige vers ma chambre mais la voix de Curtis m'arrête.

- Je sais que t'as aucune envie d'en parler et moi non plus mais il le faut et tu le sais autant que moi. Donc tu n'as rien à dire ? Même pas une toute petite réaction ?

- J'aimerais d'abord en parler aux parents. Répondis-je.

- Tu leur en parleras après, ils m'ont demandée à moi de tout t'expliquer quand tu l'apprendras. Le fait que tu te retrouves dans ma classe a tout accéléré et je ne m'étais pas préparé à t'en parler aujourd'hui.

Il cherche désespérément quelque chose des yeux pour éviter mon regard.

- Putain.

- Je ne suis pas aussi bête que ça pour comprendre que si l'on a le même nom de famille c'est que t'es mon frère, je me trompe ?

- Demi-frère. On a juste le même père. On va dire que c'était une erreur de jeunesse pour lui.

- T'es bien parti alors ne t'arrête pas et explique moi. Dis-je d'un ton froid.

Tout ça me tombe d'un seul coup sur la tête et mes émotions sont emmêlées. Je ne sais pas si je dois être heureuse d'avoir un frère, pardon demi-frère, dans ma vie ou si justement je dois leur en vouloir à tous de ne m'avoir rien dit. Surtout que pourquoi lui est-il au courant et pas moi ?

- Tu ne rends pas les choses faciles tu sais ? Répondit-il d'un ton las. Viens t'asseoir avec moi sur le canapé. S'il te plaît.

Je l'écoute et m'installe sur le canapé, aussi loin que possible de lui.

- Bon...par où commencer...

- Par le début ça serait plus simple, dis-je exaspérée.

- Très bien. Plus jeune, Papa a rencontré ma mère lors d'un voyage professionnel je crois. Ils m'ont conçu avant la fin du voyage. Le problème est que Papa était avec ta mère, il l'avait donc trompée. Seulement en rentrant de ce voyage, personne ne savait que j'étais en train de me développer dans le ventre de ma mère. Ce n'est que quelques semaines plus tard que ma mère est allée rendre visite à Papa pour lui informer la nouvelle : elle était enceinte de lui. A ce moment la ta mère était aussi enceinte de toi.

Mon père avait donc trompé ma mère. J'y crois pas. Je comprends que ce n'est pas quelque chose que l'on voudrait crier sur tous les toits mais j'aurais quand même aimé le savoir. Surtout avant de venir ici ! Mais ils s'entendent pourtant si bien...

- Ta mère, folle de rage dit à Papa de dégager et le mit à la porte.

- Compréhensible, rajoutais-je.

- Je vais te passer certains détails mais plus tard, ta mère décida de pardonner à Papa à condition que mon existence en tant que demi-frère ne te soit jamais révélée. Papa accepta mais il voulait aussi que son fils soit près de lui et il réussit à convaincre nos mères pour que la mienne déménage et s'installe près de chez vous. Je suis ensuite né en Septembre, et toi en Décembre. Papa assista évidemment aux deux accouchements. On se retrouva ensuite dans la même école et étant donné qu'on était voisin, une amitié commença à naître entre nous deux, ce qui ne plaisait pas du tout à ta mère. On est même devenu meilleur ami et on partageait absolument tout.

Repenser à cette époque me fait terriblement mal au cœur puisque je sais que ca ne redeviendra jamais comme avant. Encore moins maintenant.

- Si je suis parti c'est parce que ta mère ne supportait plus que tu passes la plupart de ton temps avec moi et que tu tisses des liens avec ma mère, la femme avec qui Papa l'a trompée. Nous avons donc déménagé loin de chez toi et Papa venait nous voir de temps en temps. Au moment d'aller au lycée, une opportunité se proposa à moi. Aller passer mes années de lycée à Boston. J'ai directement accepté car je voulais m'enfuir pour oublier. Oublier que mon père venait de moins en moins souvent et ne pensait plus à moi, oublier ma mère qui buvait de plus en plus mais surtout, t'oublier toi. Pour ma part j'ai toujours sur que tu étais ma sœur car ma mère n'arrêtait pas de me le répéter, sûrement par jalousie puisque Papa était resté avec ta mère.

Cette histoire me touche plus que je ne voudrais le croire. Je n'ai pas du tout été la plus malheureuse de son départ. Lui savait toute la vérité alors que moi j'étais dans l'ignorance la plus totale. C'est injuste. Pas pour moi mais pour lui. Un petit enfant qui devait subir les histoires des adultes. Le seul fautif est mon père et j'aurais du mal à lui pardonner même si Maman l'a fait. Il a fait souffrir tout le monde et d'autant plus un petit garçon qui n'avait rien demandé.

A la fin de son récit, je vois les yeux de Curtis qui brillent. Il ne me regarde pas et observe le vide devant lui.

Je ne me suis pas rendue compte qu'au fils de l'histoire je me suis rapprochée de lui sur le canapé jusqu'à ce que je sente que nos jambes sont en contact. Lui aussi l'a senti puisqu'il tourne la tête aussi doucement que possible vers moi. On se regarde longuement sans rien dire. Ses yeux brillent de plus en plus, remplis de larmes qui ne veulent pas sortir.

C'est à ce moment que j'enfouis ma tête dans son cou l'entourant de mes bras. Il parut choqué de mon geste mais m'entoura rapidement de ses bras.

Je vais peut-être regretter mon geste demain quand je retrouverais le Curtis arrogant que je connais depuis que je suis ici mais pour l'instant je profite juste.

C'est mon frère après tout.

Colocation agitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant