La Scientifique

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Bien des jours s'étaient écoulés depuis qu'on l'avait installée sur la route spatiale menant aux cadrans jupitériens. Shae Deradienne avait pourtant rêvé de devenir une exploratrice spatiale, savante parmi les étoiles. Comme toutes ces femmes et ces hommes que l'on avait envoyé dans le ciel pour tracer des routes que jamais personne n'avait emprunté alors. Bâtir des cités sur des terres inexplorées. Transformer les astres en paradis.

Ces destins, malheureusement, n'existaient que pour une poignée de chanceux ou de riches investisseurs. Elle avait étudié à l'école concilienne comme l'ensemble de ses amis, avant de rejoindre une prestigieuse université sur Vénus. Le coeur bercé d'illusion, elle décrocha un diplôme d'astro-physicienne, avant de se rendre compte que c'était là le quotidien de tout le système solaire et qu'il n'y avait plus aucun débouché dans cette filière. Ses parents parvinrent à négocier avec les scientocrates pour lui trouver une place parmi les étoiles. Un moyen de réaliser une part de son rêve.

Et quelle place !

Sa cabine n'était pas plus grande que ce qu'il était au minimum décent de supporter dans l'espace. Elle comportait une nacelle sur laquelle trônait un siège dont l'unique utilité était d'accéder aux milliers de commandes digitales et holographiques de la console de bord. De chaque côté de ce qui servait de chambre et salle de vie en même temps, quelques étagères parsemées de plantes et d'hololivres faisaient son quotidien. L'agence spatiale lui avait conseillé d'aménager une couchette de stase mais elle avait préféré la chaleur d'une couverture et le réconfort d'un lit bien douillet.

Derrière les murs de métal aussi froids que l'atmosphère ambiante, des salles avaient été aménagées pour les besoins sanitaires, hygiéniques et médicaux de tout individu. Une capsule de survie en cas de danger imminent était constamment visible. Elle avait songé maintes et maintes fois à s'y cloîtrer et déclencher le système d'éjection d'urgence. Mais son sens du devoir et son sang froid plus que remarquable l'en a dissuadé depuis bien longtemps.

Aujourd'hui était un nouveau jour. A travers les hublots, elle pouvait apercevoir la faible lueur du soleil en contrebas. Sa station avait été placée dans le point le plus éloigné du système solaire et permettait de faire le relais entre les deux orbitales. Autant dire qu'il n'y avait pas un grand trafic. Sur sa feuille de route quotidienne, une liste des navires et leur provenance, ainsi que les paramètres de leurs trajectoires, leurs tailles, leurs masses et une multitudes d'autres données que le robot synthétique, devait analyser à l'autre bout de l'édifice spatial.

Le prochain vaisseau était prévu pour la fin d'après-midi - heure stellaire - en somme elle avait une journée devant elle pour s'occuper. Bien entendu, il y avait de quoi faire. Car en dehors de son espace de vie et de travail personnel, les lieux comptaient deux jardins, une aire de promenade en simulation virtuelle, des salles de jeux et de détente, une piscine ainsi qu'un sauna. Si, avec le temps, l'ensemble s'était un tant soit peu décrépi, elle était tombée amoureuse de l'aspect particulièrement rétro qu'avait épousé son nouvel habitat.

Elle alla vers la salle de bain et se regarda dans la glace. Son visage fin et angulaire contrastait avec une chevelure coupée au carré. Ses iris violacés venait analyser chaque partie de son corps. Elle n'était pas spécialement maigre, mais avait une carrure plutôt fine bien que l'on pouvait déceler une musculature plus développée qu'au premier abord. Entièrement nue, elle inspecta chaque partie de son corps pour dénicher la moindre pilosité anormale ou éventuelles contusions. Une douche à vapeur plus tard, elle était prête.

Dans le fond de la station, aux étages les plus bas, une salle d'émission de signaux lumineux pour communiquer avec la civilisation. C'était l'occasion pour elle de discuter par hologramme interposé avec ses anciens collègues de promos, ses parents ainsi que son camarade proche, le jeune Thomus Patricoeur. Ce dernier avait choisi une voie plus rigoureuse et stricte que l'étude scientifique et la maintenance des systèmes coloniaux. Il était entré dans le corps d'armée de l'empire au jeune âge de 23 ans.

Le Dilemme de R. CadischacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant