épisode 5

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« Tu n'es qu'un idiot, Meunière ! » furent ses derniers mots. Ma main droite avait réussi à saisir une pierre qui me permit de le frapper à la tempe, le faisant basculer dans le fossé qui longeait le chemin.

Dégagé de son emprise, je me suis péniblement redressé. Mon crâne me faisait horriblement mal. Un filet de sang coulait, tachant ma chemise. Je me suis prudemment approché du bord du sentier pour tenter d'apercevoir mon agresseur. Avais-je réussi à l'assommer ? Son corps semblait inerte en contrebas du fossé. Sa silhouette se dessinait sur une masse sombre sur laquelle il avait atterri. Après quelques pas mal assurés, je découvris avec stupeur qu'il s'était empalé sur une plaque métallique tordue. Peut-être un élément d'une pièce d'artillerie détruite en 1914. L'acier rouillé lui avait tranché la gorge.

Cette foutue guerre avait fait une victime de plus... »

*

Je comprends qu'après tout ça, mon arrière-grand-père se soit renfermé dans un certain mutisme. Oui, il a été obligé de se battre pour rester en vie et rendre la justice. Oui, ce n'était plus son rôle de défendre le peuple, la guerre était finie. Tout ce qui s'est passé ce soir-là est terrible et affreusement regrettable. Mais, aujourd'hui, dans une pareille affaire, on parlerait sans doute de légitime défense. Il aurait dû se dénoncer mais il est fort probable que les forces de l'ordre l'auraient considéré comme un complice de ce Gilles et collé l'étiquette de meurtrier.

Comment dites-vous ? Mon grand-père est un voleur ? Ah oui, vous pensez à l'argent caché dans l'encyclopédie ! Attendez la fin de son récit avant de tirer des conclusions hâtives.

*

« Je suis rentré à la maison avec la joue tuméfiée, des marques dans le cou, une blessure à la tête, mes vêtements partiellement déchirés et souillés. Marthe et Elisabeth se sont précipitées sur moi en posant mille questions. J'ai réussi à inventer une histoire, qui tenait plus ou moins la route, d'un ivrogne qui m'avait agressé alors que je fumais ma cigarette dans la rue.

Elizabeth est rentrée chez elle une heure plus tard, trouvant la porte de la buanderie forcée et la maisonnée complètement retournée. Elle retrouva la liasse de 21 000 francs que j'avais posée bien en vue sur la table de la salle à manger.

Le 26 décembre au soir, j'ai trouvé une enveloppe dans la boîte aux lettres. Juste mon nom et pas d'adresse. A l'intérieur, le petit article de journal relatant le drame des Coteaux et 3 000 francs. Elizabeth... Elle n'a rien signé mais je suis certain qu'il s'agit d'elle. Notre amie avait compris ce que j'avais dû faire et elle ne m'a jamais demandé d'explications sur cette triste soirée. Pour cet argent, j'ai tranché. Une seule possibilité. Mon âme, mon cœur et mes souvenirs m'empêcheront toujours de l'utiliser.

Georges Meunière, le 15 janvier 1920 »


*

Voilà, c'est ainsi que se termine ma première mission d'archéologue-enquêteur. Elle restera particulière car elle m'a permis de confirmer que mon Pépé Poilu, c'était vraiment quelqu'un de bien.

Le secret de Georges MeunièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant