« En décembre 1918, le Traité de Versailles obligeant l'Allemagne à réparer les dégâts commis n'avait pas encore été signé et nos contrées se remettaient lentement de ce conflit destructeur et meurtrier. Les stigmates étaient multiples à travers tout le pays, tant dans le paysage que dans les cœurs.
Elizabeth, notre voisine avait eu moins de chance que mon épouse Marthe. Son mari, médecin, était tombé au champ d'honneur. Elle était devenue une veuve bourgeoise, plutôt nantie, malgré la guerre. Néanmoins, l'argent qu'elle avait pu dissimuler ne lui était pas d'un grand secours pour faire son deuil. Foutue guerre... Nous l'aidions comme nous le pouvions en lui rendant visite ou en lui donnant de petits coups de mains dans la gestion quotidienne de sa grande maison et de son vaste jardin.
Malgré la guerre finie, rien n'était facile. Nous avions, quant à nous, encore un peu de mal à joindre les deux bouts. L'économie se remettait lentement en route. Un franc était un franc. On prenait garde à ne rien gaspiller. »
En lisant ce passage du carnet, j'ai cru un instant que Pépé parlait de Charlemagne et de son empire. Évidemment, il s'agissait des francs, la monnaie. Moi, je n'avais que deux ans quand l'€uro s'est installé.
Sur la page suivante, Pépé avait collé un petit article de journal, présentant un fait divers presque anodin, s'il n'avait été horrible.
UN CADAVRE DANS LES COTEAUX DE LA CITADELLE
« Ce 25 décembre au matin, la police a fait une macabre découverte dans un sentier des Coteaux de la Citadelle à Liège. Un individu qui, à l'heure d'écrire ces lignes, n'a pas encore été identifié, a été retrouvé mort, la gorge tranchée. Il ne portait aucun document d'identité sur lui, ce qui complique quelque peu le travail des forces de l'ordre.
Le commissaire Nestor Simon, chargé de l'enquête, se refuse à d'autres commentaires pour l'instant, assurant que toute la lumière sera faite rapidement sur cette affaire. Si l'hypothèse du meurtre est confirmée, il assure que l'arrestation du coupable ne saurait tarder. »
Vous vous doutez probablement que je me suis tout de suite demandé ce que venait faire cette petite manchette glauque dans le carnet de souvenirs de mon Pépé. Vous n'imaginez pas à quel point j'ai été effaré en la lisant. Ce que j'avais trouvé dans l'encyclopédie pouvait-il avoir un lien avec cet article ?
Il est vrai que je ne vous ai pas encore dit ce que j'ai découvert en examinant le volumineux ouvrage caché au fond du coffre de Georges...
Les premières pages se feuilletaient normalement jusqu'au centre de l'impressionnant bouquin. Pour la seconde moitié, les feuillets avaient été collés ensemble. Le centre avait été découpé afin d'aménager une sorte de cache dans laquelle se trouvait un morceau de tissu formant un petit paquetage. Je l'avais délicatement déballé pour y découvrir une liasse de billets en francs belges.
image: le-bibliomane.blogspot.be/2010/04/
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Le secret de Georges Meunière
Short StoryMathias est un jeune homme curieux. Quand il apprend que son grand père, ancien combattant de la première guerre, était surnommé "Georges Le Taciturne", il a envie d'en savoir davantage. Grâce à quelques fouilles dans le grenier de la maison familia...